Anthropocène, Capitalocène, Plantationocène, Chthulucène – Donna Haraway

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Texte de la brochure :

Il ne fait aucun doute que les processus anthropogéniques ont eu des effets planétaires, en inter/intra-actions avec d’autres processus et espèces, depuis qu’il est possible d’identifier comme telle notre espèce (une dizaine de milliers d’années) ; et l’impact de l’agriculture (apparue il y a quelques milliers d’années) fut considérable[1]. Or depuis le début, les plus grands terraformeurs (et réformateurs) de planètes ont été et sont toujours les bactéries et leurs proches, également en inter/intra-actions avec une myriade d’autres catégories d’êtres (y compris les peuples humains avec leurs pratiques, que celles-ci soient technologiques ou autres[2]. Comme beaucoup d’autres événements historiques révolutionnaires de nature écologique, l’envergure de la dispersion des graines de plantes des millions d’années avant l’agriculture humaine fut un fait nouveau dans l’évolution de la planète.

C’est très tôt, et pleins d’énergie, que des peuples se sont joints à cette mêlée victorieuse, avant même qu’ils/que nous ne soyons ces bestioles plus tard nommées Homo sapiens. Mais je pense que les questions au sujet des noms pertinents pour l’Anthropocène – ou le Plantationocène, ou encore le Capitalocène – ont à voir avec l’échelle, le taux / la vitesse, la synchronicité et la complexité des phénomènes. Lors de l’examen des phénomènes systémiques, la question récurrente doit être : quand est-ce que les changements de degré deviennent des changements de nature (kind), et quels sont les effets bioculturels, biotechniques, et biopolitiques des personnes historiquement situées (c’est-à-dire non réductibles à l’Homme) relativement aux (et combiné avec les) effets d’autres assemblages d’espèces et d’autres forces biotiques / abiotiques ? Aucune espèce – même pas la nôtre qui, arrogante, prétend produire de bons individus répondant au supposé script des modernes occidentaux – n’agit seule ; ce sont les assemblages d’espèces organiques et d’acteurs abiotiques qui font l’histoire, celle de l’évolution comme les autres.

Existe-t-il cependant quelque point d’inflexion prêtant suffisamment à conséquence pour changer le nom du « jeu » de la vie sur Terre pour tout le monde et tous les êtres ? C’est plus que le changement climatique ; c’est aussi le poids accablant de la chimie toxique, l’exploitation minière, l’épuisement des lacs et des rivières sous le sol et au-dessus, la simplification de l’écosystème, les immenses génocides de peuples humains et d’autres créatures, etc., etc., tout cela pris dans des dispositifs systémiquement reliés qui menacent chaque système d’effondrement général faisant suite à un effondrement général après quelque effondrement général. La récursivité peut être très fâcheuse.

Dans un récent article intitulé « Biologies féroces (feral) », Anna Tsing suggère que le point d’inflexion entre l’Holocène et l’Anthropocène pourrait être l’éradication de la plupart des refuges à partir desquels les assemblages d’espèces diverses (avec ou sans personnes humaines) peuvent se reconstituer après des événements majeurs (comme la désertification, ou la coupe à blanc, ou, ou, …)[3]. Ceci est compatible avec les arguments de Jason Moore, le coordonnateur du World-Ecology Research Network, qui soutient que le temps de la nature « pas chère » (cheap) a pris fin. Avilir (cheapening) la nature, ça ne peut plus marcher plus longtemps pour entretenir l’extraction et la production du monde contemporain, parce que la plupart des réserves de la Terre ont été drainées, brûlées, appauvries, empoisonnées, exterminées, autrement dit épuisées d’une manière ou d’une autre[4]. D’immenses investissements financiers et des technologies extrêmement créatives-et-destructrices peuvent repousser l’échéance, mais la nature pas chère, c’est vraiment terminé. Anna Tsing soutient que l’Holocène fût la longue période où les refuges environnementaux, les lieux de refuge en général, existaient encore, et même proliféraient, afin de soutenir le renouvellement du monde dans sa riche diversité culturelle et biologique. Peut-être que l’outrage méritant un nom comme Anthropocène est la destruction des lieux et des temps de refuge pour les peuples humains et autres créatures. Je pense avec d’autres que l’Anthropocène est plus un événement-limite qu’une époque, un peu comme la limite K-Pg entre le Crétacé et le Paléogène[5]. L’Anthropocène est la marque de discontinuités sévères ; ce qui vient après ne sera pas comme ce qui a précédé. Je pense que notre travail est de faire que l’Anthropocène soit aussi court / mince que possible et de cultiver, les uns avec les autres et dans tous les sens imaginables, des époques à venir capables de reconstituer des refuges.

