La grève de la Rhodiaceta en 1967 – Nicolas Hatzfeld et Cédric Lomba

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Dans l’avant-68, la Rhodiaceta est une référence qui s’impose. Elle désigne une grève avec occupation de la principale usine de Besançon durant un mois, en février-mars 1967, au retentissement national. La référence tourne au mythe à partir d’un film, tourné par Chris Marker à Rhodia et diffusé en février 1968 à la télévision. Le titre, A bientôt, j’espère, reprenait les mots par lesquels un jeune ouvrier, Georges Maurivard, donnait rendez-vous aux patrons pour un futur combat. L’interpellation, superbe, prend en mai-juin une dimension prémonitoire et nourrit, dès lors, une lecture rétrospective des événements de 1968 : avant les étudiants de Nanterre, on peut trouver des prémisses ouvrières au mouvement. Or, ce n’est pas l’objectif visé par ce texte.

La grève de la Rhodia engage des jeunes, ouvriers, provinciaux ; croisant le fer avec l’autorité, rencontrant des gens de culture, ils osent parfois même devenir auteurs. Décentrés socialement et géographiquement par rapport à la scène plus connue des événements de 1968 sans lui être en rien étrangers, ces acteurs permettent d’affiner l’analyse de chacune des catégories qu’ils mobilisent, de travailler la pluralité des événements et d’en enrichir la compréhension générale. Mais le décentrement visé par cette étude est aussi temporel. En effet, il n’est pas question de s’en tenir à ce qui en cet hiver bisontin et industriel comprend déjà le printemps de mai, d’enserrer le temps d’avant dans une lecture téléologique. Au contraire, ce texte vise à reconstruire, autant que faire se peut, l’étrangeté d’un temps où l’on ne pensait pas 68, malgré l’expression d’espérances ou de craintes susceptibles d’en partager des éléments. Prosaïquement, il s’agit de reconstituer des faits[1], de repérer la consistance de ce qui s’est produit alors et de comprendre ce qui a fait événement à l’époque[2]. En rendant à la grève de 1967 son autonomie, l’analyse l’ancre pleinement dans la décennie des années 1960, une échelle moyenne de l’époque de la Modernité[3], reliée tant à la guerre d’Algérie qu’à 1968. Entre ces temps forts qualifiés tous deux d’« événements, l’analyse du conflit Rhodia établit un lien étonnamment fort et riche, qui mobilise les problé­matiques de la violence, de la contestation, de la solidarité et du collectif, ou de l’appropriation subversive de pratiques culturelles. La question ouvrière, ainsi traversée, devient beaucoup plus ample et complexe qu’un strict territoire de travail, et permet d’analyser des mutations plus larges dans la société française. Le cas de la Rhodia est à la fois exemplaire de cette présence ouvrière et singulier dans les manifestations qu’il en présente.

Ce texte présente d’abord quelques repères du conflit et situe dans ce temps court, quelques semaines, les problématiques évoquées plus haut. Il aborde ensuite les enjeux industriels de la grève, autrement dit la modernité du travail telle qu’elle prend forme dans l’usine chimique alors récente de la Rhodiaceta. Puis, il examine certains traits du groupe central des ouvriers en conflit. Plutôt que de reconduire l’idée d’une identité de classe, il étudie les traits saillants d’une dynamique identi­taire ponctuelle, à travers l’expérience générationnelle étroitement prise dans son époque, les nœuds de conflictualité et les formes de l’engagement syndical.

Un conflit marquant

« La Grande grève. Pour beaucoup d’ouvriers de Rhodia, c’est en ces termes que déjà on parle de la grève du 25 février au 25 mars. Un mois !… nous sommes restés un mois en grève. Voilà qui doit amener bon nombre de théoriciens bourgeois à consulter de plus près leurs manuels de théories bourgeoises (Entreprises, La Nation, Ici Paris…). Car pour ces braves il y avait au moins une certitude : les grandes grèves ne sont plus possibles (le crédit, pensez donc D. Les ouvriers, ces fainéants, faisaient volontiers, lorsque le ciel était bleu, un petit débrayage de quelques heures, voire, dans le pire des cas, une grève de 24 heures. Mais ils ne sont plus en mesure de supporter une grosse perte de salaire. D’ailleurs, pourquoi les grèves ? C’est bien connu que le mécontentement n’existe que dans les petites têtes de quelques syndicalistes excités… Et puis soudain, voilà que coup sur coup, chez Dassault, à Rhodiaceta Besançon, Lyon St-Fons, chez Berliet, dans les mines de fer… Bigrbougre ! Toutes les belles théories bien capitalistes, bien gaullistes, ne seraient-elles que du vent[4] ? »

Cet éditorial ouvrier au style enlevé met en perspective, à chaud, la grève de 1967 survenue à l’usine Rhodiaceta de Besançon, bastion de près de 3 000 ouvriers et ouvrières[5]. Il l’inscrit en contrepoint de l’image de croissance consensuelle qui, déjà, marquait les discours dominants et qui plane encore aujourd’hui sur les années 1960.

