Les femmes dans les luttes anti-carcérales – Clara Wichmann, Marie Ganz, Neal Shirley & Saralee Stafford

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Texte de la brochure :

Ces trois textes traitent des femmes dans les luttes contre la prison de points de vue très différents.

Clara Wichmann est juriste de formation et son approche est d’abord théorique. On peut tout de même signaler que son compagnon, Jo Meijer, a été emprisonné pour avoir refusé de servir durant la première guerre mondiale.

Le témoignage de Marie Ganz, issu de son autobiographie Rebels! Into Anarchy – and out again relève de son expérience personnelle. Dans son récit, elle décrit de façon sensible les effets du contrôle du quotidien sur les détenues et les liens de solidarité qu’elles arrivent à établir malgré tout.

Le dernier texte est un extrait du chapitre « We Asked for Life » de Dixie Be Damned : 300 years of Insurrection in the American South (AK Press, 2015). Neal Shirley et Saralee Stafford y reconstruisent la révolte des détenues du centre correctionnel pour femmes de Caroline du Nord pour l’inscrire plus largement dans une historiographie anarchiste du Sud des États-Unis.

La cruauté escorte le crime et la punition

Clara Wichmann

Traduction : Sylvie Puech et Lou Marin

Relecture : Ab’

Publication en langue allemande pour la première fois dans la revue Der freie Arbeiter (L’Ouvrier libre) à Berlin en 1922 ; réédité dans Graswurzelrevolution en septembre 1988. Actuellement, il y a chaque année des « Jours de taule », une manifestation organisée par des associations de soutien aux prisonniers et prisonnières. À cette occasion, la Radio Chiflado a republié ce texte en 2011 sur son blog internet et propose en plus une émission radio en langue allemande sur Clara Wichmann[1].

*

Pourquoi punit-on ?

La plupart des gens ne se posent pas cette question ; pour eux, c’est évident qu’il doit y avoir des prisons et même des prisons avec des cellules d’isolement dans lesquelles celleux qui transgressent le droit pénal sont enfermé·es pendant des semaines, des mois ou encore des années. Et ces gens se promènent tranquillement le long des murs de ces prisons sans s’émouvoir.

D’autres, qui au moins une fois se sont posé la question, ont trouvé qu’il était facile d’y répondre. Leur opinion est qu’il faut un châtiment pour punir les infractions. Ou bien iels affirment que, l’intérêt de la société étant vital, elle doit se protéger contre les infractions perpétrées à l’encontre de son « ordre ». La société doit dissuader læ criminel·le tout en essayant – autant que possible – de læ corriger, ou, si cela n’est pas possible, il s’agira de læ neutraliser.

Cette conception part du présupposé que cellui qui transgresse les lois est bien évidemment une personne mauvaise, une sorte d’ennemi de l’ordonnancement moral du monde, alors que l’ensemble de la société qui le condamne serait la véritable communauté humaine. Et l’on pense, de plus, que l’exclusion hors de cette communauté et la souffrance infligée seront le comportement le plus approprié contre ces « criminel·les ».

Nous estimons du plus profond de notre cœur que tout cela est absurde et faux : c’est un égarement extrême que de laisser se perpétuer des rapports indignes entre les êtres humains.

Qu’est-ce que le droit ?

Avant tout, il n’est pas vrai que le droit reconnu soit le droit en soi ; car ce droit protège les classes possédantes et garantit d’abord le droit de propriété comme si cette dernière valait d’être maintenue et protégée à tout prix.

Les individus prétendument honnêtes se trompent également à propos des condamné·es. C’est très facile de se dire que la plupart des condamné·es valent moins que rien, surtout beaucoup moins que les honnêtes gens. Pourtant, la chose n’est pas si simple que cela.

Certes, nous ne sous-estimons pas l’importance des antécédents personnels et nous n’affirmons pas qu’une personne qui commet certains actes ne dépende pas des circonstances. Mais nous considérons que les prédispositions et le milieu s’influencent mutuellement dans une interaction réciproque ininterrompue.

Il faut pourtant prendre en compte qu’un·e enfant livré·e à ellui-même et qui grandit privé·e de repères acquerra une personnalité différente et commettra des actes différents qu’un·e autre enfant aux mêmes prédispositions et qui vit dans des conditions complètement autres. Réfléchissez donc au fait que la très grande majorité des condamné·es de tous les pays appartient aux classes défavorisées, même proportionnellement à la population totale !

Serait-ce encore le cas si le crime n’était la conséquence que du manque d’empathie sociale, du manque de maîtrise de soi ou bien d’un durcissement du cœur ?

Est-ce que l’on ne rencontre pas aussi, parmi les gens qui n’ont jamais comparu devant un juge, des personnes qui peuvent perdre leur sang-froid, des gens peu scrupuleux qui ne connaissent pas leurs limites, des personnes impulsives ?

Et n’est-il pas toujours vrai qu’à toutes les époques la criminalité a augmenté ou diminué en fonction de la misère sociale ? Par exemple, de manière irrépressible, sans qu’aucune punition ne l’arrête, elle augmente lors des conflits comme aujourd’hui lors de la guerre. Ne savons-nous pas depuis longtemps qu’il existe une remarquable régularité, voire une régularité arithmétique dans le chiffre annuel des crimes et des suicides ? Il ne s’agirait donc pas là d’actes individuels souverains.

Encore une fois, nous ne nions pas le fait qu’une personne soit la victime des circonstances et de ses antécédents et nous ne nions pas la force de l’individu à se déterminer librement sans être soumis à ces circonstances. Par contre, à celleux qui n’ont jamais connu cette adversité, nous dénions le droit d’exiger d’un cœur froid et de façon particulièrement sévère les plus hautes qualités morales des dépossédé·es. Et, plus encore, nous croyons que ces exigences morales les plus hautes, si on les affirme vraiment, auront pour conséquence de nous amener à ne pas respecter les lois établies, comme par exemple celles qui déclarent punissables l’objection de conscience au service militaire, ou certaines formes de grève ou d’action directe socio-économique réalisées par le prolétariat.

Nous croyons au contraire que ces revendications exigent souvent la lutte et la désobéissance face aux lois !

Une société injuste a pour effet le crime

Une société qui repose presque entièrement sur la lutte de toustes contre toustes, qui montre qu’on a le droit de s’enrichir sur le dos des autres ou de tromper quiconque, une société dans laquelle la majorité est privée des possibilités de se développer normalement, une telle société produit les causes individuelles et sociales d’où surgit en permanence le crime : individuellement, la sous-alimentation, l’alcoolisme et l’insuffisance de logements sont cause de déchéance ; socialement, le besoin pousse les déshérité·es vers une résistance souvent inconsciente à s’emparer d’une manière frauduleuse de ce qu’on leur refuse légalement.

Et, finalement, ces causes produisent aussi les principaux militants qui luttent contre cet « ordre », c’est-à-dire celleux qui se révoltent contre le système économique et politique d’aujourd’hui : les objecteur·ices de conscience, les prisonnier·es politiques et d’ailleurs tous celleux qui sont considérés comme des criminel·les et puni·es comme tel·les par la société dominante.

