Les accidents du travail ne sont pas des faits divers – Entretien avec Mathieu Lépine

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Le texte sur le site de Ballast

On dénombrait récemment, en France, plus de 800 000 accidents du travail dans l’année, entraînant la mort de plus de 700 travailleurs et travailleuses. Ce fait social massif continue pourtant d’être traité sous l’angle du fait divers et local. Hier[1], un ouvrier tombait d’un toit en Moselle ; il y a cinq jours, un ouvrier était transporté en urgence absolue vers un hôpital de Haute-Savoie après avoir été piégé sous un coffrage de béton de 850 kilos ; la veille, un ouvrier installé sur une nacelle était gravement blessé à Quimper ; quelques jours plus tôt, en Maine-et-Loire, un technicien de maintenance a eu le bras happé par une machine. On pourrait poursuivre cette funeste liste sans fin. C’est, justement, ce que Matthieu Lépine, professeur d’histoire et auteur du blog Une Histoire populaire[2], entreprend depuis 2019 avec son compte Twitter « Accidents du travail : silence des ouvriers meurent »[3]. Un travail aussi minutieux qu’essentiel, qui s’élève contre le silence médiatique et politique. Continuer la lecture de Les accidents du travail ne sont pas des faits divers – Entretien avec Mathieu Lépine

Vierges guerrières et mères courage – Mercedes Yusta

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Lire le texte sur la page de la revue Clio sur OpenEdition

Les femmes communistes espagnoles reconstituèrent leur organisation en 1945, dans l’exil français, afin de mobiliser les réfugiées dans la résistance antifranquiste. Les figures d’héroïnes évoquées dans la revue Mujeres Antifascistas Españolas, tiennent une place importante dans la culture politique de ces femmes. Des récits, où réalité et fiction se mêlent, mettent en scène vierges guerrières et mères héroïques. Si l’héroïsation individuelle ou collective (les treize roses de Madrid) confine parfois au mythe, sans remettre en cause le système traditionnel de genre, elle permet d’inscrire ces héroïnes dans l’histoire de l’Espagne et dans la mémoire collective des opposants au régime du général Franco. Continuer la lecture de Vierges guerrières et mères courage – Mercedes Yusta

Féminisme et handicap : luttes contre le validisme – Mélina Germes

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L’article paru sur le site de la revue Ballast.

Qu’est-ce que le validisme ?

Le validisme ou capacitisme désigne une forme de domination envers les personnes handicapées. Au-delà de l’archétype du « handicapé », le terme personnes handicapées (ou handi·es) inclut ici les malades chroniques, personnes aveugles, sourdes, neuroatypiques, neurodivergentes, dismorphiques… sans distinction de diagnostic. Le validisme est l’idéologie selon laquelle la norme de l’existence humaine est l’absence de maladie et d’infirmité. La capacité à être productif·ve est la condition pour mériter de (bien) vivre[1].

Les enseignements et pratiques médicales sont centraux dans la catégorisation et la (dé)valorisation des existences handies. La médecine occidentale s’est donnée pour but de réparer les corps (et esprits) qu’elle considère comme défaillants, avec la finalité de leur (re)mise au travail. En même temps, les fictions et discours bienveillants parent les personnes handi·es de vertus exceptionnelles, parmi lesquelles le courage d’exister, les valorisant en tant que sources d’inspiration pour les personnes valides.

Le validisme est, comme toute oppression, à double tranchant : il peut se faire bienveillant, tout en conservant son pouvoir de nuire. Cette notion révèle le caractère socialement et historiquement construit de l’assignation des handi·es à une condition dominée. Continuer la lecture de Féminisme et handicap : luttes contre le validisme – Mélina Germes

Ne nous pleurez pas – Jim Sinclair

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Le texte original en anglais : Don’t mourn for us

Cet article a été publié dans la lettre d’information de Autism Network International : Our Voice, Volume 1, Number 3 en 1993.
Jim Sinclair reprend les grandes lignes d’une conférence sur l’autisme qu’il donna en 1993 à Toronto et s’adresse en priorité aux parents des personnes autistes.
Avec cet article, Jim Sinclair devient une des premières personnes concernées à adopter une position militante qui ouvre la voie pour le mouvement des droits des autistes et leur autodétermination. Continuer la lecture de Ne nous pleurez pas – Jim Sinclair

Moyens et objectifs : la critique anarchiste de la prise du pouvoir d’État – Zoe Baker

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L’article en anglais : « Means and Ends : The Anarchist critique of seizing state power » sur le site Black Rose anarchist federation.

