La radicalité politique du Théâtre de l’opprimé – Sophie Coudray

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Le théâtre de l’opprimé, plus souvent pensé sous la forme du théâtre-forum, est devenu l’un des passages obligés des mouvements sociaux, et même, au-delà, des happening soi-disant participatifs sous l’égide des entreprises ou des subventions publiques. À l’opposé de ses objectifs initiaux, nés du théâtre populaire brésilien et de ses apories, le théâtre de l’opprimé a été éreinté par des formes qui tiennent davantage de la communion (militante) ou du travail social. Dans cet article polémique, Sophie Coudray retrace la généalogie du théâtre de l’opprimé et relativise la place qu’a fini par y prendre le « forum », ces représentations publiques où les spectateurs sont invités à intervenir dans une scène d’oppression jouée par les acteurs. La poétique de l’opprimé est en grande partie hostile à la forme spectaculaire ; c’est une poétique de l’atelier, de l’expérimentation, du processus plutôt que du produit achevé, exposable, commercialisable. Boal propose une méthode générale de transmission des techniques théâtrales à l’usage des subalternes, pour se réapproprier le temps de la pensée et l’espace d’expression des corps. Là réside toute la radicalité de ce théâtre : refuser le spectacle pour s’exercer à la politique.

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Le Théâtre de l’opprimé, cette forme de théâtre militant élaborée par le metteur en scène brésilien Augusto Boal dans les années 1970, est souvent abordé par le seul prisme du théâtre-forum. Cette technique, qui appartient à ce que Boal appelle l’« arsenal » du Théâtre de l’opprimé, est de loin la plus populaire, la plus répandue, mais également la plus étudiée et, par conséquent, elle a été mise en exergue au point que sont apparues deux tendances, souvent corrélées. D’une part la tendance à réduire le Théâtre de l’opprimé à la seule technique du théâtre-forum ou bien à faire de celle-ci un modèle venant en synthétiser les principes et les enjeux. D’autre part, le théâtre-forum a été considéré comme une pratique militante, émancipatrice, sans que ne soit nécessairement prise en compte la poétique dans laquelle elle s’inscrit, c’est-à-dire le système théorique et artistique plus global qui en sous-tend l’ensemble. En abordant le Théâtre de l’opprimé par le prisme du théâtre-forum, comme c’est si souvent le cas, il en résulte une approche souvent tronquée et qui ne permet pas toujours de saisir toutes les potentialités de cette forme de théâtre militant. Bien qu’il s’agisse d’une technique passionnante pour les problématiques théâtrales comme politiques qu’elle pose, le théâtre-forum ne permet pas, à lui seul, de saisir entièrement le fonctionnement autant que les principes fondateurs régissant le Théâtre de l’opprimé. Il ne saurait donc en être tout à fait représentatif et ce, pour plusieurs raisons.

  • Il est la seule technique spectaculaire du Théâtre de l’opprimé, dont l’objectif n’est pas, prioritairement, de créer du spectacle, de laisser des œuvres, mais d’être utile à des mobilisations, à des luttes.
  • Comme forme spectaculaire, il concentre souvent l’attention des commentateurs sur la représentation comme aboutissement, lorsque la poétique de l’opprimé s’intéresse surtout au processus – un processus dont la finalité se pense en termes d’objectifs politiques.
  • Il s’agit de la technique la plus « commercialisée » mais aussi professionnalisée du Théâtre de l’opprimé, alors même que la poétique de l’opprimé se fonde sur une remise en cause de la professionnalisation du théâtre militant.
  • Enfin, la technique, seule, détachée de l’ensemble théorique et du projet politique qui l’accompagnent, a pu faire l’objet d’une récupération par des groupes ou entreprises qui l’utilisent dans un but rompant clairement avec les ambitions militantes voire révolutionnaires qui en sont à l’origine[1], preuve s’il en est de la dépolitisation susceptible de guetter une technique dès lors qu’on l’extrait de l’ensemble auquel elle appartient. Pour toutes ces raisons, on peut difficilement se contenter de ne penser le Théâtre de l’opprimé qu’à travers le théâtre-forum.

Cet article vise ainsi à proposer une autre approche du Théâtre de l’opprimé, à en faire une lecture qui se focalise non pas sur l’une de ses techniques, mais sur le fonctionnement global de sa poétique. Il s’agit pour cela de prendre à la lettre le projet qu’a été celui de Boal en 1974 lorsqu’il publie Teatro del oprimido y otras poéticas política, de faire du théâtre un lieu de la « répétition de la révolution[2] ». C’est-à-dire de faire du théâtre un outil de lutte pouvant être placée entre les mains de ceux qui lutte, des opprimés. Pour ce faire, la poétique de l’opprimé s’organise autour d’un principe fondateur qui est la transformation du spectateur en acteur.

À partir de là, l’enjeu de cet article est d’envisager le Théâtre de l’opprimé comme pratique théâtrale militante, non pas en raison des sujets qui y sont abordés, des questions traitées, mais en se penchant sur une caractéristique fondamentale de sa poétique, qui lui confère à la fois sa singularité et sa radicalité, à savoir que celle-ci est conçue comme une méthode. Une méthode permettant à des opprimés, non-acteurs, non-professionnels du théâtre, d’utiliser collectivement un « arsenal » de techniques théâtrales  — le terme d’arsenal montre d’ailleurs bien la dimension offensive de ce théâtre — afin de mettre au jour les ressorts de l’exploitation et de l’oppression qu’ils subissent, de s’entraîner à y faire face, d’élaborer des stratégies permettant d’engager un rapport de force, dans une perspective qui, au départ du moins c’est-à-dire dans le contexte des années 1970, se voulait clairement révolutionnaire.

Il apparaît que le Théâtre de l’opprimé a, en tant que méthode théâtrale, une singularité, car celle-ci ne se préoccupe pas prioritairement de permettre à des non-professionnels de devenir de bons acteurs — ce qui ne signifie pas pour autant que toute dimension esthétique est exclue —, mais il s’agit de permettre à chacun de s’affirmer comme acteur, sur la scène de théâtre certes, mais surtout sur la scène politique (la première préparant à la seconde). Ainsi, l’enjeu de cet article n’est pas de penser ce théâtre par le prisme de ses usages, ni de confronter ses principes fondateurs aux approches théoriques actuelles du théâtre politique ou du spectateur mais, loin du prisme réducteur du théâtre-forum, d’effectuer une relecture de sa poétique comme méthode dont le principe fondateur est « la conquête des moyens de production du théâtre[3] ».