La grève intervient dans une période de réduction de la production et de jours chômés que la direction de Rhodia propose de comptabiliser comme jours de congé. Elle a été préparée par plus de vingt arrêts de travail au cours des trois mois précédents, notamment par des débrayages hebdomadaires de deux heures. Les revendications émanent des ouvriers travaillant en feu continu : treize jours de repos compensateur par an, une majoration de salaire pour le travail du dimanche ou de nuit. Subissant des jours chômés imposés, les ouvriers attribuent cette période d’inactivité, qu’ils qualifient de « bidon », à une imprévoyance inac­ceptable, voire à la volonté patronale de briser leur combativité[6].

Démarrant le 25 février, un samedi, alors que l’encadrement est quasiment inexistant, la grève est immédiatement traduite en occupation et rapidement confortée par l’installation de barrages à l’entrée de l’usine. Des piquets de grève se mettent en place en s’appuyant sur les équipes qui travaillent en 4 × 8[7]. La direction exerce des pressions au nom de la liberté du travail, appuyée par la justice et les pouvoirs publics[8], et fait preuve d’intransigeance face aux revendications. Toutefois, la campagne des élections législatives n’est pas propice à une intervention policière. Les grévistes, de leur côté, font le choix d’élargir le conflit aux autres usines du groupe. Le site principal situé à Lyon-Vaise est entraîné dans la grève, ainsi que ceux de Saint-Fons, Péage de Roussillon, etc. Parallèlement, les deux confédérations envoient les secrétaires fédéraux, assistés d’un permanent, suivre sur place le conflit, signe de l’importance qu’elles lui accordent. Le cégétiste André Aubert privilégie Lyon où se tiennent généralement les négociations de groupe[9], tandis que pour la CFDT, Frédo Krumnov, figure montante et fervent autogestionnaire, vient à Besançon où son syndicat est prépondérant. Le ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney réunit les partenaires sociaux. Avec l’extension du conflit au secteur des textiles artificiels et sous l’effet de l’action cégétiste, la question des salaires prend bientôt le pas sur celle des conditions de travail mise en avant par les militants cédétistes de Besançon[10]. A l’échelle locale, la conduite de la grève s’effectue toutefois de bout en bout en intersyndicale, parfois formée en comité de grève. Les accords finaux, qui portent essentiellement sur une hausse des salaires, sont généralement admis malgré une forte déception parmi les ouvriers des 4 × 8, exprimée par la CFDT et des ouvriers dont certains trotskistes de Voix ouvrière.

Le conflit est aussi un moment singulier d’interférences entre l’usine et la société. Les grévistes popularisent leur cause à Besançon et dans la région, et trouvent un écho important : manifestations, motions de soutien et collectes émanent de nombreux secteurs d’activité industrielle, tertiaire, paysanne, univer­sitaire. La solidarité s’étend à des entreprises sur l’ensemble de l’Hexagone. Elle s’affirme au sein des forces politiques de gauche et du centre, des réseaux associa­tifs, des instances de l’Église catholique ainsi que dans les milieux artistiques et de la presse écrite. Un comité de soutien s’active. La municipalité communiste de Sartrouville apporte son aide à une colonie de vacances pour des enfants de grévistes[11]. Les liens se tissent d’autant plus que l’occupation n’est pas un enfer­mement. Les grévistes laissent les ateliers aux services de sécurité et se concentrent dans les locaux du restaurant d’entreprise, de la bibliothèque, et dans la cour. Là, outre les péripéties du conflit et le « travail » de la grève proprement dite (occu­pation 24 heures sur 24, piquets, meetings quotidiens, distributions de tracts, défilés, quêtes, graffitis, etc.), à côté des parties de belote et des discussions entre copains, les grévistes de Rhodia ouvrent leurs portes. Avec la coopération du Centre Culturel Populaire Palente-Orchamps (CCPPO), créé dans un quartier de la ville, chaque jour voit le déroulement d’une activité culturelle : projection de film, représentation théâtrale, spectacle audiovisuel, lecture ou conférence[12]. Outre des artistes invités et des travailleurs solidaires, des étudiants de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), communistes et trotskistes, font preuve d’une forte assiduité aux côtés des grévistes, à l’usine et dans les actions en ville. Ces multiples échanges comptent pour beaucoup dans l’écho de la grève et font connaître les conditions de travail des salariés de l’usine.

L’usine de Rhodiaceta, un modèle de modernité industrielle

À Besançon, l’usine de Rhodiaceta est construite en 1955[13] sur le site d’an­ciennes soieries, à l’extérieur de l’agglomération. Elle symbolise une technologie de pointe inédite dans la région. Les produits — le fil Nylon, le fil et la fibre Tergal dont Rhodia détient le monopole jusqu’en 1964 — symbolisent cette modernité, également remarquable dans le secteur de la fabrication.

