Théorisation de l’accumulation primitive dans L’Impérialisme et dans La condition de l’homme moderne : Hannah Arendt, lectrice de Rosa Luxemburg — Laura Aristizabal Arango

Lien vers la brochure en pdf : Arendt-Accumulation

Lire le texte original (anglais) sur Les Cahiers du GRM

Texte de la brochure :

L’évidence d’un héritage

En 1948, paraît L’Impérialisme, deuxième tome des Origines du totalitarisme dans lequel Arendt étudie les causes et les mécanismes de la politique impérialiste européenne de la fin du 19e siècle en tant qu’elle constitue à ses yeux, au même titre que l’antisémitisme, l’un des éléments structurels du totalitarisme. Les études qui portent sur ce tome des Origines du totalitarisme ont relevé qu’Arendt construit son étude de l’impérialisme en héritant des thèses que Rosa Luxemburg avance dans L’accumulation du capital (1913) à propos de l’accumulation primitive du capital. Cette évidence vient des textes mêmes d’Arendt : non seulement dans L’Impérialisme Arendt mentionne les « brillantes recherches de Luxemburg à propos de la structure politique de l’impérialisme » mais, en outre, en 1966, Arendt consacre un texte-hommage à Rosa Luxemburg, dans lequel elle affirme, contre les critiques marxistes « orthodoxes » de Luxemburg, que L’accumulation du capital était une « description éminemment fidèle des choses telles qu’elles se produisaient en réalité ». Par la suite, de nombreux·ses commentateur·rices ont rappelé la dette d’Arendt vis-à-vis de la compréhension luxemburgienne de l’accumulation primitive. Pour n’en citer que quelques-un·es : Elisabeth Young-Bruehl remarque dans la biographie qu’elle consacre à Hannah Arendt (1999) que les thèses de Luxemburg sur l’impérialisme étaient pour Arendt un outil théorique non seulement dans la compréhension de l’impérialisme européen de la fin du 19siècle mais aussi dans celle de l’impérialisme américain au Vietnam et en Amérique latine ; David Harvey, quant à lui, situe ses thèses sur « l’accumulation par dépossession » dans une généalogie qu’il fait remonter à Rosa Luxemburg et à Hannah Arendt ; pour sa part, Anne Amiel rappelle que dans L’Impérialisme Arendt dialogue avec « l’historiographie marxienne – à commencer par Rosa Luxemburg envers laquelle elle est débitrice ».

Continuer la lecture de Théorisation de l’accumulation primitive dans L’Impérialisme et dans La condition de l’homme moderne : Hannah Arendt, lectrice de Rosa Luxemburg — Laura Aristizabal Arango

Rendre la police obsolète – 1 de Kristian Williams

Lien vers la brochure en pdf : Kristian-Williams

Lire le texte original (anglais) sur AK Press (UK)

Texte de la brochure :

Traditionnellement, à la fin d’un livre comme celui-ci, on termine par des recommandations sur ce qui pourrait rendre la police plus efficace, efficiente, moins corrompue, moins violente, etc. Ces recommandations s’adressent presque toujours aux législateurices et aux administrateurices de la police. Elles sont d’ordinaire plus techniques que politiques, c’est-à-dire qu’elles offrent un avis détaché sur ce qui, dans le sens le plus général du terme, constituent les moyens de la police – les stratégies de patrouille, de contrôle des foules, les techniques d’interrogatoire, les politiques d’usage de la force, les organigrammes, les mécanismes de contrôle interne, les moyens d’améliorer le moral des troupes, la discrimination positive – sans interroger (ni souvent même identifier) les objectifs de la police. Elles ne soulèvent pas de grandes questions sur le rôle de la police dans la société, sa nécessité ou les alternatives qui pourraient y exister.

J’approche cette conclusion d’un tout autre angle. Mes recommandations ne s’adressent pas aux personnes au pouvoir, mais au public. Elles sont volontairement politiques et évitent l’aspect technique. J’ai, au cours de ce livre, inspecté le rôle de la police, ce qu’il implique pour la démocratie et la justice sociale, et questionné à quoi servent les flics. Je vais maintenant brièvement considérer la question : est-ce que l’on peut se passer de la police ?