Portrait d’un théoricien
de sa propre pratique

Augusto Boal est avant toute chose un dramaturge et un metteur en scène, formé à l’université Columbia de New York au début des années 1950, avant de rentrer comme dramaturge et metteur en scène au Teatro Arena en 1956. Ainsi, bien avant d’apparaître comme le fondateur du Théâtre de l’opprimé, comme le théoricien et le « leader charismatique » d’un mouvement théâtral (informel) mondial, Boal est un homme de théâtre, un praticien. En tant que tel, il a déjà une longue carrière artistique et bénéficie d’une reconnaissance internationale au moment où il publie l’ouvrage qui donne naissance au Théâtre de l’opprimé. Bien qu’à partir de ce moment, il ait consacré la majeure partie de sa vie au Théâtre de l’opprimé, il n’a cependant jamais abandonné sa carrière de metteur en scène – quand bien même il n’a pas réussi à s’imposer sur les scènes européennes. On aurait tort de vouloir commencer à prendre en considération le parcours de Boal uniquement à partir de la naissance du Théâtre de l’opprimé, sans tenir compte de ce qu’il a accompli auparavant, d’autant que les années passées au sein du Teatro Arena se sont avérées décisives dans la maturation des principes qui régissent le Théâtre de l’opprimé — qui constitue à ce titre bien plus une évolution de sa pratique s’inscrivant dans une certaine continuité avec ce qu’il faisait jusque-là qu’une véritable rupture. Tout comme le contexte historique est nécessaire pour saisir l’apparition successive des différentes techniques qui en constituent l’arsenal, tenir compte de son parcours artistique professionnel est crucial pour comprendre les présupposés artistiques et politiques du Théâtre de l’opprimé. C’est également nécessaire pour saisir la dialectique entre théorie et pratique. Car si Boal s’est démarqué comme théoricien de son propre théâtre, une étude attentive de sa biographie et de ses différents écrits laisse apparaître que ce dernier a toujours cherché à théoriser à partir de ce qu’il avait, au préalable, expérimenté. Autrement dit, la pratique a systématiquement précédé la théorie qui, en retour, est venue l’infléchir. C’est toujours de la pratique, des ateliers, stages et expériences diverses qu’ont émergé les principes du Théâtre de l’opprimé, qu’est apparue à Boal la nécessité de développer certains aspects de sa poétique, de s’engager dans de nouveaux chemins théoriques ou de mettre au point des exercices spécifiques pour répondre à un besoin révélé par le plateau. Cela permet d’ailleurs d’expliquer certaines ambiguïtés, contradictions ou retournements qui peuvent apparaître à la lecture de ses écrits successifs. Aussi la théorie du Théâtre de l’opprimé n’a-telle jamais cessé d’évoluer, du fait qu’elle est toujours restée sous condition de la pratique.

Généalogie d’un théâtre populaire[4]

Expliquer le fonctionnement de la poétique de l’opprimé en tant que méthode dont l’objectif est de permettre au peuple de s’approprier les moyens de production du théâtre, nécessite d’apporter quelques précisions concernant le terme de « peuple » et l’idée de « théâtre populaire » tels qu’ils ont été mobilisés par Boal et ont amplement contribué à façonner son approche de la pratique théâtrale et ce, dès le début de son parcours artistique. Dès l’écriture de ses premiers textes c’est-à-dire relativement tôt dans sa carrière, Boal invoque l’idée d’un « théâtre populaire », une notion qui détermine l’orientation artistique adoptée par le Teatro Arena. Encore faut-il préciser à qui Boal fait référence lorsqu’il parle du peuple. C’est sous une double acception à la fois nationale et politique que le peuple est convoqué, c’est-à-dire en tant que classe sociale, mais aussi en tant que peuple brésilien — principalement contre les formes d’impérialisme culturel nord-américain et européen qui imprégnaient alors fortement le théâtre brésilien. C’est selon cette double configuration que le Teatro Arena cherche à renouveler la pratique théâtrale. Revenons sur chacun de ces aspects.

Un théâtre du peuple brésilien

La fin des années 1950 et le début de la décennie suivante sont marqués par un développement important du nationalisme dans la société brésilienne : nationalisation de sociétés industrielles dont Petrobràs (sous le slogan « O petroleo ´e nosso »), création de l’Instituto Superior de Estudos Brasileiros, un institut de recherche universitaire qui répond à un projet d’enseignement et de réflexion centré sur le Brésil en cessant d’analyser la réalité brésilienne à travers un regard européen, etc. Il existe également une forme de nationalisme culturel et le milieu artistique n’est pas en reste de cet esprit nationaliste qui vise surtout à s’opposer à l’hégémonie des modèles américain et européen. Comme l’écrit en effet Fernando Peixoto :

Le théâtre brésilien ne possède pas de tradition du spectacle historique. Du reste, la dramaturgie brésilienne ne possède pas, sauf quelques très rares exceptions, de textes « classiques ». Autrement dit, l’habitude de penser le passé n’existe pas, ni au niveau de l’élaboration théâtrale ni dans la mise en scène. C’est ainsi que, jusqu’en 1958, le théâtre moderne brésilien, en tant que spectacle, se construisit essentiellement en prenant comme base et stimulant le texte étranger[5].

Au sein du Teatro Arena, cela a mené au développement d’une dramaturgie brésilienne, encourageant l’émergence de jeunes auteurs brésiliens et cherchant à s’affranchir des modèles dramaturgiques européens. La compagnie organise même un séminaire de dramaturgie, dirigé par Boal, véritable incubateur de dramaturgies brésiliennes modernes, et qui donne naissance à de nombreuses pièces renouvelant les sujets abordés (s’attachant à parler de questions directement liées à la réalité quotidienne brésilienne, le plus souvent des classes défavorisées) tout en expérimentant de nouvelles formes esthétiques (c’est une période qui voit s’imposer le réalisme). Comme l’écrivent les membres du Teatro de Arena :

Nous pensions bien que le théâtre a une fonction sociale à remplir et qu’avec toutes ses ressources il peut et doit contribuer à l’éducation et à la culture du peuple ; mais il nous apparut aussi que le théâtre ne peut atteindre ce but et mériter vraiment d’être qualifié de « populaire » qu’à la condition d’être national. Un théâtre digne de ce nom ne peut vivre et prospérer que greffé, en quelque sorte, sur des textes dramatiques de haute culture, mais ces textes doivent à leur tour refléter les problèmes que partage en commun le public auquel ils sont destinés. Comment donc provoquer la naissance de cette dramaturgie nationale[6] ?

Un théâtre populaire se doit donc d’être un théâtre à même de parler au peuple brésilien, c’est-à-dire de s’adresser à lui à partir de questions qui le concernent, d’une réalité qui est la sienne et selon des codes artistiques marquant une rupture avec le théâtre européen. Cette volonté de mettre la réalité brésilienne sur scène conduit également à la révision de certaines pratiques discriminantes largement répandues. Le Teatro Arena recrute des comédiens représentant le Brésil « dans sa diversité culturelle et ethnique[7] », c’est-à-dire des comédiens noirs, mais aussi des comédiens dont l’accent et la prononciation (rurale, populaire) viennent révéler la pluralité des pratiques de la langue portugaise, loin de la diction lissée et uniforme des scènes théâtrales traditionnelles qui se voulaient le plus proche possible de la pratique portugaise. La dimension nationale apparaît ainsi, au cours des premières années de Boal dans le paysage théâtral brésilien, comme une caractéristique fondamentale de toute pratique se revendiquant « populaire ».

Un théâtre de classe

Mais le terme de « peuple » ne renvoie pas uniquement à la question nationale. Son emploi par Boal et ses compagnons est ancré dans un positionnement politique fortement influencé par le marxisme — certains membres du Teatro Arena sont par ailleurs encartés au Partido Comunista Brasileiro — et est appréhendé comme classe sociale : « le peuple était une classe[8] » écrit Boal. Pour le dire vite : le peuple, c’est le prolétariat. Boal désigne par ce terme tous ceux qui sont contraints de vendre leur force de travail pour vivre et l’oppose ainsi à la notion unificatrice de « population » :

La population est la totalité des habitants d’un pays ou d’une région déterminée : elle comprend tout le monde. Le concept de « peuple » est déjà plus restreint, puisqu’il ne comprend que ceux qui louent leurs forces de travail. « Peuple » est la désignation générique pour les ouvriers, et pour tous ceux qui temporairement ou épisodiquement, s’associent à eux — comme cela peut arriver par exemple pour les étudiants dans certains pays. Ceux qui font partie de la population, mais sans appartenir au peuple, sont les propriétaires, la bourgeoisie, les propriétaires terriens, et tous ceux qui peuvent leur être associés[9] […].