La production se compose de deux activités séparées : d’un côté, les filatures fondent les polymères d’où sortent des fils ; de l’autre, l’étirage les allonge. Comme tout arrêt de production de plus de deux heures nécessite plusieurs jours de nettoyage des polymères figés, le travail s’effectue en continu, 7 jours sur 7, avec quatre équipes de 4 × 8 de 200 à 400 hommes dont chacune est en repos par alternance. Affectés à l’alimentation et â l’évacuation des bobines, à la surveil­lance des pannes et à l’entretien de « leur » machine, les ouvriers sont isolés les uns des autres dans de vastes ateliers. Enfin, le travail est prescrit par un ordonnance­ment serré des opérations, déterminé dans les bureaux :

« La production et les conditions de travail étaient telles que le bruit, la chaleur et l’humidité, plus ce qu’on appelait un type d’organisation du travail or-do-nnan-cé, je l’ai encore en tête. Le gars arrivait à 4 heures du matin. 4h02, il avait sa fiche de travail. 4h-4h02, deux minutes de patrouillage. Donc il était là pour patrouiller son étireuse ou son métier. 4h02-4h07, cavage. Il avait tant de minutes pour couper les bobines. Ensuite, il avait 4h07-4h12, nettoyage et préparation. Après, on appelait ça le lance­ment, il relançait les positions qui venaient d’être préalablement coupées. C’était d’une précision assez horlogère, parce que la vitesse de filature, et surtout ensuite au deuxième stade la vitesse d’étirage, c’était une vitesse qui, sur un temps donné, donnait une distance kilométrique précise. […] C’était la machine qui captait l’ouvrier. L’ouvrier était prisonnier de sa feuille d’ordonnancement. Ce que j’ai décrit là, c’était sur les huit heures.[14]»

Cette rationalité industrielle participe â l’homogénéisation de la main d’œuvre censée être interchangeable, traitée de manière égalitaire, sur la base d’une classi­fication collective des postes et des salaires[15]. Pour faire fonctionner ce système, dans une usine où la vingtaine de cadres délaissent la gestion des hommes, Rhodia s’appuie sur une maîtrise qui assure une surveillance tatillonne. Cette surveillance particulièrement pesante revient dans tous les entretiens réalisés. Elle passe par des sanctions sur les primes lorsque les ouvriers commettent des erreurs de fabrication, ou ne sont pas devant leurs machines à la minute fixée par l’ordonnancement :

« On pouvait pas aller pisser trois fois sans se faire arnaquer la prime de rendement. Quand on allait aux chiottes, où c’est interdit de fumer, il y avait des chefs qui regardaient par dessous si on était assis. Ou ils venaient regarder pendant le temps de repos, parce qu’on avait un petit temps de repos […]. Si vous aviez fait une connerie, [quand] il y en a un qui voulait vous allumer, il vous allumait[16]. »

Dans chaque secteur, chaque équipe partage les mêmes conditions de travail (la chaleur et l’humidité suffocante à côté des filatures, le bruit constant des centaines de moteurs à l’étirage[17]) et les mêmes contraintes d’horaires décalés des 4 × 8, qui favorisent des histoires communes dans l’usine et des relations spécifiques au dehors, notamment lors des journées de repos. Ces traits contri­buent à distinguer les ouvriers des 4 × 8 de leur entourage : « Quand il faut partir un dimanche d’été à 7 heures du soir pour aller s’enfermer, c’est un peu raide. Surtout quand on est jeune[18]. » A côté de ces effectifs de production en 4 × 8, restent les personnels, moins nombreux, des secteurs « annexes » à la production de fil : les ouvrières en 2 × 8 pour le conditionnement ou le contrôle des produits (environ 10 % des effectifs), les ouvriers d’entretien de jour, les employés de bureau de jour. Bien que soumis également à de fortes rationalisations techniques, ceux-ci rencontrent rarement les « 4 × 8 » dans l’espace de l’usine, éclaté entre ateliers, équipes, ou fonctions. La rationalisation industrielle contribue donc à la fois à définir des groupes distincts et à homogénéiser une population ouvrière variée.

De l’Algérie à l’atelier, une camaraderie de génération

Pour répondre aux importants besoins de main d’œuvre dans les ateliers en 4 × 8, Rhodia propose des salaires nettement plus élevés que la moyenne de la région :

« [Les 4 × 8] gagnaient une fois et demi, ou deux fois, ce que gagnait un ouvrier. Selon les mois, on avait la prime de 18 % encore tous les six mois, qui nous faisait presque un treizième mois tous les six mois. Comparé aux salaires de Besançon qui étaient vraiment bas, c’est sûr que beaucoup de gars lâchaient leur boulot pour venir là[19]»