Remettre en cause les évidences

Dans son essai « La Manufacture du consentement », Noam Chomsky conseille : « Si vous voulez apprendre quelque chose sur le système de propagande, regardez bien les critiques et leurs présupposés tacites. C’est ce qui constitue typiquement les doctrines de la religion d’état. » Ayant cela à l’esprit, c’est intéressant de noter ce que les universitaires n’admettent pas, les possibilités qu’iels laissent hors de leur champ d’étude. Dans la bibliographie « sérieuse », le fait que la police soit une composante nécessaire de la société moderne est un présupposé presque universel.

Continuer la lecture de Rendre la police obsolète – 1 de Kristian Williams

« C’était le système de santé qui nous rendait malades » – Claire Richard

Lien vers la brochure en pdf : C’était le système qui nous rendait malades

Lire le texte sur le site de Panthère Première

Texte de la brochure :

Dans les années 1970 aux États-Unis, le mouvement révolutionnaire des Young Lords investit le champ de la santé, révélateur par excellence des inégalités sociales et raciales. De dépistage sauvage en occupations de services hospitaliers, cet équivalent latino des Black Panthers développe une conception communautaire du soin tout en faisant fléchir les politiques publiques.

*

Juillet 1970, South Bronx, New York, 5 h 30 du matin. L’hôpital Lincoln fonctionne au ralenti. Soudain, un camion entre et se gare devant la Nurse’s Residence, un bâtiment administratif. Les portes arrière s’ouvrent et des dizaines de jeunes gens en descendent. Ils et elles ne portent pas de blouses blanches : ce sont des militant·es des Young Lords, un mouvement « nationaliste révolutionnaire » portoricain inspiré des Black Panthers. Sont venu·es avec elleux quelques travailleur·euses de santé et internes engagé·es. Très vite, sans rencontrer d’obstacles, elles et ils prennent le contrôle du bâtiment. Quelques heures plus tard, une conférence de presse est organisée pour annoncer la nouvelle : les Young Lords, un parti ayant moins d’un an d’existence, occupe l’un des principaux hôpitaux du Bronx[1].

Continuer la lecture de « C’était le système de santé qui nous rendait malades » – Claire Richard

Quand les peuples de l’Est luttaient au nom de l’idéal communiste – Catherine Samary

Lien vers la brochure en pdf : Quand les peuples de l’est luttaient aun nom de l’idéal communiste

Lire le texte sur le site du Monde Diplomatique
(D’ailleurs abonnez-vous si vous pouvez/voulez, iels sont dans la mouise et leur coopérative de distribution aussi, il y a une offre vraiment intéressante pour l’abonnement virtuel en ce moment en plus)

Texte de la brochure :

La passivité des populations du bloc soviétique compte au nombre des idées reçues transformées en vérités historiques après la chute du Mur. Masses privées de libre arbitre, elles ne pouvaient, selon l’Occident, qu’obéir servilement tout en maudissant le communisme. Or nombre des mouvements sociaux qui émaillèrent l’histoire du bloc de l’Est aspiraient en réalité à un vrai socialisme.

*

La mémoire de l’effondrement du bloc soviétique, en 1989-1991, se décline toujours comme une collection d’images d’Épinal[1]« En 1989, explique le politologue britannique Timothy Garton Ash, les Européens ont proposé un nouveau modèle de révolution non violente — de révolution de velours[2] » ; une image inversée, en somme, de celle qui prenait le Palais d’hiver en octobre 1917. Rien n’incarnerait mieux ce modèle que la Tchécoslovaquie et le dissident célèbre qui devint son président en 1989, Václav Havel, un dramaturge longtemps emprisonné par le régime. Cette interprétation attribue à l’idéologie libérale et à ses représentants un poids prépondérant dans la victoire de l’Ouest au terme de la guerre froide. Mais Havel lui-même n’y croyait pas. En 1989, admettait-il, « la dissidence n’était pas prête. (…) Nous n’avons eu qu’une influence minime sur les événements eux-mêmes ». Et de désigner le facteur décisif, qui se trouvait un peu plus à l’est : « L’Union soviétique ne pouvait plus intervenir, sous peine d’ouvrir une crise internationale et de rompre toute la nouvelle politique de perestroïka [« reconstruction »] »[3].

Continuer la lecture de Quand les peuples de l’Est luttaient au nom de l’idéal communiste – Catherine Samary

Autodéfense et sécurité – Elsa Dorlin

Lien vers la brochure en pdf : Se défendre – Autodéfense et sécurité
Lien vers la brochure en pdf format livret : Se défendre – autodéfense et sécurité_livret
Lire le lyber sur le site des éditions Zones

Safe!