C’est cette approche de la notion de « peuple » — associée au caractère brésilien — qui guide le travail du Teatro Arena pendant plusieurs années, les amenant à élaborer une esthétique radicalement en rupture avec le théâtre bourgeois dominant, avec des pièces qui mettent en scène le prolétariat brésilien et des problématiques dans lesquelles ce « peuple » est en mesure de se reconnaître (de la grève au football). C’est également cette conception du théâtre populaire qui conduit Boal et sa compagnie à chercher des moyens d’atteindre ce « peuple » à qui ils souhaitent s’adresser sans pour autant y parvenir, car ce « peuple » — qui est clairement idéalisé — ne fréquente pas sa salle de spectacle du centre ville de São Paulo – dont le public est principalement composé de personnes issues des classes moyennes, dont beaucoup d’enseignants et d’étudiants. Cette réflexion est à la base de tout un pan militant de l’activité du Teatro Arena, qui monte des pièces d’agitation-propagande que la compagnie va jouer dans les campagnes du Nordeste pour les membres de la Ligue des paysans, mais aussi des pièces représentées dans les usines ou dans la rue. Ainsi, pour Boal, faire du théâtre pour le peuple signifie en premier lieu de partir de la réalité vécue par le peuple, d’adopter le point de vue du peuple sur le monde et d’aller dans le sens de ses intérêts.

Si cette notion de théâtre populaire s’avère déterminante dans les premières phases du parcours artistique de Boal, c’est au bout de longues années de pratique, de réflexion, de nombreux succès, mais aussi d’échecs et de remises en question que ce dernier fait finalement évoluer sa définition du théâtre populaire — en la radicalisant — pour la mener vers une formule qui s’est révélée fondamentale dans le projet du Théâtre de l’opprimé. Cette définition se résume par un axiome, selon lequel est véritablement populaire un théâtre qui « est fait PAR LE PEUPLE ET POUR LE PEUPLE[10] ». Cette formule marque un tournant dans la pensée de Boal, tant artistiquement que politiquement puisqu’il s’agit, dès lors, non plus de pratiquer au sein de sa troupe professionnelle un théâtre « populaire » à destination du peuple brésilien, mais de partir du principe que c’est le peuple qui doit être à l’origine de ses propres représentations et pour cela qui doit être en mesure de produire lui-même un théâtre qui correspond à son point de vue et à ses aspirations et dont il peut faire usage dans ses luttes, sans avoir à dépendre des acteurs professionnels.

Une poétique de la méthode

Si l’on considère les écrits de Boal, qu’il s’agisse des articles dont les traductions françaises sont publiées dans la revue Travail théâtral à partir de 1972, jusqu’aux ouvrages majeurs comme Théâtre de l’opprimé ou Jeux pour acteurs et non-acteurs : pratique du Théâtre de l’opprimé (tous les deux publiés en français en 1975 aux éditions Maspero), mais aussi ses autres livres : Stop ! C’est magique : les techniques actives d’expression (1980), Méthode Boal de théâtre et de thérapie (l’Arc-en-ciel du désir) (1990) et la version plus récente L’arc-en-ciel du désir : du théâtre expérimental à la thérapie (2002) ; il est frappant de constater que tous se présentent comme des livres de méthode, des manuels regroupant, selon une certaine progression, techniques et exercices, assortis d’explications et de réflexions théoriques visant à généraliser les principes déduis de l’expérimentation. Une part non négligeable de ces ouvrages — de même que de Legislative theatre : using performance to make politics (1998) et The Aesthetics of the Oppressed (2006) — repose d’ailleurs sur le récit qu’il fait de ses expériences et d’anecdotes, ayant valeur fondatrice tant celles-ci se révèlent propices à la formulation de réflexions plus globales sur le contexte politique, les rapports sociaux ou le comportement humain. Ces récits prennent d’autant plus d’importance dans le corpus théorique de Boal que ce dernier a un incontestable talent de conteur, qui a amplement participé de la fascination qu’il a longtemps suscitée.

Si Boal formule sa poétique comme une méthode, c’est bien parce que le Théâtre de l’opprimé est conçu comme un outil destiné à être mis dans les mains du peuple, de non-professionnels du théâtre, afin qu’il en acquière certaines techniques rudimentaires, directement liées aux objectifs politiques dont ils se dotent. Il ne s’agit pas, en effet, d’en faire de bons acteurs pouvant rivaliser avec les professionnels, mais de leur permettre d’utiliser de façon autonome le théâtre comme outil politique. C’est en ce sens que la démarche que propose Boal se veut pédagogique, progressive en se construisant étape par étape, chacune préparant à la suivante et étant composée d’un panel de techniques. Comme il l’expose dans Théâtre de l’opprimé, il s’agit avant toute chose d’apprendre à connaître son corps, c’est-à-dire de « défaire », « démonter », « analyser » les « structures musculaires des participants » pour que ces derniers « comprenne[nt], voie[nt] et sente[nt] jusqu’à quel point [leur] corps est déterminé par [leur] travail[11] ». La deuxième étape consiste à « rendre son corps expressif » afin de développer un potentiel trop souvent inexploité dans une société fondée sur une communication essentiellement verbale (telle que l’appréhende Boal au milieu des années 1970). La troisième étape propose d’utiliser « le théâtre comme langage ». C’est lors de cette phase que la participation directe du spectateur à une élaboration dramatique est abordée par étapes successives. Il s’agit de « faire en sorte que le spectateur se prépare à intervenir dans l’action, sortant de sa condition d’objet pour assumer pleinement son rôle de sujet[12] ». La « dramaturgie simultanée », le « théâtre-image » et le « théâtre-forum » s’inscrivent dans cette avant-dernière étape. Pour finir, la quatrième et dernière étape envisage « le théâtre comme discours ». Le théâtre est alors utilisé pour formuler et propager un discours critique sur la société. C’est un théâtre produit dans la perspective du peuple, c’est-à-dire adoptant son point de vue et servant ses intérêts. Le théâtre devient un moyen d’action. On trouve dans cette ultime étape des techniques telles que celle du « théâtre invisible » ou encore le « théâtre-journal ».

Néanmoins, si Boal se réfère ponctuellement (dans ses premières publications du moins) à une terminologie marxiste, il se limite souvent à des formules lapidaires (qu’il n’explique pas toujours), ou à quelques positions de principes et ne fournit pas toujours les clefs de compréhension quant à la façon dont chacune des techniques qu’il présente s’inscrit dans une démarche globale permettant toujours de montrer les mécanismes généraux dans les situations particulières. David Davis et Carmel O’Sullivan lui reprochent ainsi un « manque de totalité[13] » faisant courir le risque d’une individualisation des rapports sociaux. Néanmoins, si le marxisme de Boal mériterait une étude à part entière[14] (d’autant que ses positions politiques ont évolué au cours de sa vie), cela n’empêche en rien d’effectuer une lecture marxiste de sa poétique. Il est par ailleurs surprenant de constater que la méthode qu’il propose est composée de quelques techniques phares, dont la radicalité et la dimension militante sont clairement affichées et d’innombrables exercices issus d’une pratique théâtrale tout à fait traditionnelle. Cela s’explique notamment par le fait que la plupart des techniques qui composent l’arsenal du Théâtre de l’opprimé ont en réalité été élaborées ou pratiquées par Boal bien avant qu’il n’ait commencé à formuler l’idée d’une poétique de l’opprimé. Le théâtre invisible par exemple — dont il n’est aucunement l’inventeur — a été utilisé par son équipe en Argentine au début des années 1970, pour des raisons de sécurité. La menace que font peser l’Alianza Anticomunista Argentina ou encore l’Opération Condor sur des exilés politiques déjà arrêtés pour activités subversives le force en effet à la plus grande discrétion dans ses activités théâtrales militantes. Quant au théâtre-journal, c’est là une technique dont toute la généalogie pourrait être retracée depuis la Russie soviétique et qu’il développe avec des groupes non-professionnels au Brésil à la fin des années 1960, sous la dictature, afin de démystifier le discours corrompu de la presse officielle. Très différemment, un certain nombre d’exercices sont quant à eux tirés du laboratoire de jeu qu’il dirigeait au sein du Teatro Arena, amplement inspirés de Stanislavski. Il ne s’agit pas ici de faire la généalogie des techniques du Théâtre de l’opprimé, mais plutôt de pointer l’une des spécificités de sa poétique, à savoir que celle-ci procède d’une systématisation de principes et de techniques à partir matériaux et de réflexions accumulés sur près de deux décennies. La poétique de l’opprimé apporte une structure théorique, une cohérence, des objectifs à sa pratique, en synthétisant et systématisant tout cela dans une méthode.