La critique anarchiste de la prise du pouvoir d’État est souvent caricaturée comme une opposition morale abstraite à l’État ignorant tout de la dure réalité politique à laquelle nous faisons face aujourd’hui.

Après avoir attentivement examiné les textes d’auteurices anarchistes à travers l’Histoire, on découvre cependant que la véritable raison pour laquelle iels considéraient que les révolutionnaires ne devraient pas chercher à s’emparer de l’État est simplement que cette méthode n’était pas viable pour atteindre leurs objectifs.

Ces arguments stratégico-pratiques prennent leurs racines dans la manière dont les anarchistes pensent la société. En effet, les anarchistes considèrent que la société est constituée d’individus dotés de formes particulières de conscience et que ceux-ci s’engagent dans différents types d’activités, exerçant leurs capacités afin de satisfaire des besoins motivationnels, et ce faisant se transforment eux-mêmes et le monde qui les entoure. Continuer la lecture de Moyens et objectifs : la critique anarchiste de la prise du pouvoir d’État – Zoe Baker

De la théosophie à l’anthroposophie – Jean-Baptiste Malet

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Les articles sur le Monde Diplomatique La Société théosophique, ou le myther de « l’insurrection des consicences »L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme

La Société théosophique, ou le mythe de « l’insurrection des consciences »

Jean-Baptiste Malet – le Monde Diplomatique – Juillet 2018

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Fondée en 1875 à New York par Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891) et le colonel Henry Steel Olcott (1832-1907), la Société théosophique nait d’une rencontre originale entre spiritisme, bouddhisme et hindouisme. Blavatsky, qui affirme être capable de communiquer avec l’au-delà, accomplit tout au long de sa vie de nombreux voyages d’études afin de rencontrer chamans, rebouteux, yogis et autres « maitres de sagesse ». Forte de son érudition, elle en publie la somme et crée la Société théosophique, ayant pour objet la formation d’une « fraternité universelle » destinée à tous ceux qui souhaitent s’élever spirituellement et découvrir le « principe universel », racine supposée commune de toutes les religions.

En un quart de siècle, la Société théosophique multiplie ses branches et devient une Internationale de l’ésotérisme. « Nous avons trop tendance à ignorer la vogue que connurent l’occultisme, la nécromancie, la magie, la parapsychologie et les divers avatars du mysticisme oriental qui s’emparèrent de certains milieux occidentaux », écrit l’historien Eric J. Hobsbawm dans L’Ère des Empires (1875-1914). « Jamais depuis le début de l’époque romantique l’inconnu et l’inconnaissable ne devinrent aussi populaires. » Continuer la lecture de De la théosophie à l’anthroposophie – Jean-Baptiste Malet

Intersectionnalité et antisémitisme. Une nouvelle approche – Karin Stögner

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Le texte sur le site Golema.net

Publié initialement sur fathomjournal.com en mai 2020
Traduit de l’anglais par Julien Chanet pour golema.net

Dans cet essai important, Karin Stögner explique pourquoi l’influente théorie de l’ « intersectionnalité » omet si souvent d’inclure l’antisémitisme globalisé et propose une ré-élaboration du concept d’intersectionnalité influencée par la première génération de l’École de Francfort qui cherche à intégrer l’antisémitisme en tant qu’oppression spécifique et tente de cerner son articulation avec d’autres formes de domination. L’approche innovante de Stögner permet de dégager des pistes pour un renouveau du militantisme anti-raciste et féministe qui incorporerait l’antisémitisme à son champ de préoccupations.

Le concept d’intersectionnalité est un instrument analytique permettant de comprendre de manière critique le caractère multidimensionnel des rapports de pouvoir. Il est apparu pour la première fois dans les années 1970, lors des débats autour du féminisme noir et a marqué le début d’une lutte intersectionnelle, c’est-à-dire d’une lutte sur deux fronts : contre le sexisme au sein du mouvement des droits civiques et contre le racisme au sein du mouvement féministe. À cet égard, l’intersectionnalité a toujours été à la fois un concept analytique et une pratique politique. Continuer la lecture de Intersectionnalité et antisémitisme. Une nouvelle approche – Karin Stögner

L’affaire Couriau – Marie-Victoire Louis

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Le texte sur le site de Marie-Victoire Louis

Fin 1912, Emma Couriau, femme de typographe, typote elle-même depuis 17 ans, est embauchée au tarif syndical, dans une imprimerie syndiquée, à Lyon, où le couple vient s’installer. « C’est le métier qui me fait vivre. Je n’en connais pas d’autre », dira-t-elle.

