La mémoire est-elle une affaire de femmes – et l’histoire, une affaire d’hommes ? – Marion Charpenel

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Le texte sur le site Les Mots Sont Importants

L’approche historienne de la mémoire, qui se développe en France à partir du milieu des années 1970[1], s’est fondée sur la division entre histoire et mémoire. Appréhendant la mémoire « en creux » par rapport à l’histoire et considérant avant tout celle-ci comme le creuset des falsifications du passé, les historiens qui ont participé de ce mouvement ont opposé une histoire supposée savante, critique et porteuse de vérité, à une mémoire considérée comme affective, mythique et mensongère, dans laquelle il s’agirait d’identifier la trace des manipulations du passé et la subjectivité des individus (Lavabre, 2007[2]).

Penser cette opposition à partir des mémoires féministes permet de mettre en évidence les fondements genrés de cette distinction, ainsi que les spécificités des mémoires minoritaires[3]. En effet, femmes et hommes ont-ils les mêmes rapports au passé, et surtout leurs récits du passé ont-ils les mêmes possibilités d’accès au statut de vérité ? L’histoire des minoritaires peut-elle ainsi se défaire de la mémoire ? Enfin, les mémoires des groupes minoritaires peuvent-elles émerger dans les mêmes espaces, et avec les mêmes mots, que les récits du passé des groupes majoritaires ? Continuer la lecture de La mémoire est-elle une affaire de femmes – et l’histoire, une affaire d’hommes ? – Marion Charpenel

Écologie et politique, suivi du Plaidoyer contre la « défense de l’environnement » – Jacques Ellul

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Écologie et politique sur le site des Amis de Bartelby
Plaidoyer contre la « defense de l’environnement » sur le site des Amis de Bartelby

 

Ecologie et politique

Paru dans Combat Nature – Mai 1991

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C’est un débat qui n’est pas nouveau, mais qui devrait être encore approfondi. Je ne vais pas reprendre tous les arguments des diverses parties, et je me bornerai au rappel d’un fait historique, après tout comparable !

Il s’agit du grand débat mené en 1890-1906 entre les anarcho-syndicalistes et les socialistes. Ceux-ci étaient convaincus que si l’on fondait un parti socialiste, participant aux élections, accédant à l’opinion publique par les réunions électorales, obtenant des députés (et peut-être, qui sait, un ministère !), ils pourraient influencer toute la vie politique, faire adopter des mesures de type socialiste et aider de cette façon la société entière à évoluer vers le socialisme. En face d’eux, les anarcho-syndicalistes maintenaient une position radicalement révolutionnaire et affirmaient d’une part que l’on n’accéderait jamais à une société socialiste par des réformes faites par des députés, d’autre part que, à partir du moment où l’on entre dans le jeu des partis et des élections, on entre inévitablement dans une organisation de la société bourgeoise, et de ce fait, on aide celle-ci à fonctionner : donc, à un moment ou à un autre, on se fait inévitablement piéger. Et la suite a prouvé qu’ils avaient entièrement raison : ce sont de vigoureux socialistes (Millerand) ou syndicalistes qui, ensuite, une fois devenus députés et ministres (Briand, Clemenceau), sont devenus les plus ardents défenseurs de cette société. Bien entendu ils ont aussi fait passer quelques réformes favorables à la classe ouvrière… mais qui, en définitive, tendaient toutes à renforcer la société instituée, la société « bourgeoise », qui reste bourgeoise malgré les lois sociales et la sécurité du même nom ! Continuer la lecture de Écologie et politique, suivi du Plaidoyer contre la « défense de l’environnement » – Jacques Ellul

Les limites de l’individualisation des dominations – Aurore Koechlin

Lire le texte en ligne sur le site de l’ARC
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Cette analyse propose une définition et une critique de l’individualisation des dominations qui a cours dans certains usages militants des notions d’intersectionnalité et de privilèges. Que désigne-t-on par une telle « individualisation des dominations » ? Quelles en sont les limites, tant sur un plan théorique que stratégique ? Quelle autre lecture proposer des rapports sociaux de domination ? Sans prétendre faire le tour du sujet, ce texte avance quelques pistes de réflexion utiles pour celles et ceux qui s’efforcent de penser et de combattre politiquement les différents systèmes de domination (capitalisme, patriarcat, racisme). Continuer la lecture de Les limites de l’individualisation des dominations – Aurore Koechlin