La société d’aujourd’hui n’a certainement pas le droit de punir : en effet, le plus grand nombre n’a pas accès aux conditions favorables à son développement, et la société ne montre aucune bienveillance envers les personnes déviantes. La réaction de la majorité de la population contre les « criminel·les » n’est rien d’autre qu’une autodéfense égoïste qui aveugle leur conscience morale par des formules comme « application du droit et respect de l’ordre ». On pense intolérables les vols et les cambriolages en avançant des arguments médiocres et superficiels, et c’est pour cette simple raison que l’on punit, que l’on estime tout à fait juste et normal de s’emparer de la vie de semblables et de les emprisonner pendant des mois et des années afin de protéger la propriété exclusive de quelques biens matériels.

La majorité des poursuites pénales sont concernées par des problèmes de ce genre ; la population pénitentiaire se compose essentiellement de personnes « coupables » d’actes dus à leur seule infortune.

La peine est une cruauté avilissante

Parmi la grande variété de crimes, il y a ceux commis par cruauté, par brutalité, par appât du gain − notamment par les possédants contre celleux qui ne possèdent rien −, des crimes sexuels, des meurtres, des maltraitances légères ou sévères.

Beaucoup penseront que, pour ce genre d’actes, une peine adaptée sera justifiée, c’est-à-dire partout où l’on a affaire à de vrais crimes ou, plutôt, pour parler de façon plus juste, à de vrai·es criminel·les ou à celleux que nous considérons comme tel·les.

Non, ce qu’il y a de cruel dans la sanction pénale ne consiste pas seulement dans le fait que cette société menace et punit celleux qui attaquent ses propres intérêts mais dans le fait que c’est elle qui est à la source de cette criminalité et que c’est elle qui approuve le crime à grande échelle, par exemple par l’exploitation économique ou sous forme de guerres.

À la fin, la cruauté se perpétue par l’application de la peine.

Nous pensons que ce sont les vrai·es criminel·les qui auraient réellement besoin d’être « corrigé·es » ! Qu’est-ce que la peine parvient à améliorer chez eux ?

La peine les rabaisse, les dégrade, les avilit encore plus. Elle leur ôte ce qui leur reste d’esprit de résistance. Dès le début du processus pénal, iels sont considéré·es comme des ennemi·es de la société et des hors-la-loi, alors qu’iels sont encore plus que d’autres des exclus et qu’iels auraient besoin d’encore plus de compréhension que d’autres (et surtout les plus dépravés parmi eux). À cause de tout cela, leur évolution morale est interrompue, alors que toute évolution accompagne toute action même lorsqu’elle est mauvaise. Au contraire, l’accusé·e se retourne contre ses accusateur·ices, et le processus de régénération est détruit.

De nos jours encore, on n’approche jamais un·e criminel·le avec le sentiment d’être devant un être humain. Au contraire, emprisonné·e, iel est considéré·e comme une chose privée de tout ce que l’on qualifie d’« humain » : l’unique bien qui lui soit conservé, c’est seulement sa vie nue. Il n’y a même pas possibilité de prendre acte de ses bonnes intentions ; et c’est pourquoi la prison rend impossible toute amélioration de læ criminel·le. La prison ne peut pas rendre meilleur·e.

Peut-elle alors dissuader ? Très peu. L’augmentation et la diminution de la criminalité sont principalement dues à des facteurs complètement distincts de la punition. Nous l’avons observé encore une fois lors des années de guerre et du grand nombre de cas de récidives. Mais, avant tout, ce principe de dissuasion est immoral, car il considère des êtres humains uniquement comme des moyens.

Pourtant, nous devons bien les empêcher de nuire, non ? Cette expression est choquante. Et le résultat d’un tel souhait aboutit à ce que beaucoup quittent la prison en étant encore plus « dangereux » que lorsqu’iels y sont entrés. C’est précisément là ce qui est barbare et inutile : tout le concept de la punition est entièrement négatif.

Éveillez plutôt le bien au sein des êtres humains, faites ce que vous pouvez pour les rendre fort·es, pour permettre à toutes les énergies positives et constructives de croître ; mais ne cherchez pas à les neutraliser. Et, dans la mesure où l’on trouvera toujours quelques cas individuels « incorrigibles » qu’il semble impossible d’éveiller à quoi que ce soit tant, dans tout leur être, iels paraissent pervertis et inhumains, il vaut mieux qu’on les considère et qu’on les traite comme des malades et qu’on ne songe pas plus à les « punir » qu’on ne punit aujourd’hui les fol·les.

La critique de l’idée de vengeance et de punition

Pourtant, plus forte que tous les « effets » que l’on veut obtenir par la punition, c’est la vengeance qui, cachée en l’homme, continue de vivre sous la vieille idée du talion qui exige, elle, que l’on inflige la même douleur à cellui qui en a causé une, qui exige que tout soit « comptabilisé » et « codifié ». Le droit pénal qui existe aujourd’hui n’en est qu’une des expressions. Nous retrouvons cette idée dans tous les domaines de la vie personnelle ou sociale. Et c’est précisément sur ce principe primitif que repose la pulsion de vengeance qui doit être transformé.

C’est pourquoi nous ne luttons pas seulement contre les dérives du système d’isolement du régime pénitentiaire et contre le système carcéral lui-même – dont nous sommes intimement persuadés de la nuisance –, ni non plus seulement contre le système pénal dans son ensemble. Nous luttons contre le principe pénal lui-même.

Les relations entre les humains ne devraient pas être à l’image du principe pénal ; ce n’est pas ainsi que les humains devraient se tenir les uns en face des autres[2].

Contre l’ancienne et antique doctrine des débuts de l’humanité selon laquelle on doit répondre à la méchanceté par la méchanceté, nous posons d’autres principes de vie : Ne jugez pas ! Ne vous vengez pas ! Ne punissez pas ! Ne récompensez pas ! Mais, de toutes vos forces, songez à créer une communauté véritablement humaine, une communauté dans laquelle les conditions pour l’élévation et le développement de chacun·e existent. Et attachez-vous à ne vaincre le mal en vous et chez les autres que par le bien ! Ce n’est qu’indirectement que le crime peut être combattu. Ce n’est pas par l’anéantissement, mais au contraire par le réveil des forces, par la transformation des tendances destructrices en forces créatrices et constructrices.

Les réformes pénales ne suffisent pas !

Et comme les réformes pénales que l’on entreprend aujourd’hui ne sont pas portées par cette idée, elles ne nous suffisent pas. Certes, introduire une législation pour la jeunesse fut un progrès. Certes, la condamnation conditionnelle fut un progrès. Certes, ce sera mieux de nourrir correctement les prisonnier·es, de s’occuper d’elleux et de se préoccuper de préserver leur santé, au lieu, comme aujourd’hui, de les libérer affaibli·es et déficient·es. Il y aura aussi une amélioration quand on aura aboli ce système d’isolement et quand on verra les gens accueillir læ prisonnier·e relâché·e d’une façon digne et respectueuse.

Cependant, la source de la criminalité de masse n’est pas asséchée. Toutes ces réformes au sein de cette société et le droit pénal d’aujourd’hui maintiennent le vieux principe de la punition qui demeure incontesté ; d’ailleurs, ces réformes ne sont même pas toutes possibles dans ce cadre !

Pourtant, nous ne venons pas à vous, gens honnêtes et sans antécédents judiciaires, pour susciter la pitié envers les prisonnier·es et pour demander quelques misérables améliorations sur la façon dont vous voulez traiter vos semblables. En fait, nous nous adressons à tous, à vous vierges de délits et aussi à vous repris de justice, et nous vous appelons à défendre la dignité humaine. Vous les honnêtes gens, examinez votre société et sa pratique de la punition. Vous, les accusé·es, les condamné·es, les libéré·es, tenez-vous pour des êtres humains véritables !