À l’heure actuelle, la Terre est pleine de réfugiés, humains ou pas, sans refuge.

Donc, je pense que trouver un grand nouveau nom, en fait plus d’un, se justifie – comme Anthropocène, Plantationocène[6], et Capitalocène (un terme d’Andreas Malm et de Jason Moore avant d’être aussi le mien)[7]. J’insiste aussi sur le fait que nous avons besoin d’un nom bon pour les forces et pouvoirs sym-chthoniens des dynamismes en cours dont les peuples humains font partie. Peut-être, mais seulement peut-être, et seulement sous condition d’un intense engagement, d’un travail collaboratif et de jeux avec d’autres Habitants de la Terre, l’épanouissement de riches assemblages multispécifiques incluant les personnes humaines sera possible. Passé, présent, et à venir, j’appelle tout cela le Chthulucène[8]. Les espaces-temps réels et possibles du Chthulucène ne se réfèrent pas au monstre misogyne et raciste de l’écrivain de SF H.P. Lovecraft nommé Cthulhu (notez la différence d’orthographe), mais plutôt aux pouvoirs divers de la Terre à l’échelle tentaculaire, à ses forces comme aux choses rassemblées sous les noms de Naga, Gaïa, Tangaroa (surgie d’un Papa Plein-d’Eau éclaté), Terra, Haniyasu-hime, Spider Woman, Pachamama, Oya, Gorgo, Raven, A’akuluujjusi, et beaucoup d’autres. « Mon » Chthulucène, même encombré de termes Grecs, enchevêtre une myriade de temporalités et de spatialités, d’entités-en-assemblages intra-actives – incluant le plus-qu’humain, l’autre-qu’humain, l’inhumain, et l’humain-comme-humus. Même restitués dans un texte américain de langue anglaise-américaine comme celui-ci, Naga, Gaïa, Tangaroa, Méduse, Spider Woman, et tous leurs proches (kin) sont quelques-unes des plusieurs milliers de noms propres à une veine de SF que Lovecraft ne pouvait pas même imaginer – à savoir, les nappes de fabulation spéculative, le féminisme spéculatif, la science-fiction, et la factualité scientifique[9]. Quelles histoires racontent des histoires, quels concepts pensent les concepts, voilà qui importe. Quelles figures figurent les figures, quels systèmes systématisent les systèmes – mathématiquement, visuellement, et narrativement – c’est cela qui est important.

Tous ces milliers de noms sont trop grands et trop petits ; toutes les histoires sont trop grandes et trop petites. Comme Jim Clifford me l’a appris, nous avons besoin d’histoires (et de théories) qui sont juste assez grandes pour accueillir les complexités et maintenir – avides de surprises – les frontières ouvertes pour de nouvelles ou d’anciennes connections[10]. En tant que créatures mortelles, une façon de bien vivre et de bien mourir dans le Chthulucène consiste à unir ses forces pour reconstituer les refuges, pour rendre possible un rétablissement partiel et robuste, une recomposition biologico-politico-technologico-culturelle apte à inclure le deuil des pertes irréversibles. Thom van Dooren et Vinciane Despret m’ont appris cela[11]. Il y a tellement de pertes déjà, et il y en aura beaucoup plus. Le renouvellement d’un épanouissement générateur ne peut pas se développer à partir des mythes d’immortalité ou de l’échec du devenir-avec les morts et ce qui s’est éteint. Il y a beaucoup de travail pour le Porte-parole des Morts d’Orson Scott Card[12]. Et encore plus pour la création de mondes qu’Ursula LeGuin relate dans La vallée de l’éternel retour.

