De l’eau, de l’air et de la soie – Hypersensibilités artisanales chez Hermès – Emmanuel Ducourneau


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Entre 2016 et 2020, j’ai réalisé une ethnographie au sein de la maison Hermès. L’objet central de cette recherche était le Carré Hermès, le foulard en soie imprimé par l’entreprise depuis 1937.

Il fut question de topographier en profondeur son processus de création, production et diffusion. 1 300 actants humains et non humains ont été d’abord listés, repérés dans l’espace et le temps, et classés en fonction de leurs positions ou degrés de transformation le long des « chaînes opératoires » (Leroi-Gourhan 1965). Parmi eux, j’ai retrouvé l’imprimeur Didier, le teinturier Bruno, l’atmosphère de Pierre-Bénite et l’eau d’Irigny, les acteurs principaux de cet article. J’ai nommé ce processus « ontocartographie », en référence à une ontologie qui examine les imbrications complexes des objets entre eux, la manière dont ils influencent et sont influencés par les autres objets qui les entourent, ainsi que leur capacité à transformer et être transformés par ces interactions (Bryant 2014). J’ai obtenu un réseau socio-technique polygonal de 400 millions de kilomètres carrés, une étendue équivalente à 80 % de la surface terrestre, allant de la Polynésie française à la Papouasie–Nouvelle-Guinée et de la Sibérie à la Nouvelle-Zélande. Considéré sous cet angle, le Carré Hermès est apparu comme un microcosme du macro-enchevêtrement des activités humaines au sein de la biosphère représentant la totalité des écosystèmes terrestres. Continuer la lecture de De l’eau, de l’air et de la soie – Hypersensibilités artisanales chez Hermès – Emmanuel Ducourneau

A titre gracieux – Lise Belperron

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Correcteur·ices, éditeur·ices, traducteur·ices, auteur·ices… dans le milieu de l’édition, le travail précaire, mal voire pas rémunéré, semble être aussi structurant qu’invisibilisé. Le prestige associé aux activités intellectuelles a bon dos ! Une ancienne du sérail mène l’enquête, gagnée par le doute : qu’est-ce qui définit un « vrai» travail ? Avant de déplacer la question : et si on imaginait plutôt une intermittence du livre ?

« Les productions de l’esprit
rendent déjà si peu !
Si elles rendent encore moins,
qui est-ce qui voudra penser ? »
Diderot[1]

Il y a quelques années, un cousin à moi, de passage à Paris, est venu récupérer un manteau oublié dans la maison d’édition où je travaillais à l’époque, au cœur du traditionnel « quartier des éditeurs » de Saint-Michel. « Alors, m’a-t-il dit, c’est là que vous lisez à longueur de journée ? » Là-dessus, il a enfoncé le clou : « Mais qui vous paye ? » Continuer la lecture de A titre gracieux – Lise Belperron

Une histoire du syndicat IWW – Peter Cole, David Struthers et Kenyon Zimmer

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Fondé en 1905 aux États-Unis, le syndicat IWW compte aujourd’hui plus de 9 000 membres. Bâti sur l’idée que « la classe ouvrière et la classe patronale n’ont rien en commun », on retrouve ses membres — les Wobblies — dans les luttes des dockers de Liverpool, des mineurs de la Sierra Leone, des sans-abri de l’Ottawa ou encore des travailleurs de la restauration rapide du Québec. Sa devise ? « Faire du tort à un seul, c’est faire du tort à tous ». Ses auteurs — les historiens étasuniens Peter Cole, David M. Struthers et Kenyon Zimmer — y retracent, sur près de 500 pages, l’histoire d’un syndicalisme de masse dont l’ambition finale n’est autre que l’abolition du système capitaliste. Continuer la lecture de Une histoire du syndicat IWW – Peter Cole, David Struthers et Kenyon Zimmer

Des ateliers de confection aux lignes d’assemblage des bébés – Sharmila Rudrappa

La brochure au format pdf page par page : GPA
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Le texte sur le site Cairn

Mars 2011, au domicile de Sita, Bangalore.[1]

« Moi et ma sœur, nous sommes ouvrières dans la confection. Nos vies, c’est l’enfer, l’enfer. Notre univers est détruit, détruit », déclare Lalitha sur un ton dramatique[2]. Ma première visite à Bangalore, surnommée la Silicon Valley indienne du fait des industries du software qui abondent dans la région, touche alors à sa fin. En ce soir de mars, je suis assise avec une quinzaine d’ouvrières de la confection, sur les marches de la maison de l’une d’entre elles, dans un quartier où les usines textiles sont nombreuses.

Je m’étais rendue à Bangalore pour étudier son positionnement de plus en plus important sur le marché transfrontalier du soin reproductif[3], en particulier celui de la gestation pour autrui (GPA). Deux semaines auparavant, j’avais passé deux semaines dans un foyer tenu par Creative Options for Women (COTW), menant des entretiens avec des mères porteuses[4]. J’y appris que, pour la plupart, les femmes vivant sur place étaient auparavant des ouvrières de la confection. Lancée sur la piste d’une activité postindustrielle et transfrontalière, la GPA, je me retrouvais de manière inattendue devant la sortie de secours d’une activité industrielle : la production textile. La ligne de production de vêtements s’avérait ainsi la voie royale vers la ligne d’assemblage reproductive, via la vente d’ovules et la GPA. Je développerai l’argument que l’histoire de ces femmes ayant décidé de devenir mères porteuses est indissolublement liée à leur statut antérieur de travailleuses salariées, en l’occurrence d’ouvrières de la confection. Continuer la lecture de Des ateliers de confection aux lignes d’assemblage des bébés – Sharmila Rudrappa