Cette méthode théâtrale a une particularité, liée à sa dimension militante, à savoir que l’objectif de cette méthode n’est pas de former des acteurs, de futurs professionnels de l’art dramatique. Ce point découle en réalité d’un autre aspect, plus crucial encore, qui est que le Théâtre de l’opprimé n’a pas vocation à « faire œuvre » — le spectacle, on y reviendra, est secondaire lorsqu’il n’est pas simplement aboli — mais, plus encore, qu’il n’est pas à lui-même sa propre fin. Le Théâtre de l’opprimé se conçoit comme une étape d’un processus politique plus large, dont le début peut l’avoir précédé et qui, nécessairement, se poursuit après lui. Autrement dit, ce Théâtre contient en lui-même son propre dépassement. Son objectif, en tant que méthode, est de permettre à des groupes d’utiliser le théâtre comme outil de leurs luttes. Ce geste implique une certaine provocation politique de la part de Boal, puisqu’il s’agit d’ouvrir la pratique du théâtre à ceux qui lui sont étrangers ou, comme il le revendique lui-même, de donner « au peuple, les moyens de la production théâtrale ».

« Au peuple, les moyens de la production théâtrale »

Cette formule utilisée par Boal dans un entretien avec Émile Copfermann, est devenu le titre sous lequel celui-ci a été publié dans la revue Travail théâtral en 1977[15]. Il s’agit de permettre au peuple non seulement de ne plus être maintenu à l’écart d’un théâtre bourgeois qui s’effectue contre lui, mais également de ne plus être soumis à un théâtre militant qui serait le fait d’acteurs professionnels, dont les pratiques, les intérêts et les positions adoptées ne coïncident pas systématiquement avec ceux du public auquel ils prétendent s’adresser. A l’origine d’une certaine méfiance vis à vis du théâtre militant professionnel se trouve notamment la fameuse (car décisive) rencontre de Boal et du Teatro Arena avec un paysan prénommé Virgilio en 1961, lors d’une représentation donnée pour la Ligue des paysans[16]. Le spectacle se termine sur l’exhortation des paysans à prendre les armes et verser leur sang pour chasser les propriétaires qui les exploitent. Virgilio, qui assiste à la pièce, très touché par le message des acteurs, vient les trouver pour les enjoindre à venir sur-le-champ, avec eux, chasser le propriétaire terrien. Devant la réaction décontenancée des acteurs, dont les fusils brandis sur scène sont en carton et qui ne sont ni aptes à se servir d’une arme, ni prêts à risquer leur vie pour soutenir les paysans dans leur lutte, Virgilio conclut à l’hypocrisie des acteurs, dont la solidarité s’arrête au plateau et s’évanouit sitôt la représentation achevée. Cette rencontre révèle aux artistes de São Paulo venus prêcher une parole révolutionnaire dans les campagnes du Nordeste le caractère « surplombant » et « prescriptif[17] » du théâtre d’agitation-propagande. Car c’est bien ce que reproche Boal au théâtre d’agit-prop, que de prétendre venir ouvrir les yeux au public populaire sur l’exploitation et l’oppression dont il est victime, de l’enjoindre à lutter et de lui expliquer encore comment mener cette lutte, sans pour autant que les acteurs s’adonnant à cette harangue ne soient eux-mêmes prêts à se risquer à la rejoindre et à assumer dans la rue ce qu’ils proclament sur scène. Cette rencontre a été mythifiée par Boal lui-même, qui en a fait un événement fondateur de son parcours, à l’origine d’une prise de conscience des écueils du théâtre d’agit-prop. À tel point que le récit qu’il en fait tend à donner l’impression que le Théâtre de l’opprimé découle de cette rencontre, ce qui constitue cependant une version trop rapide d’un cheminement bien plus complexe. De cette rencontre il tire cependant un enseignement précieux, à savoir que pour que le théâtre soit un outil politique — c’est-à-dire outil d’organisation, de mise en commun, d’entraînement à la prise de parole et à l’action —, celui-ci doit être directement utilisé par ceux qui peuvent en faire l’usage dans leurs luttes, sans déléguer cette tâche aux spécialistes du théâtre que sont les acteurs professionnels.

Cette méthode garantit ainsi, en théorie, une certaine autonomie de ceux qui y ont recours. Pourtant, cela n’amène cependant pas à la suppression pure et simple de toute médiation par un « spécialiste » sinon professionnel du Théâtre de l’opprimé, qui a, dans ce contexte, une fonction pédagogique, à savoir le Joker. On connaît certes le Joker dans le rôle de « l’animateur » du théâtre-forum, faisant le lien entre la scène et la salle, n’appartenant ni à la fiction, mais n’étant pas non plus membre du public. Le Joker a, dans le théâtre-forum, pour tâche de donner les « règles du jeu » et de réguler les interventions des spectateurs sur scène, de relancer une scène lorsque celle-ci s’enlise, bref, de maintenir un rythme et d’engager le débat. Mais le Théâtre de l’opprimé réserve en réalité une place bien plus importante au Joker. Ce dernier peut en effet être considéré comme le passeur de méthode, celui qui anime l’atelier et accompagne les non-acteurs dans leur apprentissage des techniques, dans leurs expérimentations. Boal n’envisage pas ces ateliers comme fonctionnant en autogestion. Lui-même a été le tout premier — et le plus important — Joker du Théâtre de l’opprimé. D’ailleurs, la première mission qu’il entreprend lorsqu’il s’installe à Paris en 1979 est de former un groupe de personnes (venues de divers horizons professionnels) à la méthode du Théâtre de l’opprimé, pour qu’ils deviennent eux aussi Jokers, qu’ils animent à leur tour des ateliers, des stages, afin de répandre le plus largement possible cette méthode, de la mettre au service du plus grand nombre de groupes (syndicats, associations, etc.) possible. Si le Joker n’est pas nécessairement, au départ, un acteur, il n’en reste pas moins que cette figure maintient l’idée d’une forme de spécialisation au sein du Théâtre de l’opprimé, ce qui conduira d’ailleurs paradoxalement à une professionnalisation progressive de cette pratique théâtrale — pourtant initialement motivée, en partie du moins, par le refus de la spécialisation artistique et de la professionnalisation du théâtre militant. Ainsi, parler d’une appropriation des moyens de production du théâtre par les opprimés n’est pas entièrement juste, en raison même du rôle de « passeur » que joue le Joker. Sans doute serait-il plus approprié dans ce cas de parler d’une transmission plutôt que d’une appropriation, ce qui pose alors d’autres questions concernant les rapports de pouvoir, d’autorité et de légitimité au sein du Théâtre de l’opprimé. Néanmoins, l’histoire de cette pratique a également prouvé que des groupes de non-acteurs se sont parfois emparés par eux-mêmes de cette méthode sans avoir recours au fameux Joker[18]… De fait, le mouvement du Théâtre de l’opprimé s’est aussi développé en échappant parfois tout à fait au contrôle de son créateur.