Je suis une compost-iste, pas une posthuman-iste : nous sommes tous du compost, pas des posthumains. Cette limite qu’est l’Anthropocène/Capitalocène signifie plusieurs choses, y compris qu’une destruction immense et irréversible est réellement en cours, pas seulement pour les 11 milliards d’individus environ qui seront sur Terre vers la fin du XXIe siècle, mais aussi pour les myriades d’autres créatures. (Le nombre incompréhensible, mais très sérieux, de l’ordre de 11 milliards n’est tenable que si les taux de natalité des bébés humains restent faibles ; s’ils augmentent à nouveau, tous les paris sont ouverts). La situation d’être au bord de l’extinction n’est pas seulement une métaphore ; l’effondrement systémique n’est pas un thriller – parlez-en à tout réfugié de toute espèce.

Le Chthulucène a besoin d’au moins un slogan (bien sûr, plus d’un) ; bien que toujours prête à crier « Cyborgs pour la Survie Terrestre », « Cours vite, Mords Fort », et « Tais-toi et Entraîne-Toi », je propose « Faites des Parents pas des Bébés ! » (Make Kin Not Babies!) Faire des parents / des proches (kin) est peut-être la partie la plus difficile et la plus urgente. Les féministes de notre temps ont été des leaders dans le décryptage de la supposée nécessité naturelle des liens entre le sexe et le genre, la race et le sexe, la race et la nation, la classe et la race, le sexe et la morphologie, le sexe et la reproduction, la reproduction et la composition des individus (nos dettes ici sont dues en particulier aux Mélanésiens, en alliance avec Marilyn Strathern et sa famille ethnographique)[13]. S’il doit y avoir une écojustice multispécifique, capable également d’englober diverses personnes humaines, il est grand temps pour les féministes d’exercer un leadership dans l’imagination, la théorie, et l’action afin de démêler les liens de la généalogie avec la parenté (kin), et de la parenté avec les espèces.

Les bactéries et les champignons abondent pour nous donner des métaphores ; mais, métaphores mises à part (bonne chance avec ça !), nous avons un travail de mammifère à faire, avec nos collaborateurs et co-travailleurs sym-poïétiques biotiques et abiotiques. Nous devons faire des parents/des proches sym-chthoniquement, sym-poétiquement. Qui ou quoi que nous soyons, nous devons faire-avec – devenir-avec, composer-avec – ceux qui sont liés à la Terre, les « earthbound » (merci pour ce terme de Bruno Latour-en-mode-anglophone)[14].

Nous, les humains partout dans le monde, nous devons répondre à des urgences systémiques considérables ; pourtant, jusqu’à présent, comme Kim Stanley Robinson l’a dit dans 2312, nous vivons l’époque de l’« Irrésolu », une époque « en cours de tramage » (une période qui, dans ce récit SF, s’étend de 2005 à 2060 – seulement ? trop optimiste ?), un « état d’agitation indécise[15] ». Peut-être que Tramage Irrésolu est un nom plus adéquat que celui d’Anthropocène ou de Capitalocène ! Le tramage sera écrit dans les strates rocheuses de la Terre, étant déjà écrit dans ses couches minéralisées. Les Sym-chthoniens ne tergiversent pas, eux ; ils composent et se décomposent, selon des pratiques à la fois dangereuses et prometteuses. Le moins que l’on puisse dire est que l’hégémonie humaine n’est pas une affaire sym-chthonienne. Comme le disent les artistes écosexuels Beth Stephens et Annie Sprinkle, le compostage est si hot !

Mon but est que « parents » signifie autre chose / plus que des entités liées par l’ascendance ou la généalogie. Le mouvement de défamiliarisation en douceur pourrait momentanément apparaître comme erroné, mais (avec de la chance) se révéler correct une fois considéré dans sa continuité. Faire-parenté est faire des personnes, pas nécessairement en tant qu’individus ou en tant qu’humains. Étudiante, je fus émue par le calembour de Shakespeare sur kin et kind, parents et type – les plus gentils (kindest) n’étant pas nécessairement du nombre de la famille proche. Faire des parents et faire un type – comme catégorie, soin, parents sans liens de naissance, parents latéraux, et beaucoup d’autres échos encore – étire l’imagination et peut changer notre vision des choses. Marilyn Strathern m’a appris que les parents, en anglais britannique, étaient à l’origine des « relations logiques » et ne sont devenus des « membres de la famille » qu’au XVIIe siècle – voilà qui est à porter au registre des quasi-faits que j’aime[16]. Sortez de l’anglais, et le sauvage foisonne.