Ce niveau de salaire a forgé une image de « trop payés[20] » qu’une partie de la population régionale renvoie aux ouvriers durant la grève de 1967, notamment lorsqu’ils commettent l’erreur d’organiser une manifestation en voiture qui met en valeur leur niveau de vie[21]. Pourtant, malgré ces salaires, beaucoup d’embauchés quittent l’entreprise après un séjour souvent très bref : « Il y avait parfois quatre-vingt entrées et sorties par mois, dans les années 1960 à 1970. Vous en aviez qui venaient, ils enfilaient la cotte, ils montaient en filature, et le lendemain, ils ne revenaient pas[22]. » Même quand il est estimé à des niveaux moindres[23], ce turn-over indique la puissance des forces symétriques d’attraction et de répulsion exercées par la Rhodia. Aussi les modalités de recrutement sont-elles sommaires, l’expérience de l’atelier effectuant le tri décisif : « Une période d’essai de 96 heures, et embauché directos ». La Rhodia emploie des salariés issus de tous les milieux de la région. C’est le cas, dès les débuts de l’usine, d’artisans qui apportent avec eux « une façon de travailler intéressante », aux dires d’un cadre. Viennent également des ouvriers quittant d’autres établissements et disposant par exemple d’un métier acquis dans l’horlogerie, le bâtiment ou la métallurgie. L’horaire posté permet à certains d’effectuer un travail d’appoint. Enfin, le fort exode rural[24] pousse beaucoup de fils de paysans vers les 4 × 8 de la Rhodia. Habitués aux horaires sans fin et élevés dans la pauvreté, l’usine leur apporte l’aisance et la sûreté des revenus. Elle autorise la poursuite d’une activité agricole redéfinie. Appartenant donc aux milieux les plus divers — peu d’étrangers, cependant —, les ouvriers des 4 × 8 de la Rhodia ont toutefois la jeunesse en commun (86 % des salariés de 1962 ont moins de 40 ans)[25]:

« Il y a suffisamment de candidats, et on recrute des gens jeunes, capables de travailler jour et nuit. […] Rhodia, c’est impersonnel. Bonne santé, bonne vue, bonnes oreilles, bonne digestion, c’est un recrutement physique. Les tests psycholo­giques, c’est après, un peu pour classer les gens suivant leur aptitude[26]. »

La jeunesse des salariés traduit aussi le caractère récent de la plupart des emplois dans l’usine. Elle les incite à voir surtout les avantages du système : « C’est pas un problème de travailler quand on est jeune […] et costaud. S’il y a une bonne ambiance, des copains, il n’y a pas de souci question boulot. On fait les 4 × 8, on s’adapte, on travaille la nuit, on dort le jour[27]. » Ce n’est que progressivement que les inconvénients font surface, tel le relatif déclassement professionnel pour une partie des ouvriers spécialisés (OS) en 4 × 8, ou la fatigue qui conduit certains à souhaiter passer temporairement de jour pour se rétablir. Surtout, la vie de famille incitera progressivement certains «4 × 8 » à reconsidérer le tribut qu’ils paient au travail. Mais avant ce retournement, conscients qu’ils jouissent d’une relative aisance et qu’ils pourraient trouver un autre emploi, ils affichent un air de liberté paradoxale qui favorise l’action revendicative :

« Les gars n’étaient pas trop serrés [financièrement]. Il faut le dire aussi, nous les jeunes, on s’en fichait de perdre une demi-journée ou une journée. On était mariés ou pas, l’épouse bossait à cette époque-là, c’est vrai qu’on n’était pas serrés comme les gars qui sont OS maintenant. […] A l’usine, on débraye sans arrêt parce qu’on est jeune. Les gars ont du boulot, ils s’en foutent, s’ils sont mis à la porte ils en trouveront ailleurs. Ils bossent même à côté, et ils n’ont pas peur de perdre une heure et de dire : « Vous nous faites ch… « [28]. »

La spécificité de cette génération ouvrière[29]  ne se limite pas au fait démogra­phique, elle doit être rattachée à l’épreuve de la guerre d’Algérie que beaucoup ont partagée, et qui donne les traits d’une solidarité singulière.

« C’était une tranche d’âge jeune, donc assez spontanée. Et qui, pour la presque totalité, pour ceux qui avaient entre vingt et vingt-cinq ans, et même plus, avait fait un séjour en Algérie. Avec l’Algérie, le rapport, c’est, qu’on le veuille ou pas, au boulot : « Tu as été en Algérie ? — Oui. — Et toi, non ? Tu es un planqué. » Mais comme la grande majorité avait fait l’Algérie, ils se retrouvaient : « Où c’est que tu étais, dans quel coin, dans quelle arme ? » Il y a eu presque des clans. […] On sentait qu’il y avait derrière, dans l’ancien d’Algérie, un élément apte à continuer la bagarre, mais sur un autre terrain[30]. »

Par sa force, l’expérience algérienne s’introduit dans la vision de l’usine : le terme « patrouiller » est utilisé pour désigner la surveillance des machines ou des ouvriers ; des images assimilant l’usine à une caserne et l’absurdité du travail au décervelage militaire émergent[31]… Le souvenir d’avoir, à l’armée, mis à l’épreuve la légitimité des actes et des ordres facilite la remise en cause des travers de l’usine :

« La guerre d’Algérie, cela a ouvert les yeux aux mecs, précise G. Maurivard. Quand même, cela leur a fait voir un peu autre chose. Souvent le bordel, mais enfin. Cela les avait quand même fait bouger. Je ne pense pas que le service militaire était le même en Algérie que sur le continent. […] Ils deviennent des hommes dans des conditions pas faciles. Qu’on vienne les emmerder au boulot, il y a des réactions de jeunes qui disent : « On ne va pas encore vivre une vie comme ça ». Et c’est comme ça que beaucoup de jeunes prennent conscience et militent pendant et après la grève. […] [Au départ] ce n’était pas une classe ouvrière…, les gars venaient pour gagner leur vie, c’étaient des bosseurs, ils gagnaient leur vie. Mais il ne fallait pas les emmerder comme ça après ce qu’ils avaient vécu dans leur vie, la guerre d’Algérie et tout. »