Et c’est cela qui nous importe avant tout, que vous cessiez d’exiger, sans cesse, et uniquement, un changement de mentalité ou une « amélioration » chez les criminel·le! Quelle étrange mentalité s’exprime là dans notre manière de nous comporter à leur égard ! Y trouve-t-on une quelconque disposition au don de soi ou un quelconque sentiment de fraternité ?

Tout pourrait être tellement autrement ! Dans une communauté véritable, ce qui dominerait ce serait une disposition à l’entraide et à dépasser nos erreurs. Nous devrions pouvoir abandonner nombre de nos « intérêts » immédiats. Nous chercherions à nous comprendre et à nous supporter les uns les autres. Nous ne ferions pas, et avant tout, attention à nos « biens personnels menacés » comme nous le faisons aujourd’hui, mais prêterions attention à cet être humain qui doit lutter contre lui-même ; nous serions alors conscients qu’à chaque fois qu’un être humain échoue dans cette lutte, c’est notre responsabilité à tous.

C’est pourquoi – bien que nous accueillions d’une manière favorable chaque réforme véritable et honnête introduite dans le droit et le système pénal, nos aspirations vont plus loin. Nous exigeons une transformation radicale et non pas une amélioration partielle. C’est un autre principe qui est à l’ordre du jour : celui d’une nouvelle époque, d’une humanité fraternelle qui va rompre toujours davantage avec le principe de la punition.

 

 

Les Femmes de l’abîme

Marie Ganz

Traduction : Corinne

Marie Ganz (1891-1968) était une immigrée juive à New York où elle travaillait dans l’industrie du textile et rejoignit les rangs des anarchistes et de l’I.W.W. En 1914, à la suite du massacre de Ludlow où de nombreux mineurs et leurs familles ont trouvé la mort, elle menace John D. Rockefeller, Jr., propriétaire de la compagnie d’extraction, d’un pistolet chargé. Dans cet extrait du chapitre Women of the Abyss de son autobiographie, elle décrit ses expériences de prison et ses relations avec ses codétenues.

*

Beaucoup de ces femmes étaient connues sous des noms de célébrités. Une petite femme noire était « Ethel Barrymore[3] » ; une autre femme de large carrure était « Tetrazzini[4] » et la fille la plus bruyante de la prison était « Emma Goldman[5] ».

Nos nuits étaient atroces. Aucune d’entre nous n’avait de travail alloué et les femmes étaient rendues nerveuses par la terrible monotonie de ne rien faire. Une fois, je fus réveillée par des cris à me glacer le sang, qui s’éteignirent soudain. Mes voisines de cellule m’informèrent qu’une camisole de force avait sûrement été mise à une prisonnière indocile. Pendant les sombres heures, une fois que nous avions été enfermées dans nos cellules pour la nuit, chacune à leur tour, les femmes racontaient leurs malheurs. Bientôt, l’une d’elle se mettait à pleurer et à crier à pleine voix contre ce qu’elle percevait comme une injustice qu’elle avait subi de la part du procureur ou du juge. Son éclat rendait les autres nerveuses qui la rejoignaient dans sa lamentation. Très vite, c’était le chaos, avec des douzaines de femmes hystériques qui criaient de toutes leurs forces.

Parfois, après l’extinction des feux, quand les gardiens faisaient leur ronde et le sommeil s’abattait enfin sur les pauvres femmes effondrées, on entendait un tapotement léger sur les barreaux d’une cellule. C’était un moyen de rentrer en communication, en général pour demander une cigarette. Les prisonnières dorment d’un sommeil très léger et ça ne les dérange pas d’être réveillées par une telle requête. Le message passe de cellule en cellule jusqu’à ce qu’il atteigne une femme qui peut répondre à la demande. Puis la cigarette voyage en remontant la file, passant par des mains tendues à l’aveugle par les barreaux.

Les femmes n’avaient pas le droit de fumer, mais elles arrivaient à enfreindre cette règle assez facilement. Les gardiennes préféraient fermer les yeux sur ce qui se passait plutôt que de provoquer la haine des détenues, qui auraient pu leur rendre la vie très dure. Mais c’était un problème constant que de se procurer des cigarettes, ainsi que de trouver comment les allumer, car les allumettes étaient interdites. Souvent pendant la nuit on entendait un étrange grattement sur le sol d’une cellule. Les détenues n’avaient pas le droit de porter de corset, mais une femme qui avait l’habitude de la prison trouvait toujours le moyen de prendre une des baleines d’un corset et de la dissimuler parmi ses vêtements de prison. Avec ce morceau de métal, on pouvait produire du feu. Une allumette – mais rarement d’avantage – pouvait être volée aux cuisines et grâce à celle-ci un bout de chiffon, de préférence un vieux bas, était allumé. On éteignait la flamme, ce qui laissait le pourtour carbonisé. Quand le morceau de métal était frotté contre le sol en pierre, cela produisait suffisamment d’étincelles pour faire rougir ce charbon et pouvoir allumer une cigarette.

Un après-midi, toutes les femmes de notre couloir – les huit que nous étions – nous rassemblèrent dans une cellule, où nous nous assîmes sur une couverture à même le sol. Aucune d’entre nous n’avait de tabac et une chasse aux mégots désespérée commença. Une fois ramassée une poignée de mégots, on les ouvrit et on rassembla le tabac. Toutes ces miettes furent habilement roulées en cigarettes, dans des morceaux de journaux ou tout ce qui pouvait servir de papier, quand soudain nous entendirent le bruit de verre brisé. Presque au même moment la porte de notre couloir se ferma violemment et se verrouilla.

Toutes les femmes se levèrent d’un bond, en poussant des cris hystériques.

« Que se passe-t-il ? nous criâmes à la gardienne. Que s’est-il passé ?

– Ce n’est rien, rien du tout, nous assura-t-elle. Ne vous énervez pas. »

Peu à peu nous nous calmèrent et retournâmes à la confection de cigarettes. Deux heures plus tard, au repas du soir, nous apprîmes qu’une jeune fille juive, une droguée, dont la cellule était sur un étage du bas, était devenue folle, avait brisé une fenêtre avec son poing et avait été emmenée à l’hôpital.

« Ethel Barrymore », qui s’enorgueillissait d’une ressemblance supposée à l’actrice de ce nom, avait été mise en camisole de force parce qu’elle avait insulté le gardien et, après ses déboires, cherchait la sympathie de nous autres à notre arrivée dans la cour. Elle nous montrait les coupures et les bleus causés par la tentative de la faire se soumettre. Les marques sur son petit corps frêle nous mirent en colère. J’avais toujours trouvé la technique de la camisole de force brutale et je le dis aux autres. Nous décidâmes que la prochaine fois qu’une détenue serait soumise à ce genre de torture nous déclarerions une grève.

Nous n’eûmes pas longtemps à attendre avant d’être appelées à mettre ce plan à l’œuvre. Un soir, nous entendîmes des cris en provenance de la cellule d’« Ethel Barrymore » et nous reconnûmes sa voix. Ses cris devenaient de plus en plus frénétiques.

« Ils me mettent la camisole de force ! » criait-elle.