Au terme de six mois de travail, en avril 1913, elle demande son admission à la chambre syndicale typographique lyonnaise. Selon son mari, c’est « lui [qui] l’invita à faire sa demande d’admission »[1] : « [J’avais] cru bon de lui inculquer quelques idées sur l’émancipation des femmes, éducation qui ne peut que servir le mouvement ouvrier » dira-t-il[2]. Aussi, « appuie-t-il d’un mot sa demande qu’autorisaient ses 19 années de syndicalisme militant »[3]. Elle écrivit, pour sa part qu’elle « était convaincue, par la lecture et l’audition de ses camarades féministes et syndicalistes, que la place de tous les exploités, à quelque sexe qu’ils appartiennent, est au syndicat. »[4] Continuer la lecture de L’affaire Couriau – Marie-Victoire Louis

Jeunes, italiens, fascistes et branchés – Christian Raimo

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Aujourd’hui, en Italie, le fascisme est à la mode. Quand certains pensaient cette idéologie dissoute dans les tabous de l’histoire nationale, les militants d’extrême droite travaillaient patiemment à leur grand retour dans l’arène politique – et la scène inaugurale se joue sur les bancs des lycées et des universités. Afin de combler le vide laissé par l’effondrement de la gauche, dans la pensée critique comme dans les urnes, et de conquérir les plus jeunes, le fascisme italien du IIIe millénaire s’est paré de nouveaux atours : il se présente comme « postidéologisé », débarrassé du « clivage gauche-droite » et s’enorgueillit de défendre les classes populaires et les femmes. Cette stratégie d’endoctrinement masque mal les motivations réelles de ce néofascisme qui, comme chez ceux qui l’ont précédé, reposent sur la défense identitaire, le racisme et le nationalisme.

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« Je suis fasciste », déclare un garçon de treize ans. « Moi aussi, je suis fasciste », dit son ami. « Moi aussi. On est tous fascistes », enchaîne un autre. Certains sont en seconde, d’autres sont encore au collège. Les journées de cours sont brèves, le soleil permet de se promener en t-shirt et en short, et la place Cavour, à Rome, est le lieu où les étudiants se retrouvent après l’école, pour la pause-déjeuner, à l’heure de l’apéritif ou après le dîner. Continuer la lecture de Jeunes, italiens, fascistes et branchés – Christian Raimo

Résilience partout, résistance nulle part – Evelyne Pieiller

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L’article sur Le monde diplo

Jusqu’où aller dans la mise en œuvre de nouvelles contraintes, et comment y aller ? Comment faire pour qu’elles apparaissent justifiées, voire bénéfiques, pour s’assurer de leur acceptabilité sociale ? Le recours aux sciences cognitives permet d’armer dans ce but les politiques publiques et de contribuer à un modelage de nos comportements ; ce qu’illustre la valorisation de la « résilience ».

Ici, la résilience a la saveur d’une crépinette de pied de cochon.  Moins d’une semaine après les attentats du 13 novembre 2015, c’est ce qu’on pouvait lire dans un article du Monde vantant un restaurant. On peut supposer que la crépinette était d’autant plus forte en embrayeuse de résilience que ledit restaurant était situé dans l’un des arrondissements où avaient eu lieu les fusillades. C’était hardi, mais précurseur. Cinq ans plus tard, le mot est mis, si l’on ose dire, à toutes les sauces. Les institutions internationales, le monde de la finance, du management, de la santé publique, les économistes, les urbanistes, les climatologues : tous y recourent. Les politiques en raffolent. M. Joseph Biden a évoqué dans son discours d’investiture, le 20 janvier dernier, la « résilience » de la Constitution américaine. M. Emmanuel Macron le décline sans craindre de se répéter. S’il évoque, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les « scénarios de résilience » (France Info, 19 février 2021), il sait aussi se montrer plus inventif. Ainsi, pour le cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, le 9 novembre 2020, il salue son « esprit de résilience ». Il baptise la mobilisation de l’armée en mars 2020 opération « Résilience ». Au Forum économique mondial de Davos, le 26 janvier dernier, il se déclare « pour un capitalisme résilient ». Un récent projet de loi s’intitule « Climat et résilience ». Les ministres partagent le lexique du président, et Mme Roselyne Bachelot évoque avec entrain, sur fond de suspense durable, un « modèle résilient de fonctionnement des lieux culturels » (Twitter, 23 décembre 2020).

Manifestement, être résilient, c’est bien.

C’est peut-être même le bien. Continuer la lecture de Résilience partout, résistance nulle part – Evelyne Pieiller