L’expérience militaire légitime la critique de la hiérarchie des ateliers. C’est le cas lorsque certains petits gradés, des adjudants par exemple, se voient promus au rang de chef dans l’usine tandis que « le copain que j’avais, il était lieutenant en Algérie, et on le met sur machine. C’est un type qui était intelligent et tout, on aurait pu en faire un chef. Non. Il était trop malin : sur machine[32]. » Ainsi, une disposition collective se forme au sein de ces ouvriers qui travaillent en 4 × 8 et constituent le cœur même du corps ouvrier de l’usine. Pour eux, la mémoire d’Algérie travaille au gré de l’expérience quotidienne et contribue à souder des comportements de contestation et de camaraderie aux contours singuliers.

Engament en recomposition

À la camaraderie de ces jeunes ouvriers formant le cœur social de l’usine correspond une vague d’engagement qui transforme le syndicalisme.

Dans la CFTC-CFDT et la CGT apparaissent, au début des années 1960, de nouveaux militants syndicaux qui prennent le dessus dans ces organisations et leur donnent une tonalité particulière. En quelques années, une vague de jeunes nés à la fin des années 1930 et embauchés au sortir de l’armée afflue dans les deux principaux syndicats. Il s’en dégage des « militants décidés à ruer dans les bran­cards[33]». En période de rapide expansion des effectifs et de la représentation, cette nouvelle génération est immédiatement associée aux responsabilités par les plus anciens, puis elle prend le leadership dans chacune des deux organisations. Elle introduit un changement de style qui distingue en quelques années les syndica­listes de Besançon de leurs camarades des autres usines de la Rhodia :

« Nous voulions une position de force, du « rentre-dedans » vis-à-vis du patronat, alors que les autres [les syndicalistes de Lyon] savent que la conclusion sera la négo­ciation. […] L’espèce de tango qu’on fait dans les réunions, un pas en avant, un pas sur le côté, un pas en arrière, c’était pas notre danse. Nous, c’était la marche[34]. »

À la différence d’âge s’ajoute une spécificité professionnelle. Ainsi, à la CGT, le noyau constitutif de la section s’organisait autour des ouvriers professionnels (OP) de l’entretien mécanique, des gens de métier exerçant des emplois qui leur corres­pondent. Dans les deux syndicats, la nouvelle vague de militants est composée d’ouvriers spécialisés (OS) en 4 × 8 dont une bonne partie dispose d’un diplôme professionnel d’un niveau remarquable, mais qui ne correspond pas à leur activité et n’est pas reconnu : l’un de ces OS a reçu une formation de modeleur sur bois, un autre sort de l’École nationale d’horlogerie ; plus rare, un autre encore a suivi des études secondaires classiques[35]… Les salariés qui ont travaillé dans les domaines de l’artisanat ou de l’agriculture vivent quant à eux une perte d’identi­fication sociale et professionnelle. Ces déclassements et dépossessions prennent progressivement le pas sur le haut niveau des salaires et accentuent le rejet du caractère répétitif, cadencé et abrutissant du travail d’OS. Ils incitent à contester l’ordre établi de l’usine, comme l’annonce en 1960 un mensuel syndical évoquant les premières années de l’usine : « Cinq années pendant lesquelles patiemment et avec amour, la direction avait construit son petit État. La belle, la bonne usine que c’était. Qu’il y faisait bon. Tout y était au point, quadrillé, structuré, organisé ; en un mot, tout était EN ORDRE[36]. » L’auteur en appelle ensuite à une nouvelle époque d’action et de « fraternité de combat ».

La nouvelle génération des militants de la Rhodia déploie une grande énergie militante, foisonnante en tracts et bulletins, formations et réunions, qui hisse en quelques années le taux de syndicalisation à près du tiers des salariés, voire plus dans des ateliers en 4 × 8. Ce mouvement accentue l’« embellie du syndica­lisme[37]» et place la Rhodia au niveau des entreprises à forte tradition syndicale. Il en va autrement parmi les salariés travaillant en journée et au sein du groupe des ouvrières en 2 × 8, en général moins syndiquées[38]. Dans cette syndicalisation, le prosélytisme de proximité pèse lourd, comme en témoigne un fils de petit paysan, entré en 1964 à la Rhodia, à l’âge de 20 ans : « J’étais attiré bien plus par les délégués que par l’esprit revendicatif. Les bonshommes qui se battaient comme ça, je les admirais, j’étais content de les voir, je les voyais discuter avec les chefs, j’étais jeune[39]. »

Entre les deux organisations, la répartition des adhésions suit pour partie les références héritées : selon les témoignages, la CFDT recrute plus facilement parmi les ouvriers d’origine rurale tandis que la CGT s’appuie davantage sur les ouvriers de culture industrielle. Mais le poids de ces repères est tout relatif, et la présence d’un militant dynamique dans un atelier donne la majorité à son organisation. En termes de programmes revendicatifs ou de stratégies d’action, les distinctions sont brouillées par le rapprochement des deux confédérations, illustré par l’accord national de 1966[40]. Dans l’usine de Besançon, depuis déjà plusieurs années, l’unité d’action se renouvelle à chaque conflit, au-delà de divergences promptes à surgir mais qui restent mesurées. En même temps, les deux organisations se livrent à une concur­rence militante au cours de laquelle la CFDT veille à n’avoir rien à envier à la CGT — ni au PCF — dans la radicalité de ses initiatives et de ses discours[41]. Au fil des années 1960, elle demeure majoritaire en audience et recueille plus de la moitié des suffrages ouvriers aux élections du comité d’entreprise (CE), contre un peu plus d’un tiers pour la CGT et le reste pour FO[42]. Une telle prépondérance distingue le site de Besançon des autres usines Rhodia, où la CGT domine.