C’était notre signal. « Lâchez la petite ! » « Ne lui mettez pas la camisole ! » et autres cris, certains grossiers et obscènes, retentirent à travers toute la prison. Puis retentirent tous les instruments que les détenues, peu importe le niveau de surveillance dont font preuve les gardiens et gardiennes, arrivent à cacher dans leur cellule. Cuillères, couvercles de casserole et autres choses qui pouvaient faire du bruit, volés à la cantine ou aux cuisines, étaient lancés avec vigueur contre les barreaux des cellules avec un résultat terrible. Du moment où la fille avait été mise en camisole jusqu’à quatre heures du matin – plus de cinq heures après – ce vacarme à percer les tympans se poursuivit et certainement aucun gardien, ni personne d’autre, ne put dormir un instant durant cette épisode affolant.

Des gardiens de la prison pour hommes vinrent de notre côté du bâtiment pour nous intimider et nous obliger à nous calmer, mais tous leurs efforts furent vains.

« Enlevez-lui la camisole ! » « Meurtriers ! » « Lâches ! » Mais il y avait des injures bien pires lancées contre ces gardiens désemparés – des mots si horribles et dégoûtants qu’ils n’avaient pu être inventés que par des femmes telles que celles qui m’entouraient.

Quand enfin le soleil se mit à poindre faiblement dans nos cellules, des filles hurlaient toujours. Une à une elles succombèrent à la fatigue et tombèrent sur leur paillasse, sombrant quasi-instantanément dans un profond sommeil.

Bizarrement, la seule sanction infligée pour cette révolte fut une suppression du privilège de recevoir du courrier pendant un jour. Cependant ce n’était pas une punition légère, car nous attendions toujours l’arrivée du courrier avec impatience, qui était le seul plaisir de la journée pour nombre d’entre nous. Je crois que ce jour où il n’y eut pas de courrier fut le plus affreux de tous. Les prisonnières n’avaient jamais été aussi irritables, aussi querelleuses, aussi proches de la crise de larmes. Une excitation inhabituelle régnait le matin suivant, quand nos lettres nous furent distribuées et de nombreuses femmes pleuraient ; en fait elles ont presque toutes pleuré quand les lettres arrivèrent. Après le repas ce soir-là elles étaient toutes impatientes d’être enfermées dans leur cellule pour la nuit pour écrire leurs réponses. Une fille se rue sur une autre. Une qui a plus de timbres que nécessaire aide celle qui n’en a pas. Des stylos et de la papeterie s’empruntent. Puis, une fois les cellules verrouillées, un calme inhabituel tombe, parfois interrompu par des sanglots, car chacune écrit à un ami ou un membre de sa famille et cela remue des souvenirs amers.

Très vite, des voix retentissent à nouveau. Les filles discutent entre elles de ce qu’elles ont écrit et racontent les histoires que leur correspondance leur a remis en mémoire. Certaines de celles qui n’ont pas reçu de lettres ou qui sont de mauvaise humeur se permettent des critiques acerbes et de bruyantes querelles s’ensuivent. Des menaces et des insultes fusent de toutes parts et le couloir résonne de ce tumulte. Les lumières s’éteignent ; on ne voit rien ; les voix stridentes sont comme les râles des âmes perdues dans les sombres profondeurs de l’enfer.

Puis, à mesure que la nuit passe et la fatigue s’installe, ils font place à des émotions plus tendres. Les corps à bout de nerfs sont épuisés et prêt à dormir. Le silence amène des sanglots de repentir et de tristes souvenirs d’années passées depuis longtemps. Du silence lourd et oppressant, cet hymne favori des prisons s’élève, doux et clair « Nearer, my God, to Thee [6] ». La voix solitaire qui l’a entamé est rejoint par d’autres et bientôt toutes les femmes du couloir chantent les paroles familières.

Chaque dimanche matin, une travailleuse sociale venait dans notre couloir prier avec les filles catholiques. Elle s’agenouillait sur un coussin, les filles se regroupaient autour d’elle et elles priaient ensemble. En tant que juive, je me tenais à l’écart mais j’écoutais avec respect. Chanceuses, pensai-je, celles qui n’avaient pas perdu leur foi dans la prière, contrairement à moi, qui ne savais plus prier depuis longtemps.

Un jour qu’elle se relevait de ses prières, cette femme qui nous rendait visite fut accostée par une fille qui lui dit que les repas de la prison étaient très mauvais.

« Je ne trouve pas, répondit-elle J’y ai goûté moi-même.

– Quels repas avez-vous goûté ? demandai-je. Les repas que mange le personnel ?

– Non, j’ai mangé le repas de la prison et je l’ai trouvé excellent.

– Juste après votre prière à Dieu, insistai-je, vous jureriez devant ce Dieu que la nourriture était assez bonne pour la manger ?

– Vous êtes une tête brûlée ! cria-t-elle. Je ne reviendrai plus jamais prier ici ! » Elle partit en colère, suivie des huées des détenues.

La vie en prison me blessait de moins en moins au fil des jours, car je m’habituais à la routine lassante et ses horreurs me révulsaient moins après autant de répétitions. Je devins presque ravie de ma petite cellule […].

 

 

La Révolte de 1975 au Centre correctionnel pour femmes de Caroline du Nord

Neal Shirley et Saralee Stafford

Traduction : Corinne

Dans leur livre Dixie Be Damned (AK Press, 2015), Neal Shirley et Saralee Stafford présentent une histoire anarchiste du Sud des États-Unis, région souvent présentée comme conservatrice, depuis les rebellions d’esclaves jusqu’à l’époque contemporaine. Les extraits qui suivent présentent le contexte de la révolte des détenues du Centre correctionnel pour femmes de Caroline du Nord, ainsi que l’évolution du système carcéral et de la société sécuritaire aux États-Unis jusqu’à nos jours.

*

Il y a des moments où certains objets se transforment comme par magie. Parfois le poteau d’un filet de volley devient un bélier, la balance de la justice devient un pic à glace et il pousse des ailes à des morceaux de béton pour aider à détruire le bâtiment même dont ils forment les fondations. Cela vient d’un mélange détonnant de solidarité et d’amour venus d’endroits inattendus, durci par la rage contre des conditions intolérables.

Mi-juin 1975, les détenues du centre correctionnel pour femmes de Caroline du Nord (North Carolina Correctional Center for Women, NCCCW) ont vécu cette magie et eurent de nouvelles visions de ce à quoi pouvaient servir les manches à balai, les couverts de la cantine et les battes de baseball ainsi que des possibilités de sororité derrière les murs de la prison. A partir d’un sit-in spontané au sujet d’un ensemble de revendications, les femmes refusèrent toutes les activités de la prison et s’engagèrent dans des batailles rangées contre les gardien·nes et la police de l’état pendant cinq jours, au cours d’une tentative finalement victorieuse pour faire fermer la laverie de la prison où elles étaient forcées de travailler. Bien que souvent ignorée en faveur des luttes à plus grande échelle ou mieux connues de prisons pour hommes, cette lutte a néanmoins été un catalyseur à la fois pour le mouvement de prisonnier·es de l’époque, pour le mouvement féministe et la contre-culture lesbienne de la région.