Le spect-acteur

Une autre spécificité du Théâtre de l’opprimé est que sa poétique s’organise autour d’une réflexion centrée sur la figure du spectateur. Tout ce qui peut concerner le jeu, la dramaturgie, les personnages, etc., est déduit d’une pensée critique du spectateur, faisant de cette position le point de départ et le principe organisateur de la poétique de l’opprimé. La raison réside dans l’intitulé même « poétique de l’opprimé », car Boal établit une analogie entre l’opprimé et le spectateur : le spectateur est opprimé et l’opprimé est celui qui est spectateur. Sa poétique de l’opprimé est donc une poétique du spectateur. Boal part du principe que la position spectatoriale est fondamentalement passive, que celui qui regarde n’agit pas, se contentant de regarder les autres agir à sa place. En ce sens, la méthode du Théâtre de l’opprimé vise à mettre ce spectateur en action, à le rendre acteur. Il ne s’agit pas de supprimer le spectateur, mais de questionner la distribution des fonctions, c’est-à-dire de remettre en question le fait que certains soient contraints d’occuper en permanence cette position. Ce n’est donc pas une abolition du spectateur comme on l’entend parfois. Même au sein des ateliers, il reste toujours des participants qui, à un moment donné, occupent une position spectatrice. Ce principe qu’il défend est par ailleurs propre au théâtre militant, car Boal n’a jamais souhaité ni la disparition du théâtre professionnel, si la remise en cause de ses conventions. Dans les pièces qu’il a lui-même mises en scène au cours des années 1980, il s’en est toujours rigoureusement tenu à des rapports traditionnels entre la scène et la salle, refusant toute possibilité d’intervention des spectateurs. Ainsi, ce que remet en question la poétique, ce n’est pas l’existence des spectateurs, mais la stabilité des fonctions, qu’il perçoit comme la cristallisation de rapports sociaux inégalitaires, maintenant le peuple, les opprimés dans une position spectatrice et refusant de leur reconnaître la capacité d’agir. C’est sur cette base qu’il opère une analogie entre le peuple opprimé et le spectateur du théâtre bourgeois, n’ayant aucune prise sur les événements, étant contraint de regarder et subir sans pouvoir intervenir, lorsque la classe antagoniste tire les ficelles, distribue les rôles et écrit le récit. Pour Boal, les opprimés occupent une position spectatrice vis-à-vis de l’histoire et des questions politiques. Comme l’écrit Olivier Neveux :

L’accusation portée contre le spectateur superpose sciemment deux positions, celle du spectateur de théâtre et celle du spectateur de l’histoire. La proposition pourrait alors s’établir ainsi : l’histoire pour être révolutionnée suppose que de spectatrices les masses deviennent actrices de leur propre destin — et c’est de cette façon que se décline la narration de l’histoire révolutionnaire[19].

C’est cette analogie entre le spectateur et le peuple opprimé qui permet à Boal de poser l’hypothèse d’un continuum entre la scène de théâtre et la lutte politique, la première devenant une propédeutique[20] à la seconde. C’est la raison fondamentale pour laquelle sa poétique se présente comme une méthode. Boal veut voir le peuple opprimé se mettre en lutte, monter sur la scène de l’histoire, pour affronter ses oppresseurs et ne plus endurer silencieusement ses conditions d’existence, ni, non plus, attendre que quelqu’un d’autre agisse pour lui, à sa place. Or, pour Boal, le théâtre peut être un espace d’entraînement à l’action. C’est pourquoi la poétique de l’opprimé, en tant que méthode, a pour enjeu de transformer le spectateur en acteur. Aussi, lorsque Boal déclare vouloir remettre au peuple les moyens de la production théâtrale, c’est en définitive aux spectateurs qu’il entend les transmettre. Pour le dire avec Frances Babbage :

Cette phrase adapte au théâtre l’important objectif marxiste d’une appropriation par le prolétariat des moyens de production, favorisant le communautaire plutôt que la propriété privée. Dans ce contexte, le terme d’« agir » est porteur d’un double impératif : l’action théâtrale implique l’action socio-politique. C’est dans cette perspective que « spectateur » est un « mot obscène ». Pour Boal, un spectateur est nécessairement, ce qui est problématique, quelqu’un qui n’agit pas[21].

L’une des formules célèbres de Boal est en effet que « spectateur » est un « mot obscène », qu’il est « moins qu’un homme »[22]. Ce qui est obscène, c’est aussi ce que l’on soustrait au regard, que l’on dissimule, que l’on n’expose pas sur scène et dont on chercher à camoufler la présence. En ce sens, la position occupée par le spectateur est précisément obscène. Plongé dans l’obscurité de la salle, anonymisé, le spectateur regarde sans attirer sur lui le regard, témoin discret qui ne se fait pas remarquer et n’a pas prise sur le déroulement de la représentation.

À partir de ces considérations, Boal a forgé la notion de « spect-acteur », au cœur du Théâtre de l’opprimé. Le spect-acteur n’est cependant pas une figure hybride, à mi-chemin entre le spectateur et l’acteur, pas plus qu’il ne saurait se contenter d’être un spectateur « participant ». La définition qui en est souvent donnée, à savoir que le spect-acteur serait le spectateur assistant à une représentation de théâtre-forum qui aurait le courage de monter sur scène, de remplacer l’acteur interprétant le protagoniste-opprimé pour jouer, œuvrer physiquement et verbalement à la lutte contre l’oppression subie par le personnage, est finalement très restrictive. Une définition du spect-acteur boalien doit s’enraciner dans une réflexion sur la redistribution des moyens de production du théâtre. Les spect-acteurs sont des opprimés, des non-acteurs — toujours au sens de non-professionnels du théâtre —, qui s’approprient la forme théâtrale par le biais de la méthode proposée par Boal afin de produire par eux-mêmes et pour eux-mêmes un théâtre de lutte qui corresponde à leur représentation du monde, à la position qu’ils occupent dans les rapports sociaux et qui puisse servir leurs intérêts. Comme l’écrit Émile Copfermann :

en substance il y a dans l’expérience à travers laquelle Augusto a conçu ses techniques une dimension profondément politique, mais dans un sens tout à fait général et global qui était : la société est répressive, il faut dévoiler cette répression. Et c’est là que le clivage politique s’opère ; non entre gauche et droite, mais entre propriétaires des moyens de production et nous[23].

À ce titre, sont des spect-acteurs tous les opprimés qui prennent part à des ateliers de Théâtre de l’opprimé, qui mettent à profit les exercices et techniques proposés par Boal dans le cadre de leurs propres luttes : les ouvriers péruviens utilisant le théâtre-forum pour trouver une modalité d’action collective leur permettant d’engager un rapport de force avec leur patron pour améliorer leurs conditions de travail sont des spect-acteurs[24] ; les sans-papiers utilisant le Théâtre de l’opprimé pour populariser leurs luttes sont des spect-acteurs, etc. La notion de spect-acteur transcende la simple dichotomie spectateur/acteur. Elle dépasse le strict cadre du théâtre pour venir interroger les rapports de production.

Ceci est d’autant plus important que l’essentiel du Théâtre de l’opprimé se déroule loin des regards du public puisque ne donnant le plus souvent lieu à aucune représentation. Cette pratique étant conçue comme une méthode, en son cœur se trouve l’atelier, comme lieu d’expérimentation, et non la scène, surélevée, sur laquelle se meuvent les acteurs et à laquelle font face les rangées de spectateurs assis et silencieux. C’est le processus qui importe plus que l’idée d’un aboutissement « théâtralement » réussi. Le Théâtre de l’opprimé n’est en effet pas un genre dramatique spectaculaire, il ne laisse d’ailleurs pas d’œuvres. Lorsque des textes sont écrits pour les besoins d’un théâtre-forum par exemple, ils ne sont pas voués à survivre au contexte qui les a produit. Si ce théâtre fonctionne comme un entraînement, c’est d’un entraînement à l’action politique qu’il s’agit bien plus que d’un entraînement à une pratique artistique. Rares sont d’ailleurs les techniques qui ont été conçues pour donner lieu à des démonstrations publiques. C’est justement pour cette raison que le théâtre-forum est la technique de Théâtre de l’opprimé la plus célèbre, à tel point que l’on a souvent tendance à confondre les deux, à réduire le Théâtre de l’opprimé au théâtre-forum. En réalité, peu d’ateliers sont amorcés avec, déjà, la perspective d’une représentation et si représentation il y a, celle-ci n’est, là encore, qu’une étape d’un processus politique inachevé, voué à se poursuivre par la suite sous d’autres modalités.