Dès la fin des années soixante aux États-Unis, dans un contexte où la mobilisation des minorités raciales et sexuelles est à son acmé, les Black Panthers font « école ». En juin 1969, les révoltes de Stonewall marquent un tournant quant à la libération homosexuelle et trans, en écho aux mouvements de libération des femmes, antiracistes et anti-impérialistes. Pour l’ensemble de ces mouvements, c’est l’État et sa police qui assassinent. Dès 1965, à San Francisco, les militants LGBTQ organisent la résistance contre les persécutions policières des minorités sexuelles. Au début des années soixante-dix, le Gay Liberation Front (GLF)[1] participe à de nombreuses actions avec ou en soutien du Black Panthers Party : l’articulation des luttes anticapitaliste, antiraciste et antipatriarcale est alors l’un des piliers de l’analyse politique de nombre de mouvements coalisés. « Nos oppresseurs les plus immédiats sont les flics (…). Chaque vie homosexuelle vit dans la peur des flics, sauf quand nous commençons à contre-attaquer[2] » Des mouvements comme le Third World Gay Revolution (TWGR), the Combahee River Collective, par exemple, maintiendront cette ligne, même à contre-courant. Au début de l’année 1979, alors qu’une dizaine de femmes noires ont été assassinées en quelques mois, le Combahee River Collective[3] publie une brochure 6, 7, 8… Eleven Black Women. Why Did They Die?[4]. Refusant la rhétorique d’un recours à plus de protection policière ou patriarcale, le collectif retraduit la question de la sécurité en « autoprotection », appréhendant le sexisme et le racisme non pas comme deux rapports de domination additionnés (comme si l’un et l’autre s’ajoutaient, constituaient une « double » discrimination), mais comme un seul et même dispositif d’exposition maximale au risque de mort. Cette brochure est un véritable manifeste d’autodéfense qui explicite les ressources, les techniques, corporelles, personnelles, urbaines et politiques, qui permettent d’apprendre à se protéger soi-même.

Continuer la lecture de Autodéfense et sécurité – Elsa Dorlin

Les libertaires et le féminisme – Maria Lacerda de Moura

Lien vers la brochure en pdf : Les libertaires et le féminisme

Texte de la brochure :

Qu’on ne croit pas qu’aucune animosité ne me dresse contre l’anarchisme, bien au contraire. J’apprécie fort nombre de ses apôtres et c’est parce que cette idée possède toutes mes sympathies que je me décide à exposer — afin qu’ils se corrigent — quelques-unes des erreurs dans lesquelles tombent une multitude de ses propagandistes. Je me réfère ici au problème féminin et à la position prise par certains libertaires à l’égard de cette question.

Il existe un bon nombre d’anarchistes qui considèrent emphatiquement Kropotkine comme leur coreligionnaire et qui, en ce qui concerne l’esclavage sexuel et amoureux de la femme, sont encore dans les langes. Ils croient, les malheureux, qu’elle n’est ni ne doit être la maitresse de son corps mais que son rôle est de se soumettre aux caprices de l’homme, concrètement d’appartenir seulement et exclusivement à un seul homme. Ils ne se rendent pas compte que leur manière de voir est absolument la même que celle des partisans du mariage légal, religieux ou civil, étant donné que l’union monogame et la famille « indestructible » sont la base et le soutien de la Religion, de l’Etat et de la Propriété-Privée.

Continuer la lecture de Les libertaires et le féminisme – Maria Lacerda de Moura

Paroles d’établi·e·s en usine – Entretien réalisé par Mathieu Strale et Eva Deront

Lien vers la brochure en pdf : Paroles d’établi·e·s en usine

Lire l’entretien sur le site de Contretemps

Texte de la brochure :

À partir de l’interview croisée de quatre ancien·ne·s militant·e·s belges qui travaillèrent en usine au cours des années 1970 et 1980 en Belgique dans le cadre de leur engagement politique, et en écho à la lecture de L’Établi de Robert Linhart, cet article s’interroge sur les similitudes et différences avec des engagements similaires en Belgique et sur les enjeux et enseignements à tirer pour les militant·e·s actuels.