Il est important de noter également que cette révolte a eu lieu à la veille de l’explosion gigantesque du nombre de détenu·es et de la construction de nouvelles prisons qui continuent à ce jour, alors que le complexe État-capital des États-Unis cherche à gérer la baisse de profits du début des années 1970 grâce à de nouvelles formes de surveillance et de contrôle. Les prisons et le sécuritaire ont été la solution au nombre croissant d’Américain·es pauvres et sans perspectives dans cette économie de services précaire. Les hommes en uniforme qui ont fui devant une pluie de cailloux et de béton dans la cour du NCCCW étaient les nouveaux gardiens de tout un ordre économique. Leur retraite, aussi temporaire qu’elle fut, à la veille de cette transition, nous mène à réfléchir à comment des révoltes futures pourraient naître.

« Un traitement commun pour tout remue-ménage de femmes »

Pour comprendre le soulèvement de 1975 au NCCCW, il faut prendre en considération à la fois l’histoire de la résistance à la prison qui l’a précédé en Caroline du Nord et le contexte institutionnel dans lequel il a eu lieu. Le nombre de détenu·es était resté relativement bas jusqu’à l’explosion de la fin des années 1970, mais une myriade d’autres formes de contrôle social avaient également cours, que ce soit par le biais de l’autorité des pasteurs d’église, des travailleurs sociaux, des patrons, docteurs et des paramilitaires racistes. […]

Il est impossible de traiter de façon exhaustive tous les aspects du contrôle social auquel les femmes devaient faire face durant la période menant à la révolte de 1975, mais il est intéressant de souligner au moins une méthode de répression qui intégrait les nombreuses figures de l’autorité de l’époque : l’effroyable programme de stérilisation forcée de la Caroline du Nord. […]

De nombreuses femmes étaient stérilisées alors qu’elles étaient encore mineures, avec la coopération d’institutions telles que les centres gérés par l’état pour délinquantes issues de la classe ouvrière ou les handicapées mentales, et finissaient incarcérées au NCCCW. Bien que ni le NCCCW ni le Bureau pour la justice pour les victimes de stérilisation n’aient gardé de statistiques sur le nombre exact de stérilisations effectuées dans cet établissement pour adultes, les dossiers des cas disponibles dans un certain nombre de centres pour jeunes filles noires et blanches, tels que la Colonie fermière de Caroline du Nord, dresse un tableau d’administrateurs qui avaient souvent recours à cette chirurgie, surtout sur les « individus à problèmes ». Les institutions avaient une grande marge de manœuvre pour faire appliquer cette intervention et il était du complet ressort de n’importe quel docteur travaillant pour l’état de décider quelle détenue gênante ou récalcitrante entrait dans la catégorie d’ « incompétence mentale ». On peut imaginer les effets atroces de ce programme : au-delà des milliers de victimes avérées, il y avait des dizaines de milliers de femmes qui faisaient partie des registres de différents services sociaux, agences, écoles, hôpitaux psychiatriques, organismes de charité et prisons qui vivaient sous la menace de chirurgie forcée si jamais elles se faisaient trop remarquer.

Dans les années 1960, cette arme de violence et de contrôle d’état était surtout employée contre les femmes noires, même si elle restait une menace pour toutes les femmes pauvres. Malgré l’absence de statistiques spécifiques au NCCCW, on peut déduire que la plupart des détenues de l’établissement avaient connu une femme qui avait été la victime de cette pratique. En tant que programme qui dépendait de l’autorité d’autant de structures – l’église, l’état, l’hôpital, la famille, l’économie – pour réprimer et gérer le corps des femmes pauvres, la stérilisation illustrait l’autorité patriarcale dans toutes les sphères.

Un patrimoine local

[…] En 1975, les femmes et les hommes du système carcéral de Caroline du Nord avaient déjà accumulé un patrimoine remarquable de révoltes. Bien sûr, depuis aussi longtemps que les prisons ont existé, il y a eu des résistances à la prison, mais la plupart d’entre elles n’ont pas pris des formes spectaculaires ou même collectives et n’ont que rarement fait la une des journaux grand public. Inondations de cellules individuelles, petits actes de sabotage, bagarres avec des gardiens, tentatives d’évasions, évasions réussies, groupes d’études ou d’entraide judiciaire, de petites actions d’amitié qui traversent les frontières, créées par la prison, de race ou de clan – tout cela fait partie du quotidien secret de toutes les prisons. Même en mettant ces faits de côté, cependant, un passage en revue sommaire des précédents troubles dans les prisons qui ont été relayés par la presse de Caroline du Nord illustre bien les nombreux antécédents de la révolte de 1975 au NCCCW. […]

[En 1954,] 350 femmes prirent part à une émeute à la NCCCW de Raleigh après avoir appris la mort de l’une d’entre elles entre les mains des gardiens et des infirmières. Cette femme, une détenue noire, ancienne domestique, du nom d’Eleanor Rush, avait été confinée à l’isolement pendant 6 jours. Le septième jour, elle n’a pas été nourrie pendant plus de 16 heures. Rush a commencé à réclamer de la nourriture en criant, ce à quoi les gardiens et les infirmières ont répondu en l’attachant avec des menottes spéciales appelées « griffes de fer » et en la réduisant au silence par un dispositif improvisé de bâillon attaché à son cou et son visage. Elle est morte de s’être brisé la nuque une demie heure plus tard.

Les détenues apprirent la mort de Rush vers 9 heures du matin le lendemain alors qu’elles jouaient au softball dans la cour. Rapidement elles « se regroupèrent toutes, hurlant et criant, et se ruèrent sur le grillage de la porte principale ». Environ 200 femmes noires et 150 femmes blanches criaient à l’unisson « Ils ont tué Eleanor ! » ; elles détruisirent le matériel de la prison et lancèrent des morceaux de miroirs brisés du haut de leurs cellules sur les gardiens. Cette perturbation dura près de quatre heures, jusqu’à ce que les gardiens de la prison centrale d’à-côté arrivent et que le directeur de la prison calme les détenues grâce à une réunion et une enquête. De peur de nouvelles révoltes, les tribunaux ont, ce qui est surprenant, trouvé un·e employé·e blanc·he de la prison responsable de la mort d’une femme noire pauvre et 3000 dollars furent accordés à la famille de Rush. Les menottes utilisées, ainsi que les bâillons, furent ensuite déclarés illégaux. Malgré ces concessions, le point de vue du pouvoir était largement relayé par la presse grand public : alors qu’un journal traita Rush de « nuisance et fauteuse de trouble, un individu presque sans aucune valeur », un autre journal écrit simplement : « Ses parents auraient dû être stérilisés ». […]

Le 27 août 1974, un acte individuel de résistance a, une fois n’est pas coutume, fait les titres de la presse nationale. Joan Little, une petite femme noire, détenue à la prison du comté de Beaufort pour cambriolage, s’est défendue contre une tentative de viol de la part d’un gardien blanc dénommé Clarence Alligood, qui déclara en entrant dans sa cellule : « Il est temps d’être gentille avec moi, parce que j’ai été gentil avec toi. » D’autres femmes ont témoigné que c’était fréquent à la prison, mais Little réussit à se saisir du pic à glace dont Alligood la menaçait et le poignarda à 11 reprises. Le gardien se vida de son sang sur le sol de la cellule, le pantalon autour des chevilles, tandis que Little s’échappait.

