A titre gracieux – Lise Belperron

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Correcteur·ices, éditeur·ices, traducteur·ices, auteur·ices… dans le milieu de l’édition, le travail précaire, mal voire pas rémunéré, semble être aussi structurant qu’invisibilisé. Le prestige associé aux activités intellectuelles a bon dos ! Une ancienne du sérail mène l’enquête, gagnée par le doute : qu’est-ce qui définit un « vrai» travail ? Avant de déplacer la question : et si on imaginait plutôt une intermittence du livre ?

« Les productions de l’esprit
rendent déjà si peu !
Si elles rendent encore moins,
qui est-ce qui voudra penser ? »
Diderot[1]

Il y a quelques années, un cousin à moi, de passage à Paris, est venu récupérer un manteau oublié dans la maison d’édition où je travaillais à l’époque, au cœur du traditionnel « quartier des éditeurs » de Saint-Michel. « Alors, m’a-t-il dit, c’est là que vous lisez à longueur de journée ? » Là-dessus, il a enfoncé le clou : « Mais qui vous paye ? » Continuer la lecture de A titre gracieux – Lise Belperron

Vieillir au féminin – Juliette Rennes

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En avril 2016, en Suisse, une octogénaire a demandé — et obtenu — une aide au suicide car, « très coquette » selon son médecin, elle ne supportait pas de vieillir. Un signe du stigmate particulier attaché à l’avancée en âge chez les femmes. En France, deux personnalités se sont emparées de cette question longtemps négligée par les féministes : Benoîte Groult et Thérèse Clerc, toutes deux disparues cette année.

Pourquoi les femmes mentent-elles davantage que les hommes sur leur âge ? Partant de cette question apparemment anodine, Susan Sontag explore en 1972 ce qu’elle appelle le « deux poids, deux mesures de l’avancée en âge[1] ». En matière de séduction, remarque-t-elle, deux modèles masculins coexistent, le « jeune homme » et l’« homme mûr », contre un seul côté féminin : celui de la « jeune femme ». Au point qu’il est admis, notamment dans les classes moyennes et supérieures, qu’une femme dépense une énergie croissante (et, si elle le peut, de l’argent) pour tenter de conserver l’apparence de sa jeunesse. Continuer la lecture de Vieillir au féminin – Juliette Rennes

Peut-on « séparer la femme de l’artiste » ? – Aurore Turbiau

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Texte de la brochure :

On entend beaucoup dire en ce moment, en sinistre contexte, qu’il faut « séparer l’homme de l’artiste » : par là, on entend en principe défendre l’idée que les œuvres d’art ou les productions culturelles doivent être appréciées indépendamment du jugement que l’on porte sur leurs auteurs, afin de garantir à notre évaluation esthétique son impartialité et son objectivité. On demande alors de juger l’œuvre, surtout pas l’homme qui l’a produite, et celui-là est censé disparaître derrière sa réalisation – quand bien même il aurait été le premier à s’y être comparé[1] et même si c’est bien à lui qu’on donne des récompenses ensuite[2].

En littérature, le débat court depuis longtemps : sur ce site-même on en reparlait récemment à travers l’analyse des idées de Saint-Beuve[3]. C’est un grand classique de la critique littéraire que de se demander si on doit ou non s’intéresser aux biographies des écrivain·es pour juger leurs textes – Sainte-Beuve jugeait que oui et le mettait largement en pratique, Proust en réponse prônait la distinction entre le « moi social » et le « moi profond » de la personne qui écrit. Cette opposition, en réalité ne recouvre pas exactement celle qui propose de « séparer l’homme de l’artiste » mais a souvent été comprise ainsi. Vieilles idées, vieux débats sans fin : la réalité est toujours trop complexe pour être réduite à des schémas binaires.

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Une enfance gabonaise – Anonyme

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Texte de la brochure

Texte inédit pour le site de Ballast

Une grande enveloppe kraft tachetée : dessus, on peut lire « Courrier intérieur ». Ballottée ici et là au fil des ans. Un manuscrit s’y trouve, inachevé, parfois annoté et raturé. C’est un texte écrit par une femme originaire du Gabon, fille d’un menuisier gabonais et d’une Normande qui s’étaient rencontrés dans les années 1950. C’est le récit de son enfance, et l’on y croise la saison des pluies, un coup d’État et un amour malmené. L’enveloppe n’a pour ainsi dire jamais été ouverte et son auteure a disparu, sans terminer son ouvrage, il y a une décennie de cela. Il est rare que l’on écrive seulement pour soi ; peut-être fallait-il recopier un jour ces pages, du moins quelques-unes d’entre elles, pour d’inconnus destinataires.

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