Pourtant, c’est par la CGT qu’une forme d’engagement au développement original, l’action culturelle, entre dans l’usine. Parmi les œuvres sociales du comité d’entreprise, somme toute classiques (logements, colonies de vacances, sports, restaurant…[43]), la commission « Bibliothèque » est prise en mains par Pol Cèbe en 1960, un cégétiste ayant participé quelques années plus tôt, à l’association Peuple et culture[44]. Tandis qu’il impulse le CCPPO avec un couple d’enseignants chrétiens, il transforme la bibliothèque de l’usine pour aider les ouvriers à s’ap­proprier la culture. Sur ses conseils, nombre d’entre eux s’initient à la lecture ainsi qu’aux spectacles, certains s’engagent même dans une pratique théâtrale ou ciné­matographique.

Une dynamique d’apprentissage du conflit

Au-delà du rayonnement des nouveaux militants, la jeune génération ouvrière s’engage dans une dynamique d’apprentissage du conflit social. Après l’ouverture de l’usine en 1956, cinq ans s’écoulent avant qu’apparaissent les premiers indices de contestation. Alors qu’en 1959, les sites de Lyon et de Roussillon sont touchés par des conflits, Besançon reste calme[45]. L’usine connaît son premier arrêt de travail à la fin de l’année 1961, suivi par la quasi-totalité des ouvriers et des ouvrières[46]. On trouve ensuite peu de traces de mouvements, dont les revendi­cations concernent principalement les salaires. A partir de 1964, l’action revendi­cative prend une autre dimension. Au mois de juin, la direction établit un lock-out partiel de l’usine après une journée de grève, prétextant la nécessité de nettoyer les installations pour échelonner les réembauches. Le conflit avec piquet de grève dure alors dix jours, exigeant la reprise simultanée de tout le personnel. L’action sort de l’usine : des tracts sont distribués aux étudiants[47] et une intervention a lieu durant une étape du Tour de France, au cours de laquelle des militants sont frappés par des policiers[48]. Dans ce conflit, comme lors du suivant qui conteste le même type de lock-out en février 1966 et dure huit jours, les ouvriers des 4 x 8 sont mobilisés à plus de 90 % et la direction recule. Ainsi s’ouvre l’époque des grèves longues et massives, parallèles aux journées nationales d’action, largement suivies.

À partir de 1965 apparaissent des grèves portant spécifiquement sur les condi­tions de travail, un thème jusque-là cantonné aux discours syndicaux[49]. C’est d’ailleurs la lutte contre l’augmentation des cadences, prônée par les syndicats des textiles artificiels du Sud-Est, qui déclenche la grève de février 1966. Elle s’exprime par un slogan phare : « Des hommes, pas des robots. » Parallèlement, l’ordre hiérarchique est visé. Au cours de la grève de 1967, une effigie du directeur de Besançon est pendue dans la cour où se tiennent les assemblées de grévistes. Le geste témoigne d’une hostilité particulière vis-à-vis de ce responsable ainsi que du directeur du personnel, un ancien colonel. Il répond à quelques licenciements de délégués du personnel contre lesquels des actions de protestation unies sont restées vaines, jusqu’à ce qu’en 1965, la CFDT décide de faire un cas de jurisprudence du licenciement d’un de ses ténors, Jean Abisse. Elle obtient une victoire de principe trois ans plus tard, après une cascade de procès. À cette lutte contre la répres­sion antisyndicale s’ajoute celle qui combat l’autoritarisme. Elle mobilise tous les ouvriers en butte aux pressions des chefs, à leur « arbitraire » ou à leurs « brimades », selon les mots fréquemment repris dans les documents syndicaux. Plusieurs arrêts de travail, à l’initiative des ouvriers ou facilement suivis par eux, répliquent à l’attitude des chefs en question. Ainsi, en quelques années, la géné­ration combative des années 1960 en vient à formuler collectivement[50]ce qui donnait déjà lieu à d’irrépressibles secousses portées au système usinier :

« Chaque travailleur devenait une cocotte-minute. Chaque travailleur devenait une cocotte-minute. II y avait une telle pression qui s’accumulait que quand on disait « bon, ben les gars, ils nous font chier, ça suffit, on arrête à telle heure », on n’avait pas besoin de faire des discours idéologiques ni rien. On sentait. […] Ça devenait un besoin physique, la grève. C’est à un moment donné un besoin nécessaire. Qui leur permet de se défouler. C’est comme ça que la réputation de grève multipliée, répétée et tout, a très vite collé à la peau de la Rhodia. […] Il n’y avait que dans les grèves qu’on sentait que ça se libérait un peu[51]. »

De mars à mai, repenser les passerelles

La mobilisation remarquable de la Rhodiaceta de février-mars 1967 s’inscrit dans une histoire industrielle, sociale et politique marquée par la modernisation des usines et les recompositions générationnelles. Pour la vague de jeunes ouvriers qui gagne massivement l’usine, et pour qui l’expérience militaire en Algérie remplace en partie l’héritage ouvrier d’une ou de plusieurs générations, la forma­tion de réseaux syndicaux donne corps à une propension contestataire qui se concrétise dans la série de conflits des années 1960.