Je pense que l’élargissement et la recomposition de la parenté est autorisée par le fait que tous les Terriens sont parents proches, dans le sens le plus profond, et il est grand temps de pratiquer de meilleurs soins aux genres-par-assemblages (car une espèce n’est jamais seule). Parenté est une sorte de mot qui engage une notion d’assemblage. Toutes les créatures et autres bestioles partagent une « chair » commune, latéralement, sémiotiquement, et généalogiquement. Les ancêtres se révèlent être des étrangers très intéressants ; et les proches des êtres non-familiers (éloignés de ce que nous pensions être la famille ou les personnes humaines), étrangement inquiétants, qui nous hantent, et agissent toujours en nous[17].

Tout cela est trop pour un slogan minuscule, je le sais ! Pourtant, essayez. D’ici deux cents ans peut-être, les peuples humains de cette planète pourront n’être à nouveau que deux ou trois milliards environ, et participer – en tant que moyens, et pas seulement en tant que fins – à l’amélioration du bien-être de différents êtres humains ainsi que d’autres créatures.

Alors, faites des parents, pas des bébés ! Comment les proches génèrent de la parenté, c’est cela qui importe.

*

Addendum : Mon expérience est que ceux que je chéris comme « notre peuple », à gauche (ou quel que soit le nom que nous pouvons toujours utiliser sans apoplexie), entendent néo-impérialisme, néo-libéralisme, misogynie et racisme – qui peut les en blâmer – dans la partie « pas des bébés » de « Faites des parents, pas des bébés ». Nous imaginons que la partie « Faites des parents » est plus facile, et repose éthiquement et politiquement sur un terrain plus ferme. Pas vrai ! « Faites des parents » et « pas des bébés » sont tous les deux difficiles, exigeant notre meilleure créativité émotionnelle, intellectuelle, artistique, et politique, individuellement et collectivement, à travers les différences idéologiques et régionales (entre autres différences). Mon sentiment est que « notre peuple » peut être partiellement comparé à certains Chrétiens qui dénient les changements climatiques : les croyances et les engagements sont trop profonds pour permettre de re-penser et re-sentir. Pour notre peuple, revisiter ce qui a été approprié par la droite et par les professionnels du développement comme « explosion démographique » peut être ressenti comme aller vers le Côté Obscur.

Mais le déni ne nous aidera en rien. Je sais que la « population » est une catégorie étatique, le genre d’« abstraction » et de « discours » qui refait la réalité pour tout le monde, mais pas pour le bénéfice de tous. Je pense aussi que des preuves de toutes sortes, épistémologiquement et affectivement comparables aux preuves variées attestant la rapidité du changement climatique rapide, montrent que 7 à 11 milliards d’êtres humains sur Terre provoqueraient des dommages pour les êtres humains et non-humains. Ce n’est pas une simple affaire de causalité ; l’écojustice ne peut saisir avec une seule variable les exterminations en cascade, les appauvrissements et les extinctions actuels sur la Terre. Mais blâmer le Capitalisme, l’Impérialisme, le Néolibéralisme, la Modernisation, ou quelque autre « pas nous » pour la destruction continuée ne fonctionnera pas non plus. Ces questions exigent un travail difficile et implacable, mais aussi la joie, le jeu, et la re(s)pons-abilité à coopérer avec ceux qu’on n’avait pas prévus. Toutes ces questions sont beaucoup trop importantes pour Terra pour les laisser à la droite, aux professionnels du développement, ou à qui que ce soit du monde des affaires et du business-as-usual. Telle est l’étrange parenté : non-nataliste et hors catégorie !