Le procès qui s’ensuivit fut un cirque médiatique national, mais aussi un élément catalyseur pour les groupes anti-racistes et féministes du pays. À la fin le tribunal fut délocalisé du comté de Beaufort à Raleigh. Il attirait des manifestations constantes de la part de groupes tels que le Southern Poverty Law Center, la Feminist Alliance Against Rape, le Rape Crisis Center, les Black Panthers, la National Organization for Women, la National Black Feminist Organization et autres organisations locales.

Après cette énorme vague de soutien, un témoignage courageux de la part de l’accusée et une défense juridique brillante menée par l’avocat Jerry Paul, en août 1975, Little devint la première femme américaine à être acquittée du meurtre de son violeur. Le fait qu’il s’agissait du meurtre d’un homme blanc par une femme noire, dans un état où un juge avait récemment déclaré : « Je ne crois pas que les femmes noires puissent être violées », en dit long sur le changement d’état d’esprit du pays et le soutien passionné que Little a reçu. Le procès de Joan Little eut lieu en même temps que la révolte de 1975 au NCCCW, non loin de là, à Raleigh.

Les germes d’un mouvement social

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le Sud était entraîné bon gré, mal gré dans les révoltes et les mouvements sociaux de l’époque. Comme nous l’avons vu précédemment, des émeutes urbaines qui ont marqué les villes du nord et de l’ouest telles que Detroit ou Los Angeles ont également lieu dans le Sud. De même, les idées du radicalisme Noir se propageaient et se développaient suite aux échecs et aux limites constatées du mouvement local pour les droits civiques. D’autres formes de pensée et d’action radicales—mouvements étudiants, contre la guerre, féminisme, libération homosexuelle, lutte pour l’indépendance de Porto Rico, grèves sauvages des mineurs des Appalaches—se déroulaient également à la même époque.

Chacun de ces mouvements, indépendants mais parfois liés entre eux, avait son lot de procès et de prisonnier·es politiques. Cela, en plus d’une affinité idéologique évidente avec les luttes en prison, mena à la nécessité pratique de s’organiser en prison. En criminalisant ces mouvements et en envoyant leurs membres derrière les barreaux, le gouvernement a en effet livré leurs idées et leurs tactiques aux détenu·es. Il existe de nombreux exemples de cet échange, comme par exemple les luttes anti-carcérales gay et lesbiennes de l’état de Washington avec les anciens membres de la George Jackson Brigade, Rita Bo Brown et Ed Mead, ou le rôle du militant anti-autoritaire Sam Melville dans le soulèvement d’Attica en septembre 1971.

C’est ce dernier soulèvement qui a donné le la pour les luttes en prison qui ont suivi, tant en ce qui concerne l’étendue de la solidarité en-dehors des murs que la coopération d’une majorité de détenu·es autodidactes ou la violence brutale d’une administration qui refuse catégoriquement toute négociation. Le soulèvement d’Attica et le massacre de prisonniers qui s’ensuivit a fait de cet établissement la prison la plus connue au monde ; selon un pénaliste, il y a « un avant et un après Attica ». Il est difficile de déterminer exactement comment des points de référence tels qu’Attica étaient perçus parmi la population du NCCCW en 1975, mais très certainement les femmes qui y étaient détenues avaient entendu ce nom et avaient une idée de ce qu’il représentait.

L’atmosphère nationale d’activité révolutionnaire se manifestait dans le triangle de Caroline du Nord sous la forme d’un certain nombre de groupes et d’une contre-culture plus vaste qui ont joué des rôles essentiels dans le soutien à la révolte de 1975. Au moins deux groupes, le North Carolina Hard Times Prison Project et le Triangle Area Lesbian Feminist Prison Book Project, se sont occupés d’envoyer de la propagande radicale au sein du NCCCW, de communiquer avec les détenues et de publier leurs écrits. Une troisième organisation, un groupe pour la réforme des prisons appelé Action for Forgotten Women (AFW) a été créé un an avant la révolte et a joué un rôle actif de soutien et de médiation entre l’administration et les prisonnières. Les Black Panthers étaient également impliqué·es dans l’organisation et les discours tenus lors des manifestations devant la prison, bien qu’on ne sache pas vraiment le niveau de contact personnel qu’iels avaient avec les détenues.

L’un des premiers piliers du soutien de la révolte de juin 1975 venait de la vaste et active contre-culture lesbienne et féministe du triangle, en particulier à Durham. À partir de sa séparation d’avec la gauche au sens large à la fin des années 1960 et le début des années 1970, cette région est devenue renommée pour un réseau important d’activités culturelles et politiques de femmes. Le journal du triangle Feminary, qui fut fondé en 1969 à Chapel Hill et devint de plus en plus préoccupé par le féminisme lesbien au cours des années 1970 est un exemple de cette tendance. L’auteure bien connue Mab Segrest, éditrice de cette publication à la fin des années 1970, décrit l’objectif de Feminary comme étant « de comprendre ce que c’est que d’être lesbienne… étant donné l’écho des questions d’identité sudiste qui ont ouvertement renié les lesbiennes. »

Les Triangle Area Lesbian Feminists (TALF), qui furent d’abord un groupe lié à une organisation gay du Campus de la Duke University à Durham en 1974, contribuèrent également à cette tendance en organisant des bals et des réunions, en ouvrant une clinique de santé et en formant des maisons communautaires. Dans un numéro de Feminary, le groupe se décrit comme « des féministes lesbiennes, des femmes dont la loyauté première, le soutien et l’engagement vont d’abord aux femmes. Sur les plans individuel et collectif, nous explorons tous les aspects de notre lesbianisme. En tant que collectif, nous partageons toutes la responsabilité de décider ce que sont les activités des TALF. Celles-ci vont des discussions politiques et de questions sociales au chant, à la pratique de sport en commun et au partage de poésie. »

La plupart de ces activités s’articulaient selon des axes féministes radicaux/culturels et, à la fin de la décennie, Durham pouvait se vanter d’avoir l’une des contre-cultures lesbiennes les plus établies du Sud, comprenant « un centre de santé pour femmes, qui offrait des services allant de l’avortement à la thérapie féministe, un centre de soutien aux victimes de viols, un refuge pour femmes battues, des programmes d’études de femmes dans les trois universités principales de la région, un centre de médecine alternative, des entreprises menées par des femmes, y compris un garage, une librairie, plusieurs salons de gym ou groupes d’auto-défense, des imprimeries, des menuiseries, restaurants et sandwicheries ; ainsi que des organisations sociales et spirituelles telles qu’une réunion lesbienne des douze étapes (alcooliques anonymes), des groupes de Wicca et d’autres groupes spirituels de femmes, et de très nombreuses émissions de radio, concerts […] »

Selon deux de ses membres, la communauté lesbienne du triangle connaissait de violentes divisions sur des questions de race et de classe, qui étaient souvent balayées sous le tapis à la faveur de conceptions plus essentialistes de la féminité qui provenaient du féminisme radical et culturel de l’époque. D’autres féministes plus matérialistes critiquaient également la plupart de cette activité culturelle qui se concentrait trop strictement sur un certain style de vie, plutôt que de s’engager dans les luttes sociales et politiques de l’époque. Néanmoins, ce milieu était une expérience qui inspirait un grand nombre de femmes et était sans aucun doute une base cruciale du soutien et de l’agitation à la fois autour du procès de Joan Little et de la révolte du NCCCW.