Par ailleurs, la critique du spectateur est sous-tendue par une seconde assertion, qui concerne quant à elle directement la production théâtrale hégémonique. Dans cette perspective, c’est moins la position qu’occupe le spectateur qui est problématique que ce dont il est le spectateur, c’est-à-dire le type d’images, de représentations que lui offre le théâtre. Ce qui est visé ici par Boal, c’est avant tout la production théâtrale bourgeoise brésilienne — quoiqu’il étende sa critique à la télévision —, servant les intérêts des classes dirigeantes qui en possèdent les moyens de production. Il se montre extrêmement critique vis-à-vis des pratiques artistiques et culturelles destinées au peuple, produites par « les classes dominantes », qui « inculquent au peuple leur propre idéologie[25] » et qu’il qualifie de ce fait d’« anti-peuple ». Aussi, ce que critique Boal lorsqu’il s’en prend aux spectateurs qui sont en position de recevoir ce théâtre, ce sont les images, les représentations du monde, qui adoptent la perspective des « classes dominantes ». Des images qu’il qualifie d’« achevées », c’est-à-dire donnant à voir un monde sur lequel on ne peut intervenir, qui ne peut être transformé et sur lequel le peuple n’a aucune prise. Un théâtre populaire, qui adopte la perspective du peuple, doit montrer le monde de telle façon que sa transformation paraisse souhaitable, possible et qu’elle puisse être l’œuvre du peuple lui-même. Boal reprend les propose de Jorge Ikishawa lorsque ce dernier

dit du théâtre bourgeois qu’il est le spectacle achevé : la bourgeoisie connaît déjà le monde, son monde, elle peut le traduire en images comme quelque chose de complet, d’achevé. Le prolétariat, au contraire, et les classes exploitées en général ne savent pas encore comment sera leur monde : leur théâtre sera donc celui de l’essai, et non spectacle achevé. Il y a là beaucoup de vérité ; mais il est également vrai que le théâtre peut offrir des images de « transition »[26].

Il y a dans la posture de Boal quelque chose qui se rapproche de la position adoptée par le pédagogue Paulo Freire lorsque ce dernier écrit qu’il faut considérer

[…] l’avenir en tant que problème et non en tant qu’inexorabilité. C’est le savoir de l’Histoire comme possibilité et non comme fatalité. Le monde n’est pas. Le monde est en train d’être — est en devenir permanent. Par la subjectivité curieuse, intelligente, interférant avec l’objectivité à laquelle je me relie dialectiquement, mon rôle dans le monde n’est pas seulement de constater ce qui s’y passe, mais il est aussi d’intervenir en tant que sujet de ces événements. Je ne suis pas juste un objet de l’Histoire, je suis aussi son sujet. Dans le monde de l’Histoire, de la culture, de la politique, je constate non pour m’adapter, mais pour changer[27].

À partir de l’analogie qu’il déploie entre le peuple opprimé et la posture du spectateur, il redéfinit le type de théâtre qui serait à même de rompre avec les représentations hégémoniques, de porter un projet révolutionnaire et de totalement redéfinir les rapports de production.

Aussi la critique virulente du spectateur telle que formulée par Boal est-elle autant critique radicale du théâtre comme outil idéologique des classes dirigeantes que critique du fait que le peuple est dépossédé des moyens de production (entre autres) du théâtre. En ce sens, l’appropriation des moyens de production du théâtre par le peuple pourrait constituer une étape, un entraînement, à la lutte pour l’appropriation totale des moyens de production. C’est également en ce sens que le Théâtre de l’opprimé se présente comme le lieu d’un entraînement à l’action politique, d’une « répétition de la révolution ». Pierre Razdac[28], militant de la Ligue communiste révolutionnaire, résume parfaitement, lors d’un entretien avec Augusto Boal et Émile Copfermann, mené pour la revue Critique Communiste en 1979, la proposition politique contenue dans la poétique de l’opprimé :

Au fond le théâtre de l’opprimé, c’est un théâtre qui a pour condition l’appropriation par le spectateur des moyens de production du théâtre ; mais plus encore, il doit susciter chez le spectateur le combat pour l’appropriation des moyens de production de sa propre existence. C’est-à-dire qu’il débouche nécessairement sur l’action[29].

Pédagogie du théâtre

En tant que méthode, le Théâtre de l’opprimé a à voir avec la pédagogie. On rapproche souvent Augusto Boal de Paulo Freire, à raison bien que parfois exagérément et trop schématiquement, la coïncidence de leurs dénominations respectives ne résultant d’ailleurs pas d’un choix de Boal, mais de son éditeur[30]. Outre un contexte historique déterminant pour l’élaboration de leur pratique et qu’ils ont en commun (le Brésil progressiste des Movimento de Cultura Popular, des Centros Populares do Cultura, mais aussi l’expérience de la répression et de l’exil forcé), ils ont cherché à renouveler leur pratique respective à travers l’élaboration d’une méthode, structurée autour d’une théorie traversée de part en part par une pensée politique radicale, dont la finalité est la lutte contre l’oppression et la révolution. Le point nodal qui pourrait guider une analyse des liens théoriques entre les deux pratiques devrait se concentrer, là encore, sur l’idée d’un transfert des moyens de production, en regardant comment cette idée traverse la pédagogie de l’opprimé de Freire, ce dernier s’appuyant sur le principe fondateur qu’« enseigner n’est pas transférer la connaissance, mais créer les possibilités pour sa production ou sa construction[31] ». Il s’agit dans les deux cas de permettre aux opprimés, qu’ils soient « spect-acteurs » ou « apprenants », de s’approprier ces outils pour les mettre au service de leurs luttes. Si Freire insiste bien sur la « qualité pédagogique, dialogique, de la révolution[32] », cette dimension est également présente chez Boal pour qui il ne fait aucun doute que pour pouvoir transformer le monde il faut d’abord le connaître, avoir conscience des mécanismes qui régissent la société avec laquelle on veut en finir. Analyser les phénomènes sociaux et politiques, mener une réflexion critique sur la société, apparaissent comme des étapes préalables à toute intervention militante. C’est, d’ailleurs, en premier lieu à ce temps réflexif que sont dédiées les techniques du Théâtre de l’opprimé. Ces dernières

ont deux buts principaux : nous aider à mieux connaître une situation donnée, nous aider à répéter des actions qui peuvent nous amener à briser l’oppression qu’elle nous montre. Connaître et transformer. C’est cela notre but. Pour transformer il faut connaître. Connaître c’est déjà une transformation. Une transformation qui donne les moyens d’accomplir l’autre[33].

On pourrait ainsi associer le Théâtre de l’opprimé à une entreprise de conscientisation, un terme que l’on retrouve fréquemment tant sous la plume d’artistes participant aux mouvements populaires brésiliens, que sous celle de Paulo Freire, pour lequel il ne désigne cependant pas la prise de conscience, mais davantage la conscience critique. Le théâtre et envisagé comme outil d’exercice de la conscience critique. Une conscientisation que Freire envisage à travers l’acquisition du langage écrit, par un travail autour de la langue dont l’enjeu est tout autant d’acquérir une langue que de décrypter le monde à travers l’apprentissage de celle-ci. Une conscientisation qui englobe également une dimension corporelle dans le Théâtre de l’opprimé, langage verbal et langage corporel étant les deux piliers à partir desquels s’effectue le travail en atelier.