Nous devons trouver des façons de célébrer les taux de natalité faibles, et les décisions intimes, personnelles, pour faire des vies florissantes et généreuses sans faire plus de bébés – de façon urgente (mais pas seulement) pour les régions, nations, communautés, familles et classes sociales riches, fortement consommatrices, et exportatrices de misère. Nous devons encourager la population et d’autres politiques qui s’attaquent aux effrayantes questions démographiques par la prolifération de parenté autre-que-natale – ceci incluant l’immigration non raciste, les politiques de soutien social et environnemental pour les nouveaux arrivants de même que pour les « natifs ».

Je ne remets pas en cause le « droit » – personnel et inaliénable – à enfanter : contraindre ne marche à aucun niveau imaginable en la matière, et tend à se retourner dans tous les cas, même si l’on est apte à tolérer une loi coercitive ou une coutume (je ne le peux pas). D’un autre côté, et si la nouvelle norme devait devenir l’attente culturelle que chaque nouvel enfant ait au moins trois parents au long de sa vie (des parents pas nécessairement amants et qui ne donneraient pas naissance à de nouveaux bébés après ça, bien qu’ils puissent vivre dans des ménages multi-enfants et multi-générationnels) ? Et si de véritables pratiques d’adoption pour et par les personnes âgées devenaient courantes ? Si les pays qui sont préoccupés par les taux de natalité faible (Danemark, Allemagne, Japon, Russie, Amérique blanche, et d’autres) reconnaissaient que la peur des immigrants est un gros problème, et que les projets et les fantasmes de pureté raciale conduisent à la renaissance des politiques natalistes ? Et si les gens partout recherchaient des alternatives non-natalistes dans la parenté (kinnovations) dans les mondes queer, décoloniaux et indigènes, au lieu que les individus et les collectifs ne trouvent leurs modèles que dans les secteurs européens, euro-américains, chinois et indiens riches et extracteurs de richesse.

La politique nataliste, puissante sous toutes ses formes, devrait être remise en cause presque partout. Je garde le « presque » comme un rappel relatif aux conséquences des génocides et des déplacements de populations – un scandale toujours actuel. Le « presque » nous incite aussi à nous rappeler les stérilisations abusives, les moyens de contraception inappropriés et inutilisables, la réduction des femmes et des hommes à du chiffre dans les anciennes et nouvelles politiques de contrôle de la population, et d’autres pratiques misogynes, patriarcales, et éthnicistes/racistes intégrées dans le business as usual du monde entier[18].

Les uns et les autres, nous devons soutenir les prises de risques que ces temps difficiles exigent au sujet de toutes ces questions.

 

[1] Article originellement paru sous le titre « Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene : Making Kin » in Environmental Humanities, vol. 6, 2015, p. 159-165, et repris comme quatrième chapitre de Donna Haraway, Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene, Durham, Duke University Press, 2016.

[2] Intra-action est un concept de Karen Barad (Meeting the Universe Halfway. Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning, Durham, Duke University Press, 2007).

[3] Anna Tsing, « Feral Biologies », article pour Anthropological Visions of Sustainable Futures, University College London, février 2015.

[4] Jason Moore, Capitalism in the Web of Life, New York, Verso, 2015. Cf. https://jasonwmoore.wordpress.com

[5] Je dois à Scott Gilbert d’avoir fait remarquer, au cours de la conversation Ethnos et d’autres interactions à l’Université d’Aarhus en Octobre 2014, que l’Anthropocène (et le Plantationocène) devrait être considéré comme un événement-limite, telle la limite K-Pg, et pas comme une époque. Voir la note 6 ci-dessous.

[6] Dans une conversation enregistrée pour Ethnos (Université d’Aarhus, Octobre 2014), les participants ont généré collectivement le nom « Plantationocène » pour nommer la transformation dévastatrice de divers types de fermes humaines, des pâturages, et des forêts en plantations extractives et fermées, qui se fondent sur le travail des esclaves et d’autres formes de travail exploité, aliéné, et généralement spatialement déplacé. La conversation transcrite sera publiée sous le nom « Les anthropologues parlent de l’anthropocène » dans Ethnos. Voir le site AURA, http://anthropocene.au.dk

[7] Par le biais d’emails échangés fin 2014, Jason Moore et Alf Hornborg m’ont dit que Malm avait proposé « Capitalocène » dans un séminaire à Lund (Suède), en 2009, quand il était encore un étudiant. J’ai indépendamment fait usage du terme lors de lectures publiques depuis 2012. Moore a dirigé un livre sur ces questions : Anthropocene or Capitalocene? (PM Press/Kairos, 2016) avec des essais de Moore, moi-même, et Elmar Altvater. Nos réseaux de collaboration prennent de l’épaisseur.