Une culture lesbienne s’est également développée à l’intérieur des murs de la prison. Selon diverses études et entretiens, le lesbianisme était « répandu et explicite » au NCCCW dans les années 1970. De telles relations avaient toujours existé à un certain degré, d’ordinaire avec des rôles bien définis de butchs et de fems, mais dans les années 1970 ces relations devinrent plus ouvertes, explicites et flexibles, avec moins de catégories figées. Dans une série d’entretiens de 1972, les détenues déclaraient qu’elles « avaient surmonté leur peur d’aimer des femmes » et comment même si la plupart d’entre elles (surtout celles qui avaient des enfants) retourneraient probablement aux hommes à leur remise en liberté, elles ne voulaient pas que leurs « amitiés spéciales » avec des femmes soient dénigrées.

Il est possible que les communications avec les soutiens féministes lesbiens du dehors aient joué un rôle dans ce changement. Il est également probable que la position du NCCCW comme un établissement punitif, utilisé pour discipliner les détenu·es qui enfreignaient les règles des autres prisons, a indirectement encouragé la culture lesbienne de la prison. Une femme interviewée au sujet du lesbianisme à la prison pour femmes de sécurité minimum de Black Mountain répondit : « Ce n’est pas du tout toléré ici, ils n’aiment pas les homosexuelles… Si vous recevez un 23, c’est-à-dire si vous vous faites prendre en acte sexuel, vous partez [pour Raleigh]. » Entretenir des relations lesbiennes était interdit dans tout le système pénitentiaire et enfreindre cette règle pouvait faire envoyer une femme au NCCCW.

Parfois, des relations individuelles entre femmes pouvaient se développer et devenir des « familles d’état » entières, selon le terme qu’utilisaient les détenues. Cela pouvait signifier des individus qui se percevaient comme des frères, filles ou grand-mères et qui se protégeaient mutuellement en tant que telles. Les détenu·es et les personnes extérieures ont des avis différents sur le rôle que jouent ces familles, soit qu’elles soient la base d’une camaraderie de révolte ou juste une pâle copie de la famille traditionnelle. Certains disent que l’attention portée à ce genre de familles ne fait que renforcer le stéréotype selon lequel les détenues femmes ne feraient que chercher de la compagnie plutôt qu’une forme d’organisation politique. La relation entre subversion et lesbianisme au NCCCW était complexe et il est impossible d’en dresser un tableau exhaustif, mais selon les écrits a posteriori des femmes impliquées dans la révolte, qui font référence à la fois au féminisme radical et à une conception passionnée de la sororité, cette culture était clairement une forte base sociale de la révolte. […]

Interlude

La révolte du NCCCW n’éclata pas seulement comme à l’intersection d’une oppression de genre et de l’incarcération, mais également au sein d’une explosion plus générale du complexe industriel carcéral. Cette croissance commença d’abord par une réaction consciente au radicalisme politique de différents secteurs de la société, mais ne mourut pas au début des années 1970 avec le déclin de ces mouvements. Sous les prétextes de la « guerre contre la drogue » ou « contre la criminalité », les États-Unis ont continué de moderniser et de militariser leur police et leurs prisons. Au milieu des années 1970, le moteur structurel de cette évolution n’était plus la menace des radicaux gauchistes ou les émeutes urbaines, mais plutôt la stagnation économique et le déclin des profits.

Les prisons elles-mêmes devinrent des entreprises, mais la raison de la croissance du complexe industriel carcéral était bien plus large et d’une échelle plus macro-économique que la simple politique d’intérêts lobbyistes.  Après la seconde guerre mondiale, le dollar américain devint officiellement la monnaie mondiale dominante et des profits très importants s’ensuivirent. Les entreprises pouvaient se permettre d’acheter et d’incorporer certains secteurs du mouvement ouvrier. Mais dans les années 1960, la sur-accumulation et la contraction de l’économie avaient commencé à s’opérer dans le monde entier. Aux États-Unis, le moment était des plus malvenus pour les capitalistes, car le marché du travail restait limité. Entre 1966 et 1973, par exemple, 40 % des travailleurs·euses américain·es ont été impliqué·es dans des mouvements de grève. En même temps que les crises économiques bien réelles, à l’image de la crise de l’OPEC de 1973, une sorte de récession artificielle se mit en place alors que les capitalistes et les politicien·nes cherchaient à baisser les salaires, faire augmenter le taux de chômage et vaincre le pouvoir des travailleur·euses sur leur lieu de travail. L’interventionnisme keynesien du gouvernement fut remis en question, avec l’avènement d’une idéologie d’austérité et de laissez-faire portée par Reagan.

Les salaires et le pouvoir des classes ouvrières américaines a continué à décliner depuis lors. La précarité d’une économie de services instable a remplacé la stabilité relative qui était offerte à beaucoup par l’ancien secteur industriel, à mesure que les usines étaient relocalisées d’abord dans les régions du Sud non-syndiquées, puis à l’étranger. L’économie s’est recentrée autour des services et de la spéculation, et le nombre de pauvres sans perspectives d’avenir a commencé à croître, donnant naissance à des populations entières de personnes sans rôle économique pour lesquelles le capital de la fin du vingtième siècle n’avait pas d’autre rôle que l’incarcération. En facilitant cette transition économique, le gouvernement a aidé à mettre en place une croissance massive du complexe industriel carcéral.

Avec toujours plus de prisons construites pour loger le nombre croissant de détenu·es, le sécuritaire est devenu toujours plus militarisé. Cela  s’est accompagné de nouvelles lois […] qui ont élargi la possibilité pour l’état de saisir les biens de dealers de drogues condamné·es ou accusé·es. Une guerre semi-privée pour le profit s’est enclenchée et continue contre les communautés de couleur, pour qui le harcèlement quotidien, la surveillance et la violence sont devenus constants. Chaque saisie se transforme en de nouveaux jouets pour la police et le résultat fut une augmentation sans précédent du pouvoir de ces racketteurs urbains en uniformes bleus quasi-paramilitaires, qui sont en fait les bénéficiaires directs d’un trafic de drogue incroyablement rentable et meurtrier.

Une partie de ce processus est l’extension de la militarisation de tout le paysage de la pauvreté, depuis les barbelés jusqu’aux portiques détecteurs de métaux dans les écoles, les cartes d’identité et les contrôles anti-narcotiques dans les logements sociaux. De même, les travailleur·euses soci·ales·aux et les enseignant·es sont devenu·es de simples agents de l’état qui surveillent et punissent. La réponse de l’état aux « déchets sociaux » et à la « dynamite sociale » créée par le capitalisme de la fin du vingtième siècle, pour employer les termes d’un criminologue, n’a pas été simplement de créer davantage de prisons mais d’essayer de transformer tous les environnements en prison et tou·tes les citoyen·nes en flics.