Le théâtre comme entraînement militant

Puisque ce n’est pas la dimension spectaculaire (souvent évacuée) qui importe ni la représentation publique, c’est à partir du processus, du travail d’atelier qu’il faut penser, en premier lieu, la dimension militante de ce théâtre. Certaines techniques relèvent en effet d’un théâtre d’intervention dans l’espace public (le théâtre invisible) ou visent à s’adresse à un collectif (le théâtre-forum). Quoique le cas du théâtre-forum mérite d’être précisé. Si cette technique est connue, justement parce qu’elle s’adresse à un public large, ouvert et hétérogène, elle a initialement été envisagée et théorisée par Boal comme devant être pratiquée exclusivement pour des groupes homogènes partageant la même expérience d’une oppression. En ce sens, le théâtre-forum était également une technique d’entraînement interne à un groupe, à un collectif constitué autour d’une expérience commune et d’intérêts a priori communs. C’est à cette condition que le Théâtre de l’opprimé devait permettre à des groupes de l’utiliser concrètement comme outil de discussion et d’élaboration stratégique. L’ouverture du théâtre-forum à un public plus vaste et, surtout, hétérogène, mêlant des individus ne formant pas un collectif ou une communauté et ne partageant pas les mêmes intérêts et revendications — avec toutes les difficultés théâtrales comme politiques que cela engendre[34] — relève d’une évolution de la pratique du Théâtre de l’opprimé en France, sous l’impulsion du Céditade au début des années 1980. Mais, pour tenir compte de toutes les modifications structurelles qu’une ouverture du public engendre, un autre terme a alors été inventé par les praticiens (malheureusement peu employé, ce qui conduit bien souvent à un amalgame entre les deux versions de cette technique) : le spectacle-forum. Ainsi, le théâtre-forum reste un outil d’entraînement militant utilisé au sein d’un groupe homogène, destiné à faire évoluer les rapports au sein du groupe et à fournir des outils concrets de lutte ; lorsque le spectacle-forum assume davantage sa dimension spectaculaire et formule des objectifs politiques très différents. Une séance publique de spectacle-forum ne saurait en effet prétendre transformer le public en collectif et permettre l’élaboration d’une stratégie commune que tous chercheraient collectivement à mettre en œuvre par la suite. Il « n’a pas pour objectif, au moment même de la séance, de transformer trois ou quatre cents spectateurs en acteurs immédiats. Si la théorie du théâtre de l’opprimé sous-tend les « spectacles-forum », elle ne peut s’y appliquer totalement[35]. »

Ainsi, l’impact militant du Théâtre de l’opprimé est sans doute moins perceptible dans ce qu’il permet lors d’interventions publiques (à quelques exceptions près, comme le théâtre invisible ou la démonstration de certaines techniques dans le cadre de mouvements sociaux, de manifestations) que dans ce que les ateliers permettent, en termes de redistribution des rôles, d’appropriation de nouvelles formes d’expressions, de maîtrise du discours et de l’image de son groupe et de ses luttes, mais aussi d’entraînement militant, c’est-à-dire de préparation à l’action politique. Les techniques du Théâtre de l’opprimé pourraient être — et ont ponctuellement été — utilisées par des militants politiques, syndicaux, comme un outil de conscientisation et d’entraînement. Le théâtre fournit alors un espace protégé, parce que fictif, dans lequel il est possible d’expérimenter toutes sortes de stratégies, de se préparer en amont à affronter certaines situations. À l’image des ouvriers péruviens, qui expérimentent différentes modalités d’action (la grève, le dynamitage de l’usine, la création d’un syndicat…) afin d’en tester la faisabilité, les risques et ainsi d’ajuster leur stratégie. Julian Boal raconte comment, en Inde, une intervention du Jana Sanskriti autour du problème de la vente illégale d’alcool (faisant des ravages dans la population), a déclenché une action commune des paysans-spectateurs afin de faire fermer les entrepôts d’alcool et ainsi d’éradiquer localement le problème[36]. C’est en ce sens que le Théâtre de l’opprimé est potentiellement la « répétition » sinon de la révolution, du moins d’une action politique, que réclamait Boal. Le théâtre, parce qu’il s’agit d’un espace de possibles, qui ne connaît potentiellement aucune limite, permet de répéter des actions politiques, de préparer un argumentaire en vue d’une négociation ou d’une Assemblée Générale, en jouant la réaction des autres protagonistes, l’éventuelle répression, afin de ne pas être pris de court et, surtout, d’anticiper. C’est un outil stratégique. Son utilisation au sein d’un groupe peut par ailleurs permettre de créer du collectif, de la cohésion au sein de ce groupe, d’apprendre à œuvrer ensemble en vue d’un même objectif. Mais cela reste un outil et rien ne garantit l’usage qui en est fait, ni les positions qui y sont défendues. Parmi les impensés du Théâtre de l’opprimé se trouve une certaine idéalisation de la figure de l’opprimé, qui, parce que la poétique en a été élaborée dans une période de fortes mobilisations politiques dans lesquelles la lutte des classes occupait une place importante, ne tient que peu compte de la possibilité d’une absence de conscience de classe ou du potentiel conservatisme des positions défendues par les opprimés eux-mêmes… Il n’en reste pas moins que, parce que ce processus a lieu loin du regard intimidant du public et qu’il n’y a pas d’impératif en termes de résultat artistique, les spect-acteurs qui se saisissent de cet outil peuvent se permettre d’oser prendre la parole, se faire force de proposition, de jouer, d’exposer leurs désaccords, de travailler sur leurs contradictions, dans un format qui admet l’hésitation, l’échec et l’impasse comme des étapes nécessaires de la lutte, par lesquelles il faut passer pour pouvoir les dépasser. Cela permet aussi de tester les limites de chacun et du groupe, ce qui s’avère nécessaire pour connaître ses propres forces avant de passer à l’action et d’en assumer réellement les conséquences.

En tant qu’outil d’outil d’entraînement militant, on pourrait même imaginer, comme l’ont fait Pierre Razdac et Patrick Sempéray[37], militants de la LCR, que le Théâtre de l’opprimé pourrait permettre de modifier les pratiques militantes à l’intérieur de l’organisation, du parti, pour en faire évoluer le fonctionnement. Un parti qui « s’il est porteur de la transformation des rapports » a tendance à « les enfermer dans un fonctionnement rigide et coercitif[38] ». Ce théâtre est envisagé par ces militants, non pas en tant qu’il pourrait devenir un outil au service de l’intervention politique publique du parti, mais comme une « pratique » au sein du parti, pour mettre au jour et palier à des dysfonctionnements internes. Si le Théâtre de l’opprimé a été utilisé directement en politique par Boal lui-même pendant son mandat de Vereador à la chambre législative de Rio de Janeiro comme outil de consultation de la population, permettant d’inclure davantage le peuple dans les décisions politiques — ce qui est actuellement repris au Portugal —, on peut poser l’hypothèse d’une utilisation des techniques de ce théâtre par des militants, non pas comme outil d’intervention mais au sein de leur propre organisation, afin de faire évoluer leurs propres pratiques politiques.