Contre l’innocence – Jackie Wang

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La traduction initiale sur Contrepoint

Les parties entre crochets et en italique dans le texte proviennent de parties de l’article original qui ont été reléguées en notes de fin lors de l’édition du livre Capitalisme carcéral en anglais (Semiotext(e), 2018), et conservées à part lors de la traduction (Éditions Divergences, 2019, éditions de la Rue Dorion, 2020) ainsi que de notes de bas de page de l’article original.
J’ai fait le choix de les réintégrer tout en les différenciant, d’abord par souci de lisibilité, et car bien qu’elles ne soient pas nécessaires à la compréhension globale, elles ouvrent de nouvelles perspectives et pistes de réflexion.

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Ce texte présuppose de la part de læ lecteurice une certaine connaissance des affaires liées au racisme aux États-Unis qui ont fait grand bruit dans les médias ces dernières années. Pour celleux qui ne seraient pas au fait de ces affaires :

    • Les « six de Jena» (Jena Six) est le nom donné à un groupe de six adolescents Noirs accusés dans un premier temps de tentative de meurtre pour avoir frappé un étudiant blanc dans une école de Jena, en Louisiane, le 4 décembre 2006. Cet évènement faisait suite à une série d’incidents racistes, dont la découverte de nœuds coulants installés dans un arbre de la cour du lycée.
    • Troy Davis était un homme Noir exécuté le 21 septembre 2011 après avoir été accusé d’avoir tué le policier Mark McPhail à Savannah en 1989, en Géorgie, bien que sa culpabilité ait été établie sur la base de preuves peu convaincantes. Parmi neuf témoins, sept d’entre elleux se sont ensuite rétracté·es et ont déclaré avoir agi sous la pression des enquêteurs.
    • Oscar Grant était un homme Noir, assassiné par balle par l’agent de police Johannes Mehserle à Oakland en Californie, le premier janvier 2009.
    • Trayvon Martin était un adolescent noir de 17 ans assassiné le 26 Février 2012 par George Zimmerman, un membre volontaire d’une milice de protection de quartier à Sanford, en Floride.

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Sabotage, un essai d’archéologie au XIXe siècle – François Jarrige

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Le texte sur le site de Techniques et culture

Hier totalement disqualifié par l’utopie d’une société libérale et pacifiée, le sabotage fait aujourd’hui de nouveau parler de lui : des activistes, de plus en plus nombreux, s’efforcent d’enrayer la marche du monde en pratiquant la désobéissance civile et l’action directe, parfois illégalement. Les dégradations ponctuelles d’équipements servant au transport des humains, des matières et des informations s’accroissent (pipelines, caméras de surveillance, radars, antennes relais, infrastructures de transport, etc.), tandis que les pratiques de sabotage associées aux mouvements de grève réapparaissent (telles les coupures de courant effectuées par des électriciens de la Confédération générale du Travail (CGT) durant l’hiver 2019 lors des mobilisations qui ont accompagné l’élaboration de la loi sur les Retraites en France). Continuer la lecture de Sabotage, un essai d’archéologie au XIXe siècle – François Jarrige

L’argent des femmes – Jeanne Lazarus

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L’argent fait l’objet de soupçons. Il corrompt, avilit, souille les sentiments, les choses ou les personnes qu’il achète, notamment la vertu des femmes. Si les femmes vénales sont supposées dangereuses, sinon sulfureuses, le fait même que les femmes soient propriétaires d’argent et l’utilisent selon leur bon vouloir inquiète le corps social. Même après que les restrictions juridiques ont disparu, les femmes possèdent moins d’argent que les hommes et s’en sentent des propriétaires moins légitimes[1]. Construit au fil du temps, en particulier par l’exégèse chrétienne de l’argent, le soupçon de la mise en équivalence des femmes, de leur corps, de leur travail et même de leur esprit, avec l’argent, laisse des traces sociales. Ces soupçons reposent sur une série de postulats : d’abord celui d’une pureté originelle des rapports sociaux sans échanges marchands ; ensuite celui d’un argent deus ex machina qui imposerait une rationalité calculatrice et marchande ; enfin celui d’une passivité de la sexualité féminine et d’une propriété sociale du corps des femmes. Continuer la lecture de L’argent des femmes – Jeanne Lazarus