Le résultat de ces transformations en ce qui concerne le nombre de détenu·es aux États-Unis est prévisible. Jusqu’au milieu des années 1970, la population carcérale du pays était restée plus ou moins stable,  pendant des décennies. Mais dans les années 1980, cette population a connu un accroissement énorme. Depuis la révolte du NCCCW en 1975, le taux d’incarcération aux États-Unis a été multiplié par 7 : en comptant seulement les adultes, un·e américain·e sur 100 est en détention en ce moment même. Les États-Unis incarcèrent aujourd’hui beaucoup plus de gens par habitant·es que tout autre pays au monde. Si l’on regarde les statistiques spécifiques à certaines populations, le taux d’incarcération et bien plus élevé : un homme Noir sur trois, par exemple, ira en prison au cours de sa vie. La nature raciste du système n’a rien de surprenant ; quelques décennies auparavant, le directeur du cabinet de Nixon avait écrit dans son journal : « Il faut reconnaître les faits : tout le problème vient en vrai des Noir·es. La solution est de créer un système qui reconnaisse cela sans en avoir l’apparence. »

Les prisonnier·es n’ont pas encaissé ces transformations sans réagir. Même en l’absence de tout mouvement social largement reconnu contre les prisons à l’extérieur, le système carcéral a constamment été attaqué par des émeutes et des révoltes depuis le milieu des années 1970. La violence entre prisonnier·es parfois sanglante et insensée des émeutes au Nouveau-Mexique en 1980 et dans le Michigan en 1981 en représente une partie, mais il faut aussi considérer la prise de la prison en Virginie-Occidentale en 1986 ; les prises de prisons par les immigré·es cubain·es à Atlanta, Géorgie et Talladega, Alabama en 1987 ; les protestations coordonnées dans 16 prisons fédérales après la décision du Congrès de préserver les peines disproportionnées pour le crack en 1995 ; les émeutes des prisonnier·es de Caroline du Nord et du Texas contre les conditions de vie dans les prisons privées en 1995 et 1996 ; l’émeute dans un établissement pour mineur·es à Raleigh, Caroline du Nord, le jour de l’an 2001 ; les grèves coordonnées dans les établissements de Géorgie en 2010 ; la vague de grèves de la faim massives et répétées dans les prisons californiennes entre 2011 et 2013 ; et une grève dans trois prisons d’Alabama en janvier 2014. Beaucoup de ces exemples partagent un caractère assez « apolitique », dans le sens où elles n’étaient pas liées à des mouvements sociaux reconnus à l’extérieur à l’époque et, en tant que tels, s’apparentaient souvent aux émeutes puissantes mais sans revendications qui ont secoué les centres urbains à la même époque.

Les prisons, et avec elles tout le monde de la police, des juges, tribunaux, psychiatres désigné·es par l’état, travailleur·euses soci·ales·aux, contrôleur·euses judiciaires, et gardien·nes, ont cessé d’être un état d’exception temporaire pour devenir permanent. À la fois en tant qu’endroit physique et en tant que menace diffuse permanente, cette suspension de la vie est toujours plus souvent vécue comme une étape de la vie. Il est également important de comprendre de quelles manières cette réalité se concrétise sur le territoire. Il y a de plus en plus de quartiers où tout le monde a au moins un·e ami·e ou un·e parent·e en prison et où les attitudes envers la police sont universellement hostiles et antagonistes. Ce phénomène est très certainement racisé, mais ne peut cependant pas être compris strictement en ces termes ; presque toutes les émeutes contre la police ou les révoltes en prison de ces dernières années ont concerné un nombre important de personnes blanches ainsi que noires et autres.

Les ruptures sociales des États-Unis au 21e siècle se jouent presque exclusivement à cette intersection territoriale de race, pauvreté et répression. Les rues et les prisons sont devenues ce qu’étaient les « lieux de travail », avec les gardien·nes et flics dans le rôle des patron·nes et managers. Les noms d’envergure nationale des Jena 6[7], Troy Davis[8], Trayvon Martin[9] et Michael Brown[10] coïncident avec les petites émeutes locales qui se déclenchent à chaque fois qu’un·e flic assassine un·e autre enfant, que ce soit à Oakland, Brooklyn ou Durham. Sur la scène mondiale, des antagonismes sociaux et des insurrections d’envergure nationale ont éclaté, non pas à la suite d’une grève générale ou d’un « mouvement social », mais à la suite d’un seul acte de violence d’un policier contre le corps d’un·e jeune. Les formes d’organisation et de prises de décisions, les réseaux sociaux et de communication, les cultures et traditions de résistance, les éthiques de prévenance et de solidarité ont tous été des facteurs importants à ces moments, mais les demandes de réformes et les partis politiques sont toujours davantage considérés comme de simples obstacles à franchir.

 

 

Bibliographie (à compléter) :

Autobiographies

Théorie

  • Clara Wichmann, La cruauté escorte le crime et la punition.
  • Her recht tot straffen (Le droit de punir), in Mensch en Maatschappij, voordrachten van Clara Meijer-Wichmann (CIRA : Anl 93)
  • Marie Kügel, « Ne jugez point ! » L’Ère Nouvelle n° (CIRA: Pf 204)

Prisons bolchéviques

Histoire des luttes de femmes en prison

  • Neal SHIRLEY et Saralee STAFFORD, Dixie Be Damned. (AK Press, 2015)

Aujourd’hui

  • Neal SHIRLEY et Saralee STAFFORD, What about the rapists? Anarchist approaches to crime and justice (Dysophia, 2014) (CIRA : Broch a 28963)
  • Collectif, Never alone : A zine on supporting prisoners by those on the outside (ABC Bristol et Empty Cages collective, 2014) (CIRA : Broch a 28964 )
  • Walidah IMARISHA, Angels with Dirty Faces. (AK Press, 2016)
  • Collectif, Femmes trans en prison.
  • Collectif, Captive Genders. (AK Press, 2015 nouvelle édition)

[1] http://radiochiflado.blogsport.de/2011/08/30/clara-wichmann-die-grausamkeit-der-herrschenden-auffassung-ueber-verbrechen-und-strafe/

[2] Note de Sylvie Puech : Dans son livre Le Monde jusqu’à hier. Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles (Gallimard, Paris, 2013), Jared Diamond indique que la justice des peuples prétendument primitifs ne vise pas à punir, mais à rétablir des relations paisibles autant que possible entre les « victimes » et les « agresseurs » pour leur permettre de continuer à vivre ensemble ou à se côtoyer dans l’avenir.

[3]Ethel Barrymore (1879-1959), actrice américaine.

[4]Luisa Tetrazzini (1871-1940), cantatrice italienne.

[5]Emma Goldman (1869-1940), militante anarchiste active aux États-Unis jusqu’à sa déportation en 1919.

[6] « Plus près de toi, mon Dieu », chant chorale chrétien écrit par la poétesse britannique Sarah Flower Adams sur une musique de l’américain Lowell Mason.

[7] Les Jena 6 sont un groupe de six lycéens noirs accusés d’avoir frappé un de leur camarade blanc au lycée de Jena, Louisiane en 2006. Cette affaire a suscité des manifestations racistes dans l’établissement, comme l’apparition de nœuds coulants. Suite à une campagne de solidarité et a des manifestations ayant réuni jusqu’à 20 000 personnes, le chef d’accusation de tentative de meurtre, jugé excessif par beaucoup a été révisé. Les accusés sont toujours en attente de procès.

[8] Troy Davis (1968-2011) a été condamné et executé pour le meurtre d’un policier en 1989, malgré une forte mobilisation internationale.

[9] Trayvon Martin (1995-2012) a été tué par George Zimmerman, un membre d’un groupe de surveillance de voisinage qui le trouvait louche. Sa mort et l’acquittement de Zimmerman ont déclenché des émeutes.

[10] En 2014, Michael Brown, âgé de 18 ans, a été tué par un policier à Ferguson, Missouri. Sa mort a déclenché la révolte de Ferguson.