*

Au fil des lectures sur la condition ouvrière, un nom revient souvent : celui de Robert Linhart, sociologue français, engagé dans le mouvement maoïste des années 1970 et qui a pris la décision de s’« établir » dans une usine Citroën. Témoignage poignant sur la condition ouvrière, son livre, L’Établi (1978), entre en résonance avec des questions qui peuvent tarauder des militants marxistes ayant bénéficié d’une formation universitaire. Peut-on être utile et légitime si l’on n’est pas soi-même au centre de l’appareil productif ? Quelles stratégies de constitution d’un groupe ou d’un parti révolutionnaire des travailleurs, pour quels résultats ? Continuer la lecture de Paroles d’établi·e·s en usine – Entretien réalisé par Mathieu Strale et Eva Deront

Les mains, les outils, les armes – Paola Tabet

Lien vers la brochure en pdf : Les mains, les outils, les armes

(une version en plusieurs livrets sera proposée, 68p c’est beaucoup !)

Texte de la brochure :

L’homme qui meurt
se change en jaguar,
la femme qui meurt
avec l’orage s’en va
avec l’orage disparaît.

Paroles nambikwara[1]

Il est en ethnologie un aspect de la division sexuelle du travail qui jusqu’à présent n’a pas été étudié globalement ni considéré convenablement : c’est celui des outils dont se servent hommes et femmes. La question est de savoir s’il existe une différenciation par sexe des outils ; si oui, quels en sont les caractères et quel est le rapport entre cette différenciation, la division même du travail et la domi­nation de l’homme sur la femme. Continuer la lecture de Les mains, les outils, les armes – Paola Tabet

La « période de transition » – Marie Isidine

Lien vers la brochure en pdf : La « période de transition »

Texte de la brochure :

Dans les innombrables discussions que la révolution russe a fait naître dans les milieux socialistes et révolutionnaires, l’idée revient continuellement d’une « période de transition » succédant à la révolution victorieuse ; c’est peut-être l’idée dont on abuse le plus pour justifier des façons d’agir et des reniements indéfendables. On estime généralement que même les pays les plus avancés ne sont pas prêts pour une réalisation intégrale du socialisme (et, à plus forte raison, du socialisme anarchiste) ; en partant de là, les uns préconisent des blocs mi-socialistes, mi-radicaux, ou un « gouvernement ouvrier » qui, en fait de socialisme, ne réalisera que le programme minimum des congrès ; les autres visent à un coup de force qui donnera aux révolutionnaires un pouvoir dictatorial qu’ils feront servir aux intérêts de la classe ouvrière, surtout en terrorisant la bourgeoisie. Les bolcheviks, en particulier (et les anarchistes qui se sont laissés entraîner par eux), nous disent « Croyez-vous vraiment à la possibilité de faire régner dès maintenant le communisme anarchiste ? Les masses n’y sont pas préparées et le socialisme a encore trop d’ennemis ; tant qu’ils subsisteront, l’État restera nécessaire. Il faut vous résigner à une période transitoire de dictature. » Continuer la lecture de La « période de transition » – Marie Isidine

Y’en a pas une sur cent – Marianne Enckell

Lien vers la brochure en pdf : Y’en a pas une sur cent

Texte sur le site de Réfractions

Texte de la brochure :

En février 1999, les femmes libertaires d’Amérique latine avaient organisé une réunion à Montevideo. Le dernier jour elles se sont rendues au centre-ville, tout de noir vêtues selon la mode imposée par les talibans, pour rendre hommage à la résistance des femmes ailleurs dans le monde et protester contre l’oppression des femmes afghanes. Les passants se sont arrêtés; alors, sans hésiter, elles se sont dévêtues et ont terminé leur manifestation, nues comme au premier jour. Faut le faire.

Il y a quelques années, le CIRA, le Centre international de recherches sur l’anarchisme à Lausanne, a monté une exposition sur quelque vingt-cinq femmes anarchistes dont il conserve des écrits. Depuis lors, nous avons repéré au moins une soixantaine de femmes auteures, certaines féministes, d’autres non. Je leur donne la parole, elles parlent mieux que je ne saurais le faire. Y en a pas une sur cent… et pourtant elles existent, les femmes anarchistes (comme aurait pu le chanter Léo Ferré), et elles sont bien plus nombreuses que celles présentées ici. Nos grands-mères, ce ne sont pas seulement Louise et Emma ! Continuer la lecture de Y’en a pas une sur cent – Marianne Enckell