Quelles passerelles, alors, avec Mai-Juin 68 ? Événement exceptionnel, la Grande grève est pour ses acteurs un point d’orgue et une prémisse. Certes, les conflits des années 1960 préparent la mobilisation massive qui touche en Mai la Rhodia de Besançon : la grève générale du 13 mai y est suivie à 100 % et l’usine, abandonnée par la direction, est occupée du 17 mai au 8 juin[52]. Les entretiens montrent que la jeune génération militante de Rhodia essaime hors de ce site, initie la grève dans diverses autres usines de la ville et des alentours, et y favorise l’implantation d’organisations syndicales. Les destinées biographiques de certains syndicalistes montrent qu’après la grève de 1967, plusieurs d’entre eux prennent des responsabilités de plus grande envergure et approfondissent l’aspect politique de leur engagement, tandis que d’autres prennent la voie de la contestation culturelle au travers de l’aventure Medvedkine[53]. Dans l’entreprise, une nouvelle direction adoucit les conditions de travail, les relations sociales et l’exercice du commandement.

A l’inverse, d’autres éléments montrent une coupure entre les deux moments. Tout d’abord, la Rhodia vit un nouveau mois de mobilisations entre décembre 1967 et janvier 1968, face à une direction qui diminue les primes, réintroduit le chômage partiel et licencie près de cent grévistes, principalement à Lyon[54]. En vain : les acquis de mars 1967 passent à la trappe. La mobilisation de Mai-Juin 68 est également très différente de celle de mars. Si elle suscite une forte implication des personnes rencontrées, elle s’impose à eux, en quelque sorte, tandis que mars 1967 était initié par eux. Alors que le cœur de la grève résidait dans l’enceinte de l’usine en mars 1967, en Mai 1968, l’usine, bien qu’étant officiellement occupée, reste vide, excepté les jours de grands meetings. Si une partie des ouvriers restent chez eux, des militants sont dans d’autres usines ou, pour quelques-uns, à la fac. La ville a remplacé l’usine, la mobilisation sociale et politique a transformé explici­tement le combat ouvrier. Dans cette extension des enjeux et des problématiques, l’unité militante de la grève d’usine et la convergence sociale qu’elle suscitait fait place à des positions contrastées entre militants syndicaux et politiques. Les rela­tions entre ouvriers et étudiants se compliquent, ainsi que les articulations entre les domaines sociaux, politiques et culturels de l’engagement.

Si, sur certains points, mars 1967 constitue une étape vers un futur dont Mai 68 fait partie, cet événement a sa logique propre ; il est un autre moment qui contribue à recomposer la période. Ce n’est pas l’après-midi du Grand Soir.

[1] Nous nous appuyons essentiellement sur des archives déposées par les centrales syndicales aux Archives départementales (CAD) de Bobigny et de Besançon, sur quelques archives privées, et sur des entretiens menés avec d’anciens militants de 1967 (syndicalistes ouvriers et personnels de la Rhodia, responsables locaux, étudiants). De ce fait, le texte laisse de côté le point de vue direct des acteurs non engagés dans le conflit. Qu’il nous soit permis de remercier ici nos interlocuteurs, et en particulier Georges Maurivard pour son aide.

[2] Robert Franck, “Introduction”, in Geneviève Dreyfus-Armand et alii (dir.), Les années 1968. Le temps de la contestation, Bruxelles, Complexe, 2000, p. 14 ; Boris Gobille, Crise politique et incertitude : régimes de problématisation et logiques de mobilisation des écrivains de Mai 68, Doctorat de sciences sociales, EHESS, 2003, p. 45-127.

[3] Nous déplaçons donc le curseur par rapport à Jacques Capdevielle et René Mouriaux, Mai 68, ou l’entre-deux de la modernité, histoire de trente ans, Paris, Presses de la FNSP, 1988.

[4] Union Rhodia, bulletin du syndicat CGT de Rhodiaceta Besançon, n°3, mars-avril 1967, BNF.

[5] De 1 533 salariés en 1960, l’effectif double rapidement pour atteindre 3 274 en 1966. Comité d’établissement, Rhône-Poulenc Textile Besançon, 1978, 23 p. Archives privées, Roland Jeannerey.

[6] La Croix, 1er mars 1967

[7] Certains ateliers de l’usine tournent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et emploient le personnel en quatre équipes. Chaque jour, trois équipes se relaient, tandis qu’une quatrième est au repos.

[8] Note manuscrite d’un syndicaliste CFDT, AD Besançon, 85J50.