[8] Le suffixe « -cène » prolifère ! Je m’aventure aussi dans cette surabondance parce que je suis sous l’emprise des significations profondes de -cène / kainos, à savoir l’épaisse temporalité, fibreuse et grumeleuse, ancienne et présente, du « maintenant ».

[9] Os Mil Nomes de Gaia / Les Mille Noms de Gaia est le colloque international génératif organisé par Eduardo Viveiros de Castro, Déborah Danowski, et leurs collaborateurs en septembre 2014 à Rio de Janeiro. En portugais et en anglais, la plupart des discussions du colloque peuvent être visionnées sur www.youtube.com/c/osmilnomesdegaia/videos. Ma contribution sur l’Anthropocène et le Chthulucène a été fait par Skype, et est disponible à www.youtube.com/watch?v=1x0oxUHOlA8

[10] James Clifford, Returns : Becoming Indigenous in the Twenty-first Century, Cambridge, Harvard University Press, 2013.

[11] Thom van Dooren, Flight Ways: Life and Loss at the Edge of Extinction, New York, Columbia University Press, 2014. Vinciane Despret, « Ceux qui insistent » in Faire Art comme on fait societé, sous la dir. de Didier Debaise et al. (Paris, Les presses du réel, 2013).

[12] Orson Scott Card, Speaker for the Dead, New York, Tor Books, 1986.

[13] Marilyn Strathern, The Gender of the Gift: Problems with Women and Problems with Society in Melanesia, Oakland, University of California Press, 1990.

[14] Bruno Latour, « Facing Gaïa: Six Lectures on the Political Theology of Nature » Gifford Lectures, 18-28, février 2013. Cf. désormais Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015.

[15] Kim Stanley Robinson, 2312, Londres, Orbit, 2012.

[16] Marilyn Strathern, « Shifting Relations », article pour le Emerging Worlds Workshop, Université de Californie à Santa Cruz, le 8 février 2013. Faire des parents est une pratique populaire houleuse, et de nouveaux noms apparaissent sans cesse. Voir Lizzie Skurnick (That Should Be a Word, New York, Workman Publishing, 2015) pour le mot kinnovator : une personne qui fait la famille d’une manière non-conventionnelle – à laquelle j’ajoute kinnovation. Skurnick propose également « clanarchist ». Ce ne sont pas que des mots, mais des indices des tremblements de terre dans les décisions de parenté, qui ne sont pas limitées aux dispositifs de la famille occidentale, hétéronormative ou non. Je pense que les bébés devraient être rares, nourris, et précieux ; et les proches abondants, inattendus, durables, et précieux.

[17] « Gens » est un autre mot, patriarcal par origine, avec lequel les féministes jouent. Cf. https://culanth.org/fieldsights/652-gens-a-%20feminist-manifesto-for-the-study-of-capitalism, par Laura Bear, Karen Ho, Anna Tsing, et Sylvia Yanagisako, qui s’adresse à ceux qui se réclament du marxisme ou à des théoriciens qui résistent au féminisme, et qui donc ne se confrontent pas à l’hétérogénéité des mondes de la vie réelle, mais en restent à des catégories comme les Marchés, l’Économie, et la Financiarisation (ou la Reproduction, la Production, et la Population, bref, les catégories prétendument adéquates de l’économie politique libérale standard, non-féministe et non-socialiste).

[18] Cf. par exemple Kalpana Wilson, « The «New». Global Population Control Policies : Fueling India’s Sterilization Atrocities », Different Takes, Winter 2015, http://popdev.hampshire.edu/projects/dt/87

3 réflexions au sujet de « Anthropocène, Capitalocène, Plantationocène, Chthulucène – Donna Haraway »

    1. Salut !
      Merci beaucoup pour ton commentaire qui nous fait découvrir ton travail. Effectivement c’est un beau dialogue entre ce texte de Donna Haraway et tes deux séries.

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