Ambivalences de l’exotisme – Noémie P. R. & Livia Cahn

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Méprisées ou soudainement encensées, les « mauvaises herbes » racontent beaucoup de nos rapports à la nature, dans un temps long. Tantôt invasives, tantôt adjuvantes, les « espèces exotiques » résistent aux tentatives de catégorisation. De qui, de quoi sont-elles les alliées ? Continuer la lecture de Ambivalences de l’exotisme – Noémie P. R. & Livia Cahn

Natures mélancoliques, écologies queer – Catriona Sandilands

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« Natures mélancoliques, écologies queer »
(Titre original « 
Melancholy Natures, Queer Ecologies »)
est à l’origine un chapitre écrit par Catriona Sandilands dans ouvrage collaboratif qu’elle a co-dirigé intitulé
Queer Ecologies. Sex, Nature, Politics, Desire (Indiana University Press, 2010). Il s’agit d’une réflexion sur le deuil et à la mélancolie à travers la perspective d’une écologie queer où s’allient les puissances de la nature et de la sexualité. Face aux catastrophes environnementales et sociales, ce texte rappelle à nous des figures telles que Derek Jarman, Douglas Crimp et Jan Zita Grover, que nous connaissons peu voire pas du tout en France mais qui méritent qu’on les découvre.

Nous remercions Catriona Sandilands, les éditions Indiana University et la traductrice qui a souhaité rester anonyme pour le partage de cette importante et rigoureuse analyse.[1] Continuer la lecture de Natures mélancoliques, écologies queer – Catriona Sandilands

Maremme amère – Entretien avec Alberto Prunetti

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Alberto Prunetti a grandi à Follonica, une ville située en haute Maremme, région faisant partie de la Toscane. Dans Amianto[1], il raconte la vie d’ouvrier itinérant que mena son père, sa maladie, due à l’amiante, contractée sur les chantiers où il travaillait, tout en entrecoupant son récit par ses souvenirs d’enfance dans cette cité industrielle. Son livre, à la fois tragique, drôle et tendre, donne une image non tronquée de ce que les économistes appellent complaisamment le « miracle économique italien », dont on occulte toujours le coût humain et environnemental[2].

« Le protagoniste du livre, c’est le corps de mon père. » Continuer la lecture de Maremme amère – Entretien avec Alberto Prunetti

Un réveil antifasciste venu du féminisme – Entretien avec Auxi J. León, Ana Luna

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Selon l’eurodéputé Anticapitalistas (ex-Podemos) Miguel Urbán[1], le parti Vox, fondé en 2013 à partir d’une scission du Parti Populaire, représente à la fois « le franquisme sociologique » et les secteurs les plus conservateurs, héritiers du national-catholicisme espagnol et actuellement regroupés dans divers mouvements extra-institutionnels tels que la plateforme Hazte Oír ou le Forum espagnol de la famille, qui a popularisé la notion d’ « idéologie du genre » (formulée par le pape François). Cette forme d’organisation rappelle ainsi celle du Tea Party nord-américain. Vox mène un intense travail de requalification des violences de genre en « violences intrafamiliales » pour défaire la politisation féministe du sujet et recadrer les faits de violence en termes de relation inter-individuelle. Il recourt également à la « racialisation du sexisme »[2], en imputant les faits de violences sexuelles dans l’espace public aux migrants, voire à leur culture musulmane et/ou africaine. Enfin, il attaque les politiques de lutte contre les violences de genre directement au sein des institutions andalouses[3]. Dans cet entretien, nous revenons avec deux militantes sur les résistances féministes antifascistes qui se sont déployées depuis 2018 en Andalousie, Ana Luna et Auxi Leon. Toutes deux militent au sein du mouvement féministe autonome, la tendance libertaire du féminisme espagnol. Ana Luna, 25 ans, originaire de Málaga, est étudiante et fait partie du collectif féministe non mixte « Café feminista ». Auxi León, 37 ans, originaire des Canaries, réside en Andalousie depuis 17 ans. Elle fait partie du collectif « La Medusa » et est journaliste pour le média féministe indépendant La Poderio. Elle travaille au sein de l’ONG « Mujeres en Zonas de Conflicto ». Continuer la lecture de Un réveil antifasciste venu du féminisme – Entretien avec Auxi J. León, Ana Luna