Les ouvrières de la mode, entre luxe et blouse – Giulia Mensitieri

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Texte de la brochure :

Les couturières, les « petites mains » de la mode, passent habituellement inaperçues, cachées derrière le faste des images du luxe. Elles ont été révélées en pleine crise sanitaire, quand certains soignants devaient porter des sacs-poubelles en guise de blouse. La notion de « confection » de vêtements a alors repris tout son sens et son importance symbolique, comme une invitation à repenser notre rapport à la mode, ce secteur si important dans l’économie et l’imaginaire français.

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Que vous apparteniez à la catégorie de celles et ceux qui pendant le confinement n’ont négligé aucun élément de leur accoutrement, ou alors que vous n’ayez pas quitté pendant plusieurs semaines vos vêtements de sport, vous aurez probablement constaté que vous avez beaucoup trop d’habits.

L’industrie de la mode est en France plus puissante que celles de l’automobile et de l’aéronautique. En 2016, elle représentait 150 millions d’euros de chiffre d’affaire direct, 2,7 du PIB et 580 000 emplois directs. Cette économie de la richesse va de pair avec une économie du gaspillage et de la pollution : 30 % des habits achetés par les Français ne sont jamais portés et s’entassent dans les 600 000 tonnes de textile qui sont jetées chaque année.

Les habits sont une affaire sérieuse en France, et ils occupent une place importante dans les consommations, les métiers, les désirs, les villes, les rues et les espaces de rangement des Français·e·s. Fermez les yeux un instant, et essayez de vous figurer tous les vêtements qui depuis le début du confinement attendaient dans les magasins de votre ville. Parcourez-les, ces rues marchandes, ces grands magasins, ces centres commerciaux, ces rayons, ces étagères, ces cintres, et multipliez-les à l’échelle de la nation. C’est vertigineux. Continuer la lecture de Les ouvrières de la mode, entre luxe et blouse – Giulia Mensitieri

Le «male gaze», bad fiction – Cécile Daumas

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Texte de la brochure :

Jamais le terme n’a été autant employé pour mettre au jour, dans les films, les séries, les arts, ce regard masculin qui fait des femmes un objet de désir et de plaisir. Retour sur un concept clé des études féministes sur le cinéma.

Le grand Tarantino, père de l’invincible Kill Bill, serait-il pris en flagrant délit de «male gaze», ce regard masculin dominateur qui ordonne le monde et la fiction ? Si Once Upon a Time… in Hollywood, sorti mi-août, cartonne en France – près de 2,5 millions d’entrées -, il est aussi objet d’une polémique déclenchée par des féministes. Le film se passe en 1969, année de la mort de Sharon Tate, compagne d’alors du réalisateur Roman Polanski[1]. Maximum de gros plans sur le physique ondulant de l’actrice, répliques résumées à une poignée de mots. Sharon Tate, jouée par Margot Robbie, est objet du regard quand les héros – Brad Pitt et Leonardo DiCaprio – sont moteurs de la fiction. «Que Tarantino réussisse à réduire Tate – une actrice talentueuse, une victime de meurtre de masse, l’épouse d’un homme qui plaiderait plus tard coupable de relations sexuelles illégales avec une mineure – à une poupée sans vie et perpétuellement joyeuse est un exploit du plus triste genre, écrit Clémence Michallon dans The Independent. Le male gaze de Tarantino n’est pas seulement insultant, il est terriblement ennuyeux.» Pour la philosophe Sandra Laugier, au contraire, le film de Tarantino se joue des regards féminins et masculins avec notamment la scène ardente d’un Brad Pitt torse nu sur un toit ! Même si Sharon Tate est quasi muette, l’intrigue du film est en définitive «le plus bel hommage d’un grand cinéaste à l’actrice assassinée il y a cinquante ans», écrit la philosophe dans sa chronique parue dans Libération le 6 septembre [2019]. Continuer la lecture de Le «male gaze», bad fiction – Cécile Daumas

A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 3 – Corinne Monnet

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Texte de la brochure :

Amour et hétérosexualité.
Point de vue féministe

Durant cette première partie, j’ai surtout retracé mes ressentis et réflexions avant que je ne sois féministe. C’est pour cette raison que j’ai parlé de l’amour de façon indifférenciée par rapport au genre, et aussi par rapport à l’orientation sexuelle.