Au-delà du théâtre-forum

La perspective adoptée dans cet article était celle d’une lecture de la poétique de l’opprimé permettant de sortir du cadre quelque peu idéalisé, trompeur voire tronqué du seul théâtre-forum. Cette approche permet d’insister sur le fonctionnement du Théâtre de l’opprimé en tant que méthode, ce qui conduit à reformuler les définitions de certains des termes sur lesquels se fonde la poétique de l’opprimé (le spect-acteur, le Joker). Une méthode destinée à se répandre le plus largement possible, de façon à ce que tous ceux qui en ont besoin puissent y avoir recours. C’est d’ailleurs pour cette raison que, d’une part, le Céditade[39] a pendant plusieurs années concentré l’essentiel de son activité sur l’organisation de dizaines de stages et d’ateliers, afin de diffuser cette méthode à travers le pays et le monde ; et d’autre part, que Boal  s’est toujours refusé à apposer un « copyright » sur le Théâtre de l’opprimé, refusant par-là d’en contrôler l’appropriation et les usages qui pouvaient en être faits (quoique parfois lourdement problématiques comme il le reconnaît lui-même)[40]. À contre-courant d’une lecture du Théâtre de l’opprimé qui verrait dans le théâtre-forum sa forme la plus aboutie (qui s’apparente souvent, en réalité, à du spectacle-forum), on peut en proposer une autre lecture. Celle d’un théâtre comme espace et outil d’entraînement, d’activist training. Cela ne permet certes pas de surmonter toutes les contradictions et les impensés qui traversent le Théâtre de l’opprimé : le continuum entre l’action fictive et l’action politique, que Boal conçoit d’une façon très mécanique, presque magique ; la difficulté à tisser théâtralement le particulier et le général, entre l’individuel et le collectif ; la tension entre ce qui relève des comportements individuels et ce qui est systémique ; l’autorité que représente la figure du Joker, investit d’un pouvoir et d’une légitimité incontestable, etc. Toutes ces problématiques méritent d’être pensées, mais à la lumière d’une approche globale du Théâtre de l’opprimé comme méthode politique. Ne pas négliger cet aspect fondamental de la poétique de l’opprimé, c’est aussi en conserver intacte sa radicalité.

 

 

[1] Julian Boal, « Origines et développement du Théâtre de l’Opprimé en France », in C. Biet et O. Neveux (dir.), Une histoire du spectacle militant (1966-1981), Vic la Gardiole, L’Entretemps, 2007, p. 226.

[2] Augusto Boal, Théâtre de l’opprimé, Paris, La Découverte, 1996, p. 15.

[3] Ibid., p. 8.

[4] Sur ce sujet précisément, voir mon article « Réalité(s) et fantasme(s) d’un théâtre du peuple brésilien : Du Teatro Arena au Théâtre de l’opprimé, Augusto Boal et l’idée de théâtre populaire », Cahier d’études romanes, n° 35, « Le peuple : théories, discours et représentations », PUP, 2017, p. 449-460.

[5] Fernando Peixoto, « L’histoire au secours du théâtre brésilien », trad. Jacques Thiériot, in Travail théâtral n° 32-33, 1979, p. 50.

[6] Teatro de Arena, « De Marcel Achard à Oduvaldo Vianna Filho. Le Teatro de Arena de São Paulo », Théâtre Populaire n° 36, 1959, p. 74.

[7] Richard Roux, Le théâtre Arena, São Paulo 1953-1977 : du « théâtre en rond » au « théâtre populaire », Aix-en-Provence, Université de Provence, 1991, p. 140.

[8] Augusto Boal, Hamlet and the Baker’s Son. My Life in theater and Politics. Londres, Routledge, 2001, p. 182.

[9] Augusto Boal, « Catégories du théâtre populaire », Travail théâtral n° 6, 1972, p. 5.

[10] Augusto Boal. « Catégories du théâtre populaire ». Travail Théâtral 6. (1972) p. 20. Accentuation de l’auteur.

[11] Augusto Boal, Théâtre de l’opprimé, Paris, La Découverte, 1996, p. 21.

[12] Ibid., p. 25.

[13] David Davis et Carmel O’Sullivan, “Boal and the Shifting Sands : the Un-Political Master Swimmer”, New Theatre Quarterly n°63, 2000, p. 294.

[14] Sceptique à ce propos, Carmel O’Sullivan a d’ailleurs écrit un article dans lequel elle chercher à démontrer que Boal s’éloigne fortement du marxisme pour se diriger vers une approche comportementale et individuelle de l’émancipation plutôt que vers un vrai questionnement sur le pouvoir et la transformation de la société dans sa globalité. Voir Carmel O’Sullivan, « Seraching for the Marxist in Boal », Research in Drama Education : The Journal of Applied Theatre and Performance n°6, 2001, p. 85-97.

[15] Augusto Boal et Émile Copfermann, « Au peuple, les moyens de la production théâtrale », Travail théâtral n° 26, 1977, p. 120-126.

[16] Augusto Boal relate en détail cette rencontre dans son autobiographie Hamlet and the Baker’s Son : My Life in Theatre and Politics, Londres, Routledge, 2001, p. 194.

[17] Olivier Neveux, « Difficultés de l’émancipation. Remarques sur la théorie du “Théâtre de l’opprimé” », Tumultes n° 42, 2014/1, p. 192.

[18] Concernant l’histoire du Théâtre de l’opprimé, voir Sophie Coudray, Histoire politique et esthétique du Théâtre de l’opprimé en France de ses origines aux années 1990, thèse de doctorat sous la direction d’Olivier Neveux, soutenue à l’Université Lyon II en 2017.

[19] Olivier Neveux, « Difficultés de l’émancipation. Remarques sur la théorie du « Théâtre de l’opprimé » », art. cit., p. 195.

[20] Un savoir facilitateur de l’apprentissage d’un autre.

[21] Frances Babagge. Augusto Boal. Londres, Routledge, 2004. p. 41. Accentuation de l’auteur.

[22] Augusto Boal, Théâtre de l’oppriméop. cit., p. 47.

[23] Émile Copfermann, « Le “Théâtre de l’opprimé” », Critique communiste n° 28, 2e trimestre 1979, p. 29.

[24] Augusto Boal, Théâtre de l’opprimé, op. cit., p. 33-34.

[25] Augusto Boal, « Catégories du théâtre populaire », art. cit., p. 16.

[26] Augusto Boal, Théâtre de l’opprimé, op. cit., p. 35.

[27] Paulo Freire, Pédagogie de l’autonomieop. cit., p. 91.

[28] Pseudonyme

[29] Pierre Razdac, « Le “Théâtre de l’opprimé” », Critique communiste n° 28, 1979, p. 23.

[30] Jan Cohen-Cruz, Engaging Performance, Theatre as Call and Response, Londres, Routledge, 2010, p. 43.

[31] Paulo Freire, Pédagogie de l’autonomieop. cit., p. 40. Accentuation de l’auteur.

[32] Paulo Freire, La pédagogie des opprimés, Paris, François Maspero, 1977, p. 129.

[33] Augusto Boal, Jeux pour acteurs et non-acteurs, Paris, La Découverte, 2004, p. 206. Accentuation de l’auteur.

[34] Voir à ce propos l’article de Clément Poutot, « La projection identitaire dans le théâtre de l’opprimé », revue ¿ Interrogations ?Identité plurielle et projection identitaire, http://www.revue-interrogations.org/La-projection-identitaire-dans-le

[35] Jean-Gabriel Carasso, « Point de vue », Bulletin du Céditade n°9, 1983, p. 40-41.

[36] Julian Boal, « “C’est quand le théâtre finit que notre travail commence” : L’exemple du Jana Sanskriti en Inde », in Jean-Marc Lachaud et Olivier Neveux (dir.), Changer l’art, transformer la société. Art et politique 2, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 141.

[37] Pseudonyme

[38] Pierre Razdac, « Le “Théâtre de l’opprimé” », art. cit., p. 30.

[39] Centre d’Études et de Diffusion des Techniques Actives d’Expression – Groupe formé autour de la publication en français des textes de Boal

[40] Augusto Boal, « Le théâtre de l’opprimé, outil d’émancipation », in Paul Biot et al., Théâtre et développement. De l’émancipation à la résistance, Bruxelles, Colophon, p. 49.