[9] AD Bobigny, 43J44.

[10] Conseil syndical Rhodia, 29 mars 1967, note manuscrite d’un syndicaliste CFDT, AD Besançon, 85J50.

[11] Livre d’or : Grève à la Rhodiaceta de 1967, document réalisé par Pol Cèbe, 1969, Musée du temps, Besançon.

[12] Cf. l’article de Bruno Muel et Francine Muel-Dreyfus dans cet ouvrage ; pour un livre témoignage, cf. Micheline Berthoud, « La véridique et fabuleuse histoire d’un étrange groupuscule : le CCPPO », Les cahiers des amis de la maison du peuple, n°5, mars 2003.

[13] Cf. « Usine textile Besançon », Rhodiaceta, n°4, 1963, 46 p., Archives Georges Maurivard.

[14] Lucien Castella, entretien, février 2007.

[15] Rhodiaceta, bulletin d’information des cadres, n°5, mars 1963, BNF

[16] Pierre Grandperrin, entretien, décembre 2006

[17] Nicole Mader, employée de bureau qui distribuait la paye, précise : « Des ateliers où il faisait très, très chaud. Moi, ça m’horrifiait. Ils prenaient l’été des cachets de sel pour pas se déshydrater tellement il faisait chaud […]. On mouillait la chemise rien que d’y passer, alors eux ils travaillaient là-bas. Puis alors, les étirages et les filatures, c’était un bruit pas possible » (entretien, février 2007). Personne ne prêtait attention aux effets de fibres en suspension sur les fonctions pulmonaires, selon Roland Jeannerey (entretien, février 2007).

[18] Georges Maurivard, entretien, décembre 2006.

[19] Georges Maurivard, entretien, décembre 2006.

[20] Commission exécutive du 1er mars 1967, UL CFDT, AD Besançon, 43J20.

[21] Réunion ACO, 22 mars 1967, notes manuscrites d’un militant CFDT, AD Besançon, 85J50.

[22] Lucien Castella, entretien, février 2007.

[23] Le Comtois du 9 juillet 1964 avance que plus de trois cents personnes ont quitté l’usine en 1963.

[24] Annie Moulin, Les paysans dans la société française, Paris, Le Seuil, 1986, p. 196-210.

[25] Comité d’établissement, Rhône-Poulenc Textile Besançon…, op. cit.

[26] Georges Lièvremont, entretien, décembre 2006.

[27] Michel Parisot, entretien, février 2007.

[28] Georges Maurivard, entretien, décembre 2006.

[29] Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française, Paris, Le Seuil, 1986, p. 196-210.

[30] Lucien Castella, entretien février 2007.

[31] Georges Lièvremont, entretien, décembre 2006.

[32] Ibid.

[33] Union Rhodia, n°1, novembre 1966, AD Besançon, 95J190

[34] Georges Lièvremont, entretien, décembre 2006.

[35] Sur le rôle prépondérant des ouvriers diplômés déclassés en Mai 68, cf. Antoine Prost, « Les grèves de mai-juin 1968 », in Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXe siècle, Paris, Le Seuil, 2006, p. 233-258 ; et Bernard Pudal et Jean-Noël Retière, dans cet ouvrage (« Les grèves ouvrières de 68).

[36] Tous ou personne, mensuel du syndicat CGT-Rhodiaceta-Besançon, octobre 1960, n°1, AD Besançon, 95J190.

[37] Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Histoire des syndicats (1906-2006), Paris, Le Seuil, 2006, p. 296.

[38] Ici, comme ailleurs, il est difficile de saisir la place réelle des militantes au sein de leur syndicat, cf. Michelle Zancarini-Fournel, « Genre et politique : mes années 1968 », Vingtième siècle, n°75, 2002, p. 133-143.

[39] Michel Parisot, entretien, février 2007.

[40] Cet accord définit six objectifs communs de lutte (salaire, protection sociale, emploi, etc.). Cf. René Mouriaux, le syndicalisme en France depuis 1945, Paris, La Découverte, 1994, p. 65.

[41] Lucien Castella, entretien février 2007.

[42] Union Rhodia, n°10, 15 novembre, 1968.

[43] Union Rhodia, n°1, novembre 1966.

[44] Benigno Caceres, Joseph Rovan, Qu’est-ce que Peuple et culture ? Paris, PED, 1966.

[45] Échos Rhodia, Tract CGT, mars-avril 1959, AD Besançon, 953190.

[46] L’Est républicain, 7 novembre 1961.

[47] « Camarade étudiant », Tract CGT/CFTC, 30 juin 1964, AD Besançon, 95_1190.

[48] Lucien Castella, entretien février 2007.

[49] « Respect de la dignité des travailleurs », Tract syndical CGT (Pol Cébe), AD Besançon, 953190.

[50] Edward p. Thompson, La formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Hautes Études/Gallimard/Le Seuil, 1988.

[51] Lucien Castella, entretien février 2007.

[52] Union Rhodia, n° 7, juin-juillet 19G7, BNF, 34514330.

[53] Sur cet aspect, cf. le chapitre écrit dans ce livre par Bruno Muet et Francine Muel-Dreyfus, p. X.

[54] AD Bobigny, 43J44.