Je vais maintenant essayer de montrer en quoi mon féminisme m’a confortée et soutenue dans mon projet de vie non-monogame et dans mon questionnement au sujet de la fonction de l’amour. Cette partie portera explicitement sur les relations hétérosexuelles, que les femmes et les hommes impliquées soient bisexuelles ou hétérosexuelles. Aussi, je n’y parlerai donc que de mon versant hétérosexuel. Continuer la lecture de A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 3 – Corinne Monnet

A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 2 – Corinne Monnet

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Texte de la brochure :

Présentation du cadre
de la non-monogamie responsable

Lors de mon cheminement pour vivre d’autres possibles que le couple exclusif, je me suis heurtée à une grande solitude. Partager, échanger avec les autres sur ce sujet était souvent impossible. J’avais tantôt droit aux opinions les plus banales du style « si tu n’es pas fidèle, c’est que tu n’as pas rencontré l’homme qu’il te fallait », tantôt à des moins courues mais qui ne disaient qu’une seule chose finalement, que je me prenais vraiment trop la tête et que mes désirs, bien que chouettes, étaient irréalisables. Quelques rares personnes étaient d’accord sur les principes, mais ne le vivaient pas, ce qui ne pouvait m’être d’une grande aide. Quand on sait combien dans cette pratique on a affaire justement à des affects les plus profonds et les plus difficiles à changer (sentiment d’insécurité, jalousie, manque de confiance en soi, désir de fusion…), l’accord seulement théorique semble bien creux. Ramer à contrecourant est très difficile, mais quand on n’a aucun soutien de l’entourage proche (hormis celles/ceux avec qui l’on vit ces relations non exclusives bien sûr) et qu’on ne trouve dans les publications existantes ni modèle, ni encouragements, reflets ou analyses pouvant nous soutenir dans notre démarche, ça devient bien insupportable. Constamment j’ai remis en cause mes choix et je n’ai cessé de me demander si les autres n’avaient pas finalement raison. Comme si le couple et l’affectif étaient des limites infranchissables et intouchables. Continuer la lecture de A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 2 – Corinne Monnet

A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 1 – Corinne Monnet

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Texte de la brochure :

 

« La société dans laquelle nous vivons est un processus, et cela est vrai de toutes les sociétés, même de celles qui essayent de résister au changement. Une partie importante de la fonction du gouvernement consiste à tenter d’inhiber le processus de changement dans notre société. Mais le changement est possible et nécessaire (il est, en effet, inévitable), quelle qu’en soit l’étendue que nous puissions présentement réaliser. Nous accroissons la viabilité de la révolution en vivant maintenant en accord avec les principes anarchistes et féministes, quelle que soit notre situation environnante.
Vivre la révolution est, je crois, la phrase clef. »

Lisa Bendall,
« Anarchism and Feminism »
dans Feminism, Anarchism, Women. The Raven 21, janvier/mars 1993, Londres, Freedom Press.

En guise d’introduction à ce texte, je souhaite éclaircir quelques points afin de ne pas avoir à revenir dessus tout au long. Ce texte est un texte personnel dans le sens que j’y parle de ma façon de vivre mon féminisme et mon anarchisme dans la sphère relationnelle et affective. Ce n’est heureusement pas la seule façon de les vivre. Continuer la lecture de A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité, partie 1 – Corinne Monnet

Peut-on « séparer la femme de l’artiste » ? – Aurore Turbiau

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Texte de la brochure :

On entend beaucoup dire en ce moment, en sinistre contexte, qu’il faut « séparer l’homme de l’artiste » : par là, on entend en principe défendre l’idée que les œuvres d’art ou les productions culturelles doivent être appréciées indépendamment du jugement que l’on porte sur leurs auteurs, afin de garantir à notre évaluation esthétique son impartialité et son objectivité. On demande alors de juger l’œuvre, surtout pas l’homme qui l’a produite, et celui-là est censé disparaître derrière sa réalisation – quand bien même il aurait été le premier à s’y être comparé[1] et même si c’est bien à lui qu’on donne des récompenses ensuite[2].

En littérature, le débat court depuis longtemps : sur ce site-même on en reparlait récemment à travers l’analyse des idées de Saint-Beuve[3]. C’est un grand classique de la critique littéraire que de se demander si on doit ou non s’intéresser aux biographies des écrivain·es pour juger leurs textes – Sainte-Beuve jugeait que oui et le mettait largement en pratique, Proust en réponse prônait la distinction entre le « moi social » et le « moi profond » de la personne qui écrit. Cette opposition, en réalité ne recouvre pas exactement celle qui propose de « séparer l’homme de l’artiste » mais a souvent été comprise ainsi. Vieilles idées, vieux débats sans fin : la réalité est toujours trop complexe pour être réduite à des schémas binaires.

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« C’était le système de santé qui nous rendait malades » – Claire Richard

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Lire le texte sur le site de Panthère Première

Texte de la brochure :

Dans les années 1970 aux États-Unis, le mouvement révolutionnaire des Young Lords investit le champ de la santé, révélateur par excellence des inégalités sociales et raciales. De dépistage sauvage en occupations de services hospitaliers, cet équivalent latino des Black Panthers développe une conception communautaire du soin tout en faisant fléchir les politiques publiques.

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Juillet 1970, South Bronx, New York, 5 h 30 du matin. L’hôpital Lincoln fonctionne au ralenti. Soudain, un camion entre et se gare devant la Nurse’s Residence, un bâtiment administratif. Les portes arrière s’ouvrent et des dizaines de jeunes gens en descendent. Ils et elles ne portent pas de blouses blanches : ce sont des militant·es des Young Lords, un mouvement « nationaliste révolutionnaire » portoricain inspiré des Black Panthers. Sont venu·es avec elleux quelques travailleur·euses de santé et internes engagé·es. Très vite, sans rencontrer d’obstacles, elles et ils prennent le contrôle du bâtiment. Quelques heures plus tard, une conférence de presse est organisée pour annoncer la nouvelle : les Young Lords, un parti ayant moins d’un an d’existence, occupe l’un des principaux hôpitaux du Bronx[1].

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Splendeurs et misères de la collapsologie – Pierre Charbonnier

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Texte de la brochure :

Les thèses sur l’effondrement prochain de la civilisation industrielle connaissent actuellement une spectaculaire audience. De succès éditoriaux en conférences publiques bondées, leurs promoteurs ont imposé dans le débat un argumentaire choc relayé par d’efficaces vidéos virales diffusées sur les réseaux sociaux. S’appuyant sur des peurs bien réelles et légitimes, ils instillent innocemment un discours survivaliste d’où la politique est absente. Et qui postule que celles et ceux qui s’en sortiront seront les plus adaptés à la condition post-technologique. Une promotion de l’effondrement purificateur à l’attention de communautés averties.

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Au cœur de la « campagne » en faveur de la prise de conscience de l’effondrement en cours, dont Pablo Servigne est, en France, le principal représentant, se loge un argument simple : l’accumulation des crises écologiques et la pression sur les ressources induite par nos modes de vie conduiront tôt ou tard à l’écroulement des systèmes d’approvisionnement énergétiques et alimentaires, et avec eux, des structures politiques (relativement) stables et pacifiques dont nous jouissons pour l’instant. Une convergence d’indices scientifiques dont les « collapsologues[1] »  prétendent dresser le bilan permet ainsi de confronter la civilisation industrielle à sa fin imminente, laissant derrière elle une nature exsangue et une population traumatisée.

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Microentreprise, une machine à fabriquer des pauvres – Jean-Philippe Martin

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Lire le texte sur le site du Monde Diplomatique

Texte de la brochure :

Quand, en 2008, est créé le statut d’autoentrepreneur, les reportages enthousiastes fleurissent un peu partout. Neuf ans plus tard, les forçats du vélo font grève pour être payés correctement, les chauffeurs Uber sont en procès avec la plate-forme, les « indépendants » se mobilisent. En moyenne, les microentrepreneurs gagnent… 410 euros par mois, moins que le revenu de solidarité active (RSA).

u cœur de l’été 2017, le 11 août, en début de soirée, de gros sacs isothermes vert et gris s’entassent au pied de la statue de la République à Paris. À côté de leur barricade improvisée, plusieurs dizaines de livreurs de repas à vélo, travaillant en tant qu’autoentrepreneurs sous les couleurs de la multinationale britannique Deliveroo, s’accoudent à leurs guidons. Juridiquement parlant, comme ils sont travailleurs indépendants et non salariés, ils ne sont pas en grève : ils sont « déconnectés ». « C’est qui, les patrons ? » M. Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), retourne le stigmate, hilare. « On est des patrons, oui. On doit entreprendre ? Allons-y ! Mais nous, c’est quand on fait masse qu’on a une chance de commander ! »

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Le travail domestique est la matrice pour penser le travail gratuit – Entretien avec Maud Simonet – Julia Burtin Zortea, Lucie Gerber

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L’article sur le site de Panthère Première

Texte de la brochure :

Alors que la gestion de la pandémie de COVID-19 accélère les dynamiques de mise au travail de certaines catégories de population par l’État sans contrepartie financière (ou si peu), nous vous proposons la lecture de cet entretien avec la sociologue Maud Simonet publié dans le dernier numéro de Panthère Première (printemps-été 2020), paru juste avant le confinement.

ustifié par les rhétoriques du « sacrifice national », du « civisme » et de l’ « altruisme », le recours au travail gratuit (ou quasi gratuit) des étudiant·es infirmier·es[1], des réfugié·es[2] et des milliers de femmes qui cousent des masques à domicile met en lumière un phénomène structurel. Pour comprendre les logiques à l’œuvre, la sociologue Maud Simonet, auteure de l’ouvrage Travail gratuit : la nouvelle exploitation ? (Éditions Textuel, 2018) propose de revenir à la critique féministe du travail domestique.

À qui profitent ces formes « citoyennes » de travail non rémunéré ? Qui y est assigné·e ? Que racontent-elle sur la valeur du travail (et des métiers) ? Comment sont-elles justifiées ? Si le caractère patriarcal de l’État néolibéral n’est aujourd’hui plus à démontrer, en repasser par l’analyse féministe pour analyser ces formes, pas si nouvelles, d’exploitation, nous semble indispensable en ce